Hamas-Israël« Déluge Al-Aqsa », le pire échec d’Israël depuis la Guerre du Kippour
A partir de la bande de Gaza, le Hamas palestinien a déclenché au petit matin de ce 7 octobre une offensive militaire surprise et spectaculaire sur Israël. Le groupe palestinien a tiré des milliers de roquettes, infiltré des combattants en territoire israélien et capturé un nombre indéterminé d'Israéliens.
L'attaque a largement été condamnée par la communauté internationale. Face à la gravité de la situation, le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra une réunion d’urgence ce dimanche.
L'offensive du mouvement islamiste palestinien survient au dernier jour des fêtes juives de Souccot en Israël, alors que le pays vit au ralenti et que de nombreux pèlerins et touristes ont afflué en cette période de vacances scolaires. Elle a lieu aussi cinquante ans et un jour après le début de la guerre israélo-arabe de 1973 qui avait pris Israël totalement par surprise en plein Kippour. C’est l'escalade la plus meurtrière depuis la guerre de 11 jours de mai 2021 entre le Hamas et l'armée israélienne. « Cet assaut a été longuement préparé, mais la surprise est totale : le Hamas, s’inscrivant dans le temps long, inflige au renseignement israélien son pire échec depuis la guerre du Kippour », commente Le Monde.
« Mettre fin à l’occupation »
Les hostilités ont commencé avant 6h30 heure locale par un déluge de roquettes tirées depuis la bande de Gaza, vers les localités israéliennes voisines, mais aussi plus en profondeur jusque vers Tel-Aviv et Jérusalem. Profitant de l'effet de surprise, des combattants du Hamas à bords de véhicules, de bateaux et même de parapentes motorisés se sont joués de l'imposante barrière de sécurité érigée par Israël autour de la bande de Gaza, attaquant des positions militaires ou des civils en pleine rue.
Dans un message audio diffusé par la télévision du Hamas, le commandant des brigades Al-Qassam, Mohammad Deif, a annoncé avoir déclenché l'opération « Déluge d'Al-Aqsa » contre Israël. « Nous avons décidé de mettre fin à tous les crimes de l'occupation », a-t-il ajouté. Dans la soirée, l'armée israélienne a affirmé que des « centaines » d'hommes armés étaient toujours présents sur le territoire du pays.
En riposte, l'armée israélienne a déclenché l'opération « Glaives d'acier », et, vers 11h, elle a annoncé mener ses premières frappes aériennes sur Gaza en représailles. « Nous sommes en guerre, il ne s'agit pas d'une simple opération ou d'un cycle de violence, mais bien d'une guerre », a déclaré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Ce dernier a proposé un gouvernement d’unité nationale après avoir déclaré l’état de guerre. Cette décision rapprocherait Netanyahu et son opposition. En milieu de matinée, le lieutenant-colonel Richard Hecht, porte-parole de l'armée israélienne, a expliqué que les troupes sont engagées dans des combats au sol en territoire israélien en « plusieurs endroits autour de la bande de Gaza » contre des combattants infiltrés qualifiés de « terroristes ».
De nombreuses frappes aériennes ont visé Gaza. Dans la soirée, elles ont détruit les trois immeubles de la « Tour Palestine », ont constaté des journalistes de l'AFP, qui ont vu les trois tours de plus de dix étages s'écrouler l'une après l'autre après des explosions. Dans le même temps, le ministre israélien de l'Energie, Israël Katz, a annoncé avoir signé un décret ordonnant à la compagnie publique d'électricité de « cesser (sa) fourniture d'électricité à Gaza ».
BREAKING : Palestine tower leveled after Israeli strikes in Gaza
— Insider Paper (@TheInsiderPaper) October 7, 2023
Des centaines de morts de part et d’autre
L'éruption de violence a déjà fait 250 morts et 1 590 blessés côté israélien, selon le Maguen David Adom, l'équivalent israélien de la Croix-Rouge. Parmi les gradés tués en Israël se trouvait le lieutenant-colonel Jonathan Steinberg, un officier supérieur qui commandait la brigade militaire du Nahal, une importante unité d’infanterie.
On dénombre au moins 232 morts et et au moins 1700 blessés du côté palestinien, selon le ministère de la Santé du Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir sur la bande de Gaza depuis 2007. En Cisjordanie occupée, deux Palestiniens ont été tués, à Ramallah et à Jéricho, et une cinquantaine d'autres blessés lors d'affrontements avec les forces israéliennes et des colons, ont annoncé le ministère palestinien de la Santé et le Croissant-Rouge.
En Cisjordanie occupée, six Palestiniens ont été tués et 120 blessés samedi soir lors d’affrontements avec les forces israéliennes et des colons, selon le ministère palestinien de la santé.
