Le bloc notes de la rédaction
FIFM: Conversation avec Justine Triet, la réalisatrice qui explore le chaos au féminin
Pour Justine Triet, les films sont un « terrain de jeu et d’exploitation de diverses thématiques importantes », où les femmes occupent indéniablement une place importante. Cela s’impose naturellement à la réalisatrice parce qu'elle est une femme mais surtout parce qu'elle aime filmer « des femmes contrariées, dans des situations ambiguës et qui doivent gérer énormément de tracas en même temps. Plus j’avance, plus j’ai l’impression de plonger dans leur cerveau et leur façon de vivre », précise-t-elle.
Si les films de Justine Triet touchent par leur intensité et leur profondeur, c’est parce qu’ils sont une projection d'une facette d'elle sur l'écran. Il s'agit d'une vérité façonnée qui ne trahit ni ne reproduit la réalité mais s’en sert pour produire quelque chose de remarquable qui marque les esprits.
Dans ce sens, la réalisatrice explique qu'elle se sert de la fiction « pour se planquer ». Par ailleurs, « je pense de plus en plus que ça n’a aucun intérêt de faire des films sur des histoires qui nous intéressent seulement. Les histoires doivent être passionnantes mais il faut aussi et surtout qu’elles soient traversées intimement par le réalisateur qui s’en empare. La catharsis est quelque chose que j’adore, le fait de faire imploser ce qu’on ressent est quelque chose de génial. Par contre, il faut toujours essayer de trouver un équilibre pour ne pas être avalé ».
Le chaos est aussi une constante dans les films de Justine Triet et les femmes, au centre de ce chaos. « C’est impossible, même dans le quotidien de ne pas questionner les rôles des femmes et des hommes aujourd’hui, mais je ne me considère pas pour autant quand je travaille comme une militante féministe sinon, je pense que je ferai un très mauvais film », raconte-t-elle.
« Chez moi les choses se font de manière plus inconsciente. Je me réfère à ce que je suis, comment je vis, comme le fait d’avoir dû travailler quatre fois plus quand je suis tombée enceinte. Je me réfère à ma grand-mère qui était très engagée et déconstruite et à ma mère qui l’était moins. Dans Anatomie d’une Chute, qu’on a co-écrit ensemble avec Arthur mon compagnon, on s’est amusés à pousser les limites à l’extrême. La dispute dans le film, c’était un peu un match à écrire avec Arthur, on était conscient qu’on jouait avec les codes du genre, mais on l’a fait avec beaucoup de sourire et d’amusement ».
Les personnages féminins dans les films de Justine Triet représentent chacune une part de la réalisatrice ou un fantasme. Virginie Efira dans Victoria et Sybil, Laëtitia Dosch dans La Bataille de Solférino ou Sandra Hüller dans Anatomie d’une Chute, toutes exercent un métier lié à la parole. Elles sont avocates, journalistes et écrivaines. Et ce n’est pas une coïncidence, car la parole est une obsession chez Justine Triet. « Je m’en suis rendue compte récemment et je pense que le point commun entre mes films et leurs personnages est l’échec de la parole. Ces femmes qui essayent tout le temps de parler et de se faire comprendre mais qui n’y arrivent pas. C’est une obsession que j’ai », explique-t-elle au public.
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.