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n°1014.Comment Bank Al Maghrib prépare le lancement du marché secondaire des créances en souffrance

28.11.2024 à 23 H 59 • Mis à jour le 29.11.2024 à 00 H 05 • Temps de lecture : 8 minutes
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Bank Al Maghrib se prépare à lancer le marché secondaire des créances en souffrance, une réforme majeure pour le secteur bancaire et pour l’économie nationale. En voici l’essentiel des mesures

Bank Al-Maghrib (BAM) se prépare à lancer le marché secondaire des créances en souffrance, une réforme majeure pour le secteur bancaire et pour l’économie nationale, a annoncé, jeudi à Casablanca, le directeur général de la Banque centrale, Abderrahim Bouazza.


« Il s’agit du projet de loi sur la création d’un marché secondaire des créances en souffrance au Maroc qui prévoit de lever les obstacles juridiques entravant la transférabilité directe de ces créances » a expliqué Bouazza lors d’une conférence organisée par BAM et la Société financière internationale (IFC) sous le thème « Catalyser le marché secondaire des créances en souffrance au Maroc ».


Selon le responsable, ce projet de réforme supprime l'exigence du consentement du débiteur et simplifie les modalités de notification des avis de recouvrement de ces créances. A ce titre, il a précisé que le texte du projet de loi régissant ce marché sera bientôt adopté, tout en affirmant qu’il permettra d’éliminer les obstacles juridiques entravant la possibilité de transférer directement ces créances, par exemple avec la suppression de la condition de l’accord du débiteur et en simplifiant la procédure de notification aux débiteurs pour le recouvrement de ces créances.


Une panoplie de dérogations

La réforme prévoit dans ce sens une panoplie de dérogations sur le champ d’application et à la définition des conditions selon lesquelles un établissement de crédit peut céder, à titre onéreux, les créances en souffrance.


« La cession peut porter sur tout ou partie d’une créance en souffrance de nature monétaire présente dont le montant est déterminé ou déterminable  détenue par un établissement de crédit ou organisme assimilé résultant d’une opération de crédit », prévoit le texte de loi réformé, comme il prévoit une dérogation au monopole bancaire prévu dans l'article 18 de la loi bancaire, relatif aux opérations ne constituant pas des opérations de crédit. Des amendements nécessaires à l’extension aux opérations de cession de créances en souffrance : « Toute personne peut procéder à l'acquisition dans l'exercice de son activité professionnelle de créances en souffrance ».


Le projet de loi touche aussi à la transférabilité directe des créances en souffrance, l'effet de la cession entre les parties : la cession transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée en contrepartie du paiement d’un prix déterminé ou déterminable. La cession doit être constatée par écrit et son acte contresigné par le cédant et le cessionnaire.


Quant à la dérogation au consentement du débiteur prévu par l'article 192 du DOC, « cette disposition permet de supprimer la nécessité d’obtenir l’accord du débiteur pour qu’une banque puisse procéder à une cession de créances en souffrance ».


Autre dérogation aux dispositions de l'article 204 du dahir DOC : la suppréssion de la garantie du cédant d'une créance en souffrance effectuée dans le cadre du marché secondaire de la solvabilité du débiteur à hauteur du prix de cession de la créance et donc de tout engagement hors bilan des banques cessionnaires.


Une nouvelle catégorie d'investisseurs

Le directeur général de la banque centrale a également précisé que le marché secondaire, qui rachète les créances à des professionnels, ouvrira la voie à une nouvelle catégorie d’investisseurs spécialisés dans l’achat de créances bancaires non réglées, dont la valeur serait déterminée lors de négociations avec les vendeurs, a-t-il encore relevé.


Il a, dans ce sens, souligné que l’encours des créances en souffrance des entreprises et des ménages, comptabilisées par les banques, a plus que doublé en 10 années pour dépasser les 98 milliards de dirhams (MMDH), ce qui représente 8,6 % du total des crédits des banques et presque 7 % du PIB.


La hausse des créances bancaires impayées s'explique par divers facteurs, notamment une conjoncture économique difficile, des difficultés sectorielles et le surendettement, a-t-il indiqué, ajoutant que leur encours pourrait s'aggraver à l’avenir en raison des chocs économiques successifs récents, dont les impacts n’apparaissent pas encore dans les bilans bancaires, et des incertitudes croissantes de l’environnement international.


« Les créances en souffrance demeurent inscrites aux bilans bancaires pendant des périodes prolongées, en raison des délais liés à leur recouvrement, qu’il soit amiable ou judiciaire », a-t-il précisé, notant que les règles fiscales exigent leur maintien en bilan pendant au moins cinq ans, et ce après l’épuisement de toutes les voies de recours.