Des soldats de Tsahal et des civils capturés
Dès le matin, des centaines de civils ont fui leurs maisons dans le nord-est de la bande de Gaza pour s'éloigner de la frontière avec Israël. L’armée israélienne a accusé les hommes armés du mouvement islamiste au pouvoir à Gaza d’avoir commis des massacres. « Les terroristes se sont déchaînés et se sont introduits dans des maisons, ils ont massacré des civils », écrit l’armée sur son compte X.
Par ailleurs, les brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du Hamas, ont affirmé avoir « capturé plusieurs soldats ennemis » dans une vidéo. Les Brigades al-Qods, la branche militaire du Jihad islamique palestinien, ont aussi déclaré détenir « de nombreux soldats » israéliens. Le porte-parole de l'armée israélienne a ainsi confirmé dans la soirée que des « soldats et des civils israéliens » avaient été enlevés lors de l'infiltration d'hommes armés. Pour l’heure, le nombre de personnes prises en otage − civils et soldats − est indéterminé.
Interrogé par la chaîne américaine CNN, le porte-parole de l’armée israélienne, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, a ainsi reconnu un nombre « significatif » de personnes capturées et prises en otage lors de l’assaut du Hamas.
« C’est sans précédent dans notre histoire que nous ayons autant de ressortissants israéliens entre les mains d’une organisation terroriste », a-t-il dit. « Je peux vous assurer que Tsahal se concentrera sur le retour de chaque Israélien », a-t-il déclaré, ajoutant que la capture de ces personnes « forcera Israël à une réponse sans précédent ».
Les premières réactions à travers le monde
L'ONU a annoncé avoir convoqué une réunion d'urgence du Conseil de sécurité sur le Moyen-Orient dimanche. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a exhorté la communauté internationale à des « efforts diplomatiques pour éviter un élargissement de la conflagration » entre Israël et le Hamas.
Le président américain Joe Biden, qui s'est entretenu avec Benjamin Netanyahu, « met en garde tout acteur hostile à Israël qui chercherait à profiter de la situation », selon un communiqué de la Maison Blanche. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s’est entretenu avec son homologue égyptien Sameh Choukri dans l’espoir que l’Egypte, un intermédiaire clé entre Israël et le Hamas, contribue à mettre fin à l’offensive du mouvement islamiste palestinien, selon le département d’Etat. Lors d’une conversation téléphonique avec Choukri, Blinken a souligné « l’urgence de parvenir à un arrêt immédiat de l’effroyable assaut des terroristes du Hamas contre Israël », a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller.
D’après un haut responsable de la Maison Blanche, Washington juge qu’il est « trop tôt » pour dire si l’Iran est impliqué dans l’offensive du Hamas sur Israël. Il a toutefois ajouté qu’il n’y avait « pas de doute » sur le fait que le Hamas était « financé, équipé et armé » entre autres par le régime de Téhéran. Cet officiel a déclaré que les Etats-Unis et Israël étaient en discussion « approfondie » pour une aide militaire. Il a indiqué qu’une annonce côté américain était possible dès dimanche, mais a reconnu que l’exécutif faisait face à une situation parlementaire compliquée.
L'UE et plusieurs capitales européennes ont également « fermement condamné » les attaques. « Cette violence horrible doit cesser immédiatement. Le terrorisme et la violence ne résolvent rien », a déclaré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Emmanuel Macron, qui a, lui aussi, condamné les attaques du Hamas, s'est entretenu avec les présidents égyptiens, palestinien et le Premier ministre libanais.
[Thread] Huge demonstrations in solidarity with Palestine are happening right now across the Muslim world
1. Istanbul, Turkey. 🇹🇷🇵🇸 pic.twitter.com/ihgvdbOkLs
— Alan MacLeod (@AlanRMacLeod) October 7, 2023
Quant à la Russie, elle a appelé les Israéliens et les Palestiniens à un « cessez-le-feu immédiat », en exprimant sa « plus grande préoccupation ». En Iran, un conseiller militaire du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a salué l'offensive en disant soutenir « cette fière opération ».
Pris de court, les Etats arabes du Moyen-Orient appellent à la retenue. L’Arabie saoudite, qui explorait ces derniers mois la possibilité d’une reconnaissance de l’Etat hébreu, a mis en cause « la privation du peuple palestinien de ses droits légitimes ».
« Le Maroc exprime sa profonde préoccupation suite à la détérioration de la situation et au déclenchement des actions militaires dans la bande de Gaza et condamne les attaques contre les civils d’où qu’ils soient », a indiqué samedi un communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger.
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