Conflit socialCrise à la RAM: Nadia Fettah Alaoui interpellée par l’influente organisation des pilotes européens
« Représentant plus de 40 000 pilotes de ligne de toute l'Europe et des pays voisins, y compris le Maroc, nous tenons à exprimer notre vive préoccupation concernant les récents développements de votre transporteur aérien national - Royal Air Maroc - et les mesures sans précédent prises par la direction de RAM envers ses pilotes », a écrit dans une lettre adressée le 11 septembre à la ministre en charge du transport aérien, Nadia Fettah Alaoui, par l'European Cockpit Association (ECA), la puissante organisation basée à Bruxelles qui représente les pilotes européens.
« Ces évolutions nous surprennent, car RAM respectait le principe du dialogue social et s'engageait dans un style de gestion axé sur la recherche de solutions en partenariat avec ses principaux professionnels de la sécurité - ses pilotes », ajoute l’ECA.
« Cependant, la direction de la RAM semble avoir choisi de quitter cette approche de partenariat éprouvée et de s'engager plutôt dans une approche très conflictuelle. Le dialogue social significatif est absent et les membres et dirigeants du syndicat des pilotes sont visés par une vague sans précédent de licenciements et de mesures disciplinaires », ajoute la même source qui ajoute que « ces mesures ne sont pas alignées sur les principes du Code du travail marocain et sur le règlement intérieur de la RAM méconnaissant les dispositions de la convention collective de travail entre RAM et ses pilotes ».
L’ECA déclare avoir été « surprise que RAM n'ait pas envisagé une offre constructive et généreuse du syndicat des pilotes AMPL - réduction des salaires pour préserver les emplois et la pérennité de la compagnie aérienne afin d’assurer la survie du transporteur national marocain ».
L’association européenne estime qu’ « avec cette offre, les pilotes ont voulu montrer qu'ils sont prêts à jouer leur rôle en proposant d'explorer des solutions innovantes pour surmonter cette crise sans précédent ».
« Plusieurs lettres de l'AMPL, invitant RAM à négocier et à construire une réponse collective à la crise, sont restées sans réponse », regrette l’ECA qui souligne les associations membres à travers travers l'Europe (…) « sont alarmés par une telle approche conflictuelle, qui ne fera que nuire à l'entreprise, à sa viabilité économique et à sa marque bien connue ».
Un risque de compromission de la sécurité des vols
L’association dirigée par l’influent Commandant Jon Horne prévient sur les risques consécutifs à « une atmosphère de peur parmi les professionnels de la sécurité de la compagnie aérienne - ses pilotes - qui risque à terme de compromettre la sécurité de ses opérations ».
« La peur et la confrontation ne font pas bon ménage avec la sécurité des vols, et toute direction responsable des compagnies aériennes devrait agir en conséquence », assure-t-il dans sa missive.
« Les pilotes marocains ont une histoire avérée de loyaux services et d'ambassadeurs de leur pays et de leur compagnie aérienne. Nous vous demandons donc, en tant que ministre responsable, de vous intéresser activement au transporteur aérien national du Royaume - Royal Air Maroc », estime le lobby européen des pilotes qui exhorte Nadia Fettah Alaoui « à faciliter un retour à la table des négociations avec les représentants des pilotes, au respect de la convention collective de travail de RAM et des exigences légales, et à insister pour mettre fin à ce qui semble être des pratiques patronales antisyndicales et à la peur répandue parmi les pilotes de la RAM ».
« C’est un tel cours de partenariat et de dialogue qui établira une base économiquement viable et socialement responsable pour le succès futur de RAM - et, surtout, pour maintenir la sécurité opérationnelle de votre transporteur aérien national », insiste à dire l’ECA.
« Nous avons vu de nombreuses compagnies aériennes à travers l'Europe et au-delà s'engager de manière constructive avec leurs représentants pilotes afin de trouver conjointement des solutions pour surmonter le grave impact économique de la crise du COVID-19. Ce n'est en aucun cas un processus facile, mais un processus à la fois nécessaire et possible. Il n'y a aucune raison pour que la RAM ne soit pas en mesure de faire de même et de construire ainsi une base solide pour un avenir positif », conclut l’association européenne qui propose même à la ministre, son aide « dans cette affaire importante ».
Le fait que l’ECA se mobilise de la sorte aux côtés des pilotes marocains qui ont fait les frais des mesures prises par la RAM, pourrait avoir des conséquences sur la présence de la compagnie dans le ciel européen. « J’ai peur que le Maroc se fasse blacklister sur l’Europe...il y a des antécédents, Air Mauritanie l’avait été pour un conflit social similaire, justement pour son impact sur la sécurité de ses vols », témoigne une source proche de l’aviation civile…
Depuis quelques jours, de nombreuses associations et autant de syndicats de pilotes à travers le monde ont exprimé leur solidarité envers les 65 pilotes brutalement licenciés par la compagnie nationale.
De son côté, la Fédération internationale des pilotes de ligne (IFALPA) a demandé, dans un courrier diffusé ce 11 septembre, à tous ses membres d’apporter une « assistance mutuelle » à l’Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL).
En réplique, la direction de la RAM, demeurée cloitrée dans son silence, a alimenté ces derniers jours l’opinion publique de fake news dans l’objectif de nuire à la réputation et à l’image des pilotes licenciés suscitant une vague d’indignation sur les réseaux sociaux.