EspagneLa presse espagnole serait fondamentalement islamophobe
« Des titres sensationnels, des images et des histoires qui regorgent de stéréotypes racistes », 60 % des articles sur la communauté et la religion musulmane publiés par six médias écrits espagnols ont une connotation islamophobe. Telle est la conclusion du premier rapport rendu public par l’Observatoire de l’islamophobie dans les médias, dirigé par la Fondation Al Fanar pour la connaissance arabe et l’Institut européen de la Méditerranée.
L'enquête rassemble, tout au long de ses 141 pages, des exemples concrets des mauvaises pratiques des médias espagnols en matière de reportage sur ce qui entoure l'islam et la communauté musulmane établie en Espagne. L'utilisation de manchettes anxiogènes - faisant référence par exemple à la « terreur islamiste » -, la « tendance à qualifier d'étranger » les musulmans d'origine espagnole ou le « portrait sexiste habituel » des femmes musulmanes.
Les auteurs dénoncent également « l'abus du vocabulaire propre à la doctrine islamique ». « C'est un vocabulaire usurpé au peuple musulman pour le transformer en un lexique extrémiste et violent », expliquent-ils, en utilisant le mot « jihad » comme exemple prépondérant. « Avec l'utilisation répétée du langage islamophobe, d'abord dans les médias pour ensuite transmettre à la société en général, les terroristes ont été musulmans et les musulmans déshumanisés », ont-ils déclaré.
Dans ce document, les auteurs analysent les contenus publiés sur les sites internet de six journaux (El País, El Mundo, La Razón, La Vanguardia, eldiario.es et 20 Minutes) durant l’année écoulée. « L'islamophobie est une réalité dans la presse écrite en Espagne », concluent-ils.
Selon une codification empruntée aux photophores, allant du rouge au vert, l’étude attribue ainsi une notation aux articles analysés. Le rouge est attribué aux informations dont le titre, le texte ou l’image reproduit l’idée que la communauté musulmane est « différente, inférieure, primitive ou sexiste » ou qu’elle est conçue comme regroupant « des ennemis ou des alliés du terrorisme » et interprétant l'islam comme une « idéologie politique ou militaire ».
Les informations qui couvrent l’actualité liée à l’islam sans contenu islamophobe sont classées en vert. A mi-chemin des deux points opposés, se trouvent les textes tagués en jaune qui « sans être explicitement islamophobes privilégient une interprétation islamophobe », en raison, par exemple, du manque de contexte ou du mauvais choix des photographies qui l'accompagnent.
Une étude qui prétend ne pas être menée à charge
Les meilleurs résultats de l'analyse ont été obtenus par eldiario.es, selon le document qui en a rapporté les conclusions. Près de 70 % des nouvelles de ce média liées à l'islam obtiennent une valorisation verte. Ce pourcentage dans le reste des journaux analysés représente moins de 40 % du total.
De l’autre côté, le nombre de nouvelles en rouge publiées par eldiario.es est de 10 %. Dans les autres médias, les résultats en rouge dépassent 19 %.
L'Observatoire souligne que l'objectif de cette étude « n'est pas de critiquer ou d'attaquer les médias analysés, mais de fournir des outils facilitant la représentation en leur sein d'une société diversifiée ». La plupart des idées discriminatoires sont généralement données dans les sections d'opinion de ces médias : 72 % du contenu des colonnes analysées est islamophobe.
De plus, les femmes de confession musulmane sont les plus discréminées par la presse, ajoute l’étude. Les sujets traités par les 40 % d'actualités au plus haut degré de connotation islamophobe concernent les femmes et des problèmes tels que le port du voile ou de la burqa. « Ils dépassent même les contenus a priori plus propices aux généralisations et aux accusations islamophobes, telles que le terrorisme ou la radicalisation ». Ces résultats mettent en évidence une tendance : « les préjugés et les stéréotypes ont plus de poids quand ils parlent des femmes musulmanes », est-t-il souligné.
Le rapport souligne la prédominance des actualités à caractère critique 90 % des articles relatifs aux musulmans ou à l'islam traitent ainsi d'aspects négatifs. Sur les 1 659 articles analysés, 1 150 concernent le terrorisme. Le nombre de nouvelles liées à la religion musulmane dans ces médias a monté en flèche après les attentats de Barcelone et de Cambrils en août.
« Nous devons être conscients que l'impact des informations publiées sur la construction de l'imaginaire sur l'islam dans la société espagnole ne peut être que négatif, car, comme nous l'avons vu, le lecteur a rarement devant lui une information qui n’est pas liée à la violence, cette représentation n’a rien à voir avec la réalité de la vaste majorité des deux millions de musulmans vivant en Espagne », poursuit le document.
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