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ChroniqueUn gouvernement de l’ami du roi, mais présidé par un islamiste

06.04.2017 à 11 H 25 • Mis à jour le 06.04.2017 à 12 H 27 • Temps de lecture : 4 minutes
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Les islamistes marocains auront bu le calice jusqu’à la lie. Le PJD est dans la tourmente. C’était sans doute aussi un des buts de ceux qui l’ont poussé à mettre les deux genoux à terre.

Les islamistes marocains auront bu le calice jusqu’à la lie. Ils ont mis un premier genou à terre, fin mars, en acceptant les conditions posées par un homme proche du roi Mohammed VI pour former une coalition gouvernementale. Ils ont mis le deuxième genou à terre, début avril, en transigeant sur la composition d’un Exécutif où non seulement ils perdent du poids mais dont fait partie l’une de leurs bêtes noires.


Six mois après les élections législatives, le Maroc a enfin un gouvernement pléthorique composé de 39 ministres et secrétaires d’État appartenant à six partis politiques nommés hier, mercredi, par le souverain. L’islamiste Saadeddine El Otmani a réussi en deux semaines ce que son chef politique, Abdelilah Benkirane, n’était pas parvenu à faire en cinq mois : former un gouvernement.


Mais il en a payé le prix fort car le nouvel Exécutif ne reflète pas tout à fait le résultat des élections d’octobre 2016 que le Parti de la justice et du développement (PJD), islamiste modéré, dont Benkirane est le chef incontesté, a gagné avec une majorité relative plus large que celle qu’il avait obtenue cinq ans auparavant.


El Otmani a d’abord accepté, comme le lui exigeait Aziz Akhannouch, un milliardaire et homme politique très proche du monarque, que l’Union socialiste des forces populaires (USFP), un parti en déclin, fasse partie de la coalition avec une autre formation encore moins importante (l’Union constitutionnelle). Leur apport de voix à la Chambre des représentants (Parlement) n’était pas nécessaire. La manœuvre était autre : plus la coalition s’élargissait, moins le vainqueur électoral serait influent.


Aux portefeuilles qu’occupent les six partis, il faut d’ailleurs ajouter ceux de souveraineté, c’est-à-dire de ministres sans appartenance politique mais directement choisis et nommés par le roi, même si cela ne rentre pas dans ses attributions constitutionnelles. Ils lui rendent donc davantage compte qu’au chef de l’Exécutif.


La liste est longue. Il s’agit notamment du ministre des Habous, Ahmed Toufiq  de celui des Affaires étrangères, Nasser Bourita  de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit  du responsable de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi ou encore du secrétaire général du gouvernement, Mohamed Hajoui, qui a rang de ministre.


Le ministère de l’Éducation nationale est lui aussi apparemment tombé cette fois-ci sous la coupe du Palais. Son patron est désormais Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur dans le précédant gouvernement et qui a fait toute sa carrière dans l’appareil d’État. C’est lui qui, quand il était wali de Tanger, avait fait interdire, en août 2012, un meeting des jeunesses islamistes où Benkirane devait prendre la parole.


L’entrée de Hassad, en 2014, dans son gouvernement comme ministre de l’Intérieur, avait été dure à avaler pour Benkirane tout comme l’est maintenant pour Otmani l’arrivée à ce même portefeuille d’Abdelouafi Laftit, qui était wali de Rabat jusqu’à mercredi. Quand il occupait ce poste, il avait acheté, début 2016 dans un quartier huppé de Rabat, un terrain appartenant à l’État à un prix dix fois inférieur à sa valeur de marché. Les islamistes lui avaient véhément reproché de s’enrichir sur le dos de l’État, mais les ministères des Finances et de l’Intérieur étaient sortis en trombe défendre la légalité de l’opération.


Les revers du PJD ne s’arrêtent pas là. L’un de ses poids lourds, Mustapha Ramid, perd le ministère de la Justice pour devenir ministre des Droits de l’Homme, un nouveau portefeuille sans grand contenu. Autre revers : certains ministres islamistes dans le dernier gouvernement Benkirane deviennent maintenant ministres délégués soumis à l’autorité de ministres à part entière.


Le nombre de portefeuilles dévolus au PJD (125 sièges au Parlement ) est à peine supérieur à celui du Rassemblement national des indépendants (37 sièges). Il est vrai que cette formation, créée de toutes pièces par l’Intérieur à la fin des années soixante-dix, est dirigée par Aziz Akhannouch, l’homme d’affaires proche du souverain. Cet homme qui détient la deuxième fortune du Maroc, d’après la revue américaine Forbes, garde lui-même le portefeuille de l’Agriculture et voit même ses compétences élargies. « On a le gouvernement d’Akhannouch, mais présidé par Otmani », blaguent certains Marocains sur les réseaux sociaux.


Toutes ces déconvenues provoquent des tiraillements au sein de la formation islamiste. Elles sont d’abord palpables sur les réseaux sociaux où nombre de jeunes qui disent militer au PJD ou qui sympathisent avec le parti expriment leur déception et avouent, parfois, se sentir humiliés.


Parmi les ténors du parti, des voix s’élèvent aussi pour revendiquer la tenue d’un Conseil national, l’organe suprême de la formation, pour débattre du bien-fondé des concessions réalisées.


Abdelali Hamiddine, vice-président de ce Conseil national, ose expliquer avec franchise que ce gouvernement « n’est pas le résultat d’alliances entre partis politiques libres et souverains ». « Il est l’expression de la volonté des plus forts imposée à des partis politiques dépourvus de toute volonté », ajoute-t-il.


Allant jusqu’au bout de ce raisonnement, certains islamistes se demandent même s’il ne faut pas prendre ses distances avec un gouvernement dirigé, en théorie, par l’un des leurs. Le parti est dans la tourmente. C’était sans doute aussi un des buts de ceux qui l’ont poussé à mettre les deux genoux à terre.

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