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Forum des droits humains : Histoire, mémoire et émotions en partage
Après avoir confirmé leur alliance pour l’organisation de l’édition 2030 de la coupe du monde de football, l’Espagne, le Portugal et le Maroc, œuvrent désormais à raffermir leurs liens dans d’autres domaines. Sans doute le plus évident, l’Histoire, puisque le destin des trois pays en a dépendu durant des siècles. C’est le thème principal choisi pour le Forum des droits humains, tenu en marge du Festival Gnaoua et Musiques du Monde pour sa 25ème édition. Après un discours de José Luis Zapatéro, ancien chef de l’exécutif espagnol, un panel d’intellectuel a pris place pour évoquer une histoire et une mémoire commune entre le Maroc et les deux pays ibériques.
Ont discuté de cette thématique, Oumama Aouad Lahrech, ancienne ambassadrice marocaine au Pérou, en Bolivie et au Panama, l’écrivain et Professeur à l’Université de New England Anouar Majid, auteur notamment de We are all Moors (Nous sommes tous des Maures), Mohamed El Morabet écrivain et traducteur maroco-espagnol fin connaisseur de la culture entre les deux pays, Rodrigo Sobral Cuhna écrivain et penseur portugais et enfin Nieves Muriel Garcia, l’écrivaine et universitaire espagnole qui a révélée l’existence de lettres d’amour entre femmes espagnoles et soldats marocains saisies entre les années 1930 et 1950.
L’ensemble du panel a insisté sur la nécessité de renforcer les liens entre les trois pays, plus étroitement encore à l’heure où l’actualité dans le monde est plutôt anxiogène. Nieves Muriel Garcia rappelle à cet égard que « ce sont en général les femmes qui sont le plus porteuses d’espoir d’amour et de paix ». Pour preuve son travail dans les archives espagnoles qui a permis de révéler des centaines de lettres d’un amour « interdit » entre femmes espagnoles et soldats marocains. Des documents inédits largement censurés par le régime franciste (1939-1977). Oumama Aouad Lahrech, quant à elle, a évoqué le lien linguistique inextricable entre l’arabe, l’espagnol, la darija et le portugais.
L’ancienne ambassadrice, spécialiste de l’Amérique latine, a rappelé qu’entre 4000 et 5000 mots arabes ont intégré l’espagnol durant les huit siècles de présence musulmane en péninsule ibérique. Plus étonnant, l’espagnol parlé en Amérique latine contiendrait encore plus de mots d’origine arabe « du fait qu’ils n’aient pas eu à faire de révision historique de leur passé ». A ce titre, de « grands intellectuels latino-américains revendiquent un héritage cultuel arabe ». Dans le même sujet, Mohamed El Morabet a fait référence à l’histoire de la ville portugaise de Mazagao, une cité « littéralement déménagée depuis l’ancienne Mazagan » (El Jadida) au cours de courants migratoires insoupçonnés.
Anouar Majid l’écrivain d’origine tangérois dont les livres connaissent un grand succès outre-Atlantique, a pour sa part regretté qu’en 2009, aucune cérémonie ne soit venue rappeler les quatre siècles du décret royal espagnol décrétant l’expulsion de 300 000 musulmans, survenue après celle des juifs (1492) et la prise de Grenade. Un devoir de mémoire encore inachevé selon lui avant d’inviter les trois pays à « cicatriser les blessures du passé ».
Rodrigo Sobral Cuhna l’intellectuel polydisciplinaire portugais, a lui, insisté sur le véritable langage commun entre les trois nations « celui du cœur » car dit-il, « inscrit dans la culture partagée ». Une première rencontre pleine d’émotions, se félicite Driss El Yazami, président du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME) co-organisateur du Forum. Tout en saluant le « tribun » José Luis Zapatero, et en regrettant l’absence d’António Costa (l’ancien premier ministre portugais vient de prendre la présidence du Conseil européen) nous déclare « la nécessité de former un bloc de paix et de stabilité » avec les voisins ibériques. Le Forum se poursuit ce 29 juin pour sa dernière session.
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