Moyen-OrientProfitant du chaos, Israël renforce l’imbroglio autour du plateau du Golan
“Le plateau du Golan restera à jamais entre les mains israéliennes”. Les propos de Benjamin Netanyahu laissent peu de place à la nuance et aux pourparlers. Prononcés dimanche 17 avril à l’occasion d’un conseil des ministres pour la première fois organisé au Golan même, ces mots du premier ministre israélien ont un objectif bien précis : faire passer un message clair à la communauté internationale. Ses efforts dans la mise en scène reflètent bien sa motivation à garder dans son escarcelle ce territoire stratégique, actuellement placé au coeur des négociations onusiennes de Genève sur la Syrie. Comme le rappelle Libération, le médiateur de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a placé le retour du Golan à la souveraineté syrienne comme une priorité. Il faut dire qu’il s’agit d’un des rares points de convergence entre l’opposition et le gouvernement syrien. Mais Israël n’en démord pas, et entend bien profiter de la situation géopolitique catastrophique dans la région pour asseoir sa position sur le plateau. “ll est temps que la communauté internationale reconnaisse la réalité, il est temps qu’après cinquante ans, elle reconnaisse enfin que le Golan restera à jamais sous souveraineté israélienne”, a déclaré Netanyahu, qui compte sur le chaos ambiant pour éviter les représailles.
Condamnations en série, Israël seul au monde
Les réactions ne se sont pas faites attendre. La Syrie a répondu à cette provocation par le biais de son vice-ministre des Affaires étrangères, Faisal al-Mekdaden, qui a assuré au média libanais al Mayadeen vouloir récupérer le plateau du Golan “par tous les moyens, y compris la force”. Le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil-Al-Arabi craint “une nouvelle escalade”, son institution dénonçant des déclarations “provocatrices et visant à saper les efforts internationaux déployés pour la relance du processus de paix”. Les États-Unis et l’Union Européenne sont timidement intervenus en mettant en exergue que la question du statut du plateau du Golan ne pourra être déterminé qu’à travers le processus diplomatique. “La position américaine n'a pas changé : le plateau du Golan ne fait pas partie d'Israël”, a affirmé le porte-parole du Département d'État américain, John Kirby. L’Allemagne a été une des premières nations à réagir officiellement, via le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Martin Schaefer : “C'est un principe de base du droit international et de la Charte des Nations Unies qu'aucun État ne peut revendiquer le droit d'annexer le territoire d'un autre État”.
Le double-jeu russe
Dans ce dossier, la position la plus floue reste celle de la Russie. Benjamin Netanyahu a rencontré ce jeudi 21 avril Vladimir Poutine à Moscou pour “renforcer la coordination sécuritaire [...] afin d'éviter les incidents, les incompréhensions et les confrontations inutiles”, selon ses dires. Des médias israëliens font état de plusieurs incidents impliquant les deux armées en Syrie. Le quotidien Yedioth Ahronoth parle même de tirs russes visant des avions militaires israéliens. Une information démentie par les autorités russes, alors que Benjamin Netanyahu a mentionné à des journalistes que son armée a “rencontré des problèmes” avec les forces de Vladimir Poutine, sans développer davantage. Yair Golan, chef adjoint des forces armées israéliennes, a affirmé en marge d’une rencontre avec la presse étrangère “avoir rencontré les Russes à quatre reprises”. “J’ai le sentiment qu’ils nous voient vraiment comme des amis, un partenaire”, tempère-t-il dans des propos relayés par Le Monde. Mais la coopération avec la Russie, soutien proclamé du pouvoir syrien en place représenté par Bashar al-Assad, n’en fait pas pour autant un allié. Debka Files cite des sources du renseignement israélien, qui signalent que “les plus hauts responsables politiques et militaires israéliens ont été choqués [...] d’apprendre qu’Obama et Poutine s’étaient entendus pour soutenir le retour du Golan à la Syrie. Les deux leaders auraient donné le feu vert à leur ministre des Affaires étrangères respectifs pour inclure cette clause dans un projet de règlement de la crise syrienne à Genève”.
La sécurité comme leitmotiv
D’où la nécessité pour Benjamin Netanyahu de taper du poing sur la table dès maintenant et d’accentuer son lobbying. D’après Le Monde, sa rencontre avec Vladimir Poutine avait aussi pour but d’entraver “toute référence au Golan dans un éventuel processus politique et limiter le renforcement des capacités militaires du Hezbollah”. Car l’enjeu sécuritaire prédomine pour Israël, et constitue son principal argument pour garder la main mise sur le plateau du Golan. Le premier ministre confessait il y a peu que l’armée israélienne intervenait régulièrement en Syrie avec des frappes aériennes préventives dans le but d’amoindrir le ravitaillement en armes du Hezbollah. Dans un communiqué relatif à son entrevue avec le président russe, il revendique la mise en place de “lignes rouges” garantissant la sécurité du pays. “Primo, nous faisons le maximum pour empêcher le transfert d'armes sophistiquées d'Iran et de Syrie au Hezbollah libanais. Secundo, nous oeuvrons à empêcher l'émergence d'un front terroriste supplémentaire sur le plateau du Golan”. Autre motif d’inquiétude, l’activité du Front Al-Nosra, groupe affilié à Al-Qaida. L’organisation État Islamique ne menace pas directement la frontière, mais sa présence en Syrie effraie Israël. “Nous ne retournerons pas à l'époque où nos villages et nos enfants étaient bombardés à partir des hauteurs du Golan. Que la Syrie parvienne ou non à un règlement, le plateau du Golan restera sous souveraineté israélienne”, a donc unilatéralement conclu Netanyahu.
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