Évoquant les conséquences de cette problématique, Bouazza a relevé que les créances en souffrance génèrent pour les banques des coûts importants liés à leur gestion, immobilisent des fonds propres requis par la réglementation sur la solvabilité et affectent leur liquidité.


A ce titre, il a fait savoir que les besoins moyens de liquidité des banques s’élèvent à environ 120 MMDH, ajoutant que ce déficit, actuellement comblé par BAM, pourrait être réduit à l’avenir grâce au développement du marché secondaire des créances en souffrance. « Les besoins de liquidité à moyen terme des banques s’élèvent à environ 120 MMDH, et ce déficit pourrait être atténué à l’avenir grâce au marché secondaire des créances en souffrance, qui pourrait fournir jusqu’à 100 MMDH », a-t-il détaillé.


Par ailleurs, Bouazza a mis en exergue l’importance de cette rencontre qui vise à mobiliser les parties prenantes pour assurer la réussite de ce projet, tout en offrant une occasion de partager les objectifs et les contours de la réforme, d’évaluer les progrès accomplis et d’explorer les perspectives pour instaurer un marché efficient et transparent permettant aux établissements de crédit de céder leurs créances en souffrance en toute sécurité.


« Cette réforme a été pilotée par un comité inter-institutionnel, sous l’égide du Secrétariat Général du Gouvernement comprenant des représentants du ministère de l'Industrie et du Commerce, du ministère de l'Économie et des Finances, du ministère de la Justice, du ministère de l'Investissement, de la Convergence et de l'Évaluation des Politiques Publiques, du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et de la Commission Nationale de la Protection des Données à Caractère Personnel », a-t-il rappelé.


Et de poursuivre que ce projet de réforme, conduit selon une approche inclusive, a bénéficié de la forte contribution et implication des membres de ce comité interinstitutionnel et a fait l'objet d’une large concertation auprès du secteur bancaire, ce qui a permis d'ajuster le cadre cible aux réalités du marché et d'identifier les éventuels défis opérationnels.


Deux options pour gérer les créances toxiques

De son côté, Nabil Badr, directeur adjoint de la supervision bancaire à Bank Al Maghrib, a indiqué que deux options principales ont été prévues pour la gestion des créances toxiques. Première option la titrisation qui est adaptée aux marchés dotés d’un volume important de créances, mais qui pèche par ses coûts élevés et ses procédures complexes.


Seconde option, le transfert direct constitue une méthode plus accessible et à moindre coût, particulièrement adaptée à la taille actuelle du marché marocain, en particulier pour les petits investisseurs locaux.


Selon lui, le marché local des créances en souffrance connaît une évolution continue, atteignant environ 8,5 % selon les données de la Banque mondiale, plaçant ainsi le Maroc parmi les pays enregistrant un taux moyen de créances en souffrance par rapport à d’autres pays, tels que les États-Unis et la Suisse, qui affichent des taux plus faibles.


Le secteur financier marocain, reconnu pour sa sophistication et la qualité de ses régulateurs, offre un « environnement propice » à la création d’un marché secondaire des créances en souffrance, a affirmé de son côté le représentant régional pour le Maghreb de la Société financière internationale (IFC), David Tinel.


« Ce marché permettra à de nouveaux acteurs financiers d’émerger, notamment ceux qui rachèteront ces créances en souffrance », a indiqué Tinel lors de la conférence.


Mettant l’accent sur plusieurs expériences réussies, notamment en Europe, où des marchés secondaires de créances en souffrance ont émergé entre 2014 et 2022, permettant aux banques de se défaire de trois quarts des créances en souffrance et de créer un espace pour financer l'économie, Tinel a estimé qu’une opportunité similaire existe au Maroc.


Dans ce sens, il a évoqué les conséquences des créances en souffrance sur les banques, dont l’encours s’élève à environ 100 MMDH au Maroc, soulignant qu’une fois ce marché mis en place, il aura des effets très bénéfiques tant pour les banques marocaines que pour l’économie du Royaume.


Par ailleurs, le responsable a exprimé la satisfaction de l’IFC de participer, aux côtés de BAM, à la présentation des résultats d’un « travail de longue haleine réalisé depuis cinq ans ».


« Depuis 2019, nous soutenons BAM dans le développement d’un marché secondaire des créances en souffrance, en identifiant les obstacles à sa création et en appuyant la préparation d’un projet de loi pour permettre sa mise en place », s’est-il félicité.


Et de noter que le rôle de l’IFC dépasse les créances en souffrance, s'étendant à l'ensemble des activités du secteur financier et du secteur privé.

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