Le bloc notes de la rédaction
L’architecture Art déco dans les rues de Rabat et Marrakech
Pour cette première rencontre du patrimoine 2024-2025, l’association Casamémoire a mis à l’honneur l’architecture Art déco au Maroc. Le thème de la soirée s’est porté sur ce style architectural en raison du centenaire de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, organisée en 1925 à Paris.
L’Art déco marocain, car malgré des similitudes géométriques, très linéaires, ce style diffère des villes marocaines aux villes européennes. Au début du 20ème siècle, lorsqu’arrive l’Art déco au Maroc, conjointement avec le protectorat, les villes se construisent, et s’imprègnent alors de ce style au fil de leur création, tandis que les grandes cités européennes et leurs bâtiments existaient déjà et qu’elles y ajoutent seulement la touche Art déco pour certains édifices.
Avec une présence pourtant riche et variée à Casablanca, l’association a choisi de découvrir ce courant à travers les villes de Rabat et Marrakech. Car si l’Art déco n’est pas identique de Paris à Rabat, il ne l’est pas plus entre Rabat et Marrakech, deux villes inscrites à l'Unesco.
Deux architectes, Abderrahmane Chorfi pour la ville de Rabat et ancien directeur de l’Ecole nationale d’architecture (ENA), et Soad Belkeziz, pour la ville de Marrakech, présidente de l’association marrakchie Turath, étaient invités à cette table ronde pour noter les différences et particularités de ce style architectural, témoin d’une époque marquante.
L’Art déco rabati dans les formes
Pour Chorfi, auteur du livre Rabat, la ville nouvelle, le style Art déco a fait partie du paysage rabati pendant le protectorat, mais comme d’autres styles. Parmi eux, il cite l’Art nouveau et les courants néo-traditionnel et néo-classiques, le style moderne.
La plus grande partie de la ville de Rabat se construit entre 1918 et 1939, notamment le boulevard Mohammed V. Tous ces styles s’y succèdent, dont l’Art déco. Si à Paris les bâtiments Art déco sont isolés et ont ainsi des volumes différents selon les étages, l’architecte rappelle les règlements qui prenaient place pendant la construction de Rabat, où les bâtiments devaient être alignés.
Selon Chorfi, l’Art déco s’entend alors selon deux aspects, l’épaisseur des façades, et l’extension des ouvertures. Avec ce style architectural, la loggia, la terrasse arrivent, et donnent plus de matière aux façades. Comme les ouvertures, dorénavant très grandes et horizontales. Tout cela est permis avec l’arrivée du béton armé, qui solidifie les structures et libères des contraintes géophysiques, comme l’illustre la porte d’entrée de la gare de Rabat, avec ses six mètres de largeur, indique Chorfi.
L’architecture moderne de Marrakech face à son poids historique
L’inscription de Marrakech au patrimoine mondial de l’Unesco résulte de sa médina, sa ville historique. Lorsque les Européens arrivent pendant le protectorat, ils restent davantage séduits par sa médina que la ville nouvelle. Le style Art déco arrive alors bien plus tard à Marrakech, en 1926. Pendant des décennies, et encore maintenant, l'importance historique de la ville et son architecture efface ses constructions modernes.
La villa Majorelle reste le premier bâtiment Art déco, marrakchi, en 1926, puis arrive l’hôtel Mamounia avec Henri Prost, raconte Belkeziz. Dans cet hôtel, c’est notamment la décoration intérieure qui marque cet Art déco. « Les motifs s’inspirent de l’art islamique et berbère, mais ils restent des motifs géométriques », souligne l’architecte marrakchie. Ainsi selon elle, l’Art déco se caractérise par son hybridation, car il s’inspire de l’art traditionnel marocain.
Pour illustrer ses propos, Belkeziz mentionne le cinéma Palace, construit à cette époque d’effervescence stylistique, où l’Art déco englobe ainsi les autres styles du début du siècle. Mais l’un des plus beaux bâtiments Art déco de Marrakech, reste le café Les Négociants, sur le boulevard Mohammed V.
La spécificité de l’Art déco marocain s’entend par son éclectisme selon l’architecte marrakchie, « l’art déco s’inspire de l’art traditionnel, et qui a été réinterprété avec l’art moderne », souligne Belkeziz.
Cette vision hybride distingue les deux architectes. Si pour l’architecte marrakchie le style streamline, très horizontal, inspiré des paquebots transatlantiques, à l’image du café Atlas à Marrakech, fait partie de l’Art déco par sa décoration, Chorfi note la subtilité des fenêtres en bande verticale, qui ne peuvent s’entendre avec l’Art déco, caractérisé par sa verticalité. Mais tous deux s'accordent sur l'importance de l'architecture moderne avec la transformation, la vitalité des villes, et alors l'importance de conserver le témoignage d'une époque, transmis par les bâtiments.
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