
Agadir, la force de la mémoire
« Si le destin a décidé de la destruction d’Agadir, sa reconstruction dépend de notre foi et de notre volonté ». Alors que les secours s’activent toujours dans un décor apocalyptique, au lendemain du plus terrible séisme de l’Histoire contemporaine du Maroc, survenu au soir du 29 février 1960, le roi Mohammed V évoque déjà l’étape d’après, celle de la reconstruction. Une déclaration tellement poignante qu’elle est gravée sur le « Mur du Souvenir », en hommage à une ville et à des habitants martyres du temps. Soixante-cinq ans plus tard, la ville d’Agadir rayonne de mille feux et parvient à se hisser à la seconde place des villes les plus visitées du Maroc après Marrakech. Un miracle de résilience dont a été capable la capitale du Souss, grâce au courage de ses habitants, de leur « foi » et de leur « volonté », à sa profondeur historique et à une vision ambitieuse de l’Etat qui a toujours cru à l’immense potentiel d’Agadir.
Idéalement située sur la route du grand sud, là où le vénérable massif de l’Atlas vient s’affaisser sur les rives de l’Océan atlantique, Agadir peut d’abord compter sur le site naturel exceptionnel sur lequel elle s’érige. Un privilège géographique amplifié par une météo bienveillante, qui offre chaleur et douceur tout au long de l’année, le graal pour une destination à visée touristique. Mais au-delà de son statut de ville d’accueil, la perle du Souss est aussi devenue un pôle économique incontournable, insufflant sa dynamique sur les provinces plus au sud, et participant à l’essor de tout le royaume. La ville et sa région sont littéralement remises au centre de la carte du royaume, depuis le discours du Roi Mohammed VI à l’occasion de la Marche Verte le 6 novembre 2019.

Le souverain y rappelle qu’ « Agadir se trouve quasiment à équidistance de Tanger et des Provinces sahariennes » et que de ce fait, « il est inconcevable qu’en dépit de la centralité géographique de la Région d’Agadir, en dépit de ses ressources, de ses potentialités, certaines infrastructures de base s’arrêtent à la hauteur de Marrakech ».

Le monarque, dans ce même discours de 2019, a donc appelé à « une réflexion sérieuse sur l’établissement d’une liaison ferroviaire entre Marrakech et Agadir, en envisageant la perspective d’une extension ultérieure au reste des provinces du sud […] aussi le développement du réseau routier que nous renforçons d’ores et déjà par la mise en place de la voie express Agadir-Dakhla ». Si les infrastructures ferroviaires sont en marche, le réseau routier est quant à lui déjà opérationnel.

D’ailleurs, si vous choisissez de vous rendre dans la capitale du Souss par l’autoroute, la traversée du massif de l’Atlas depuis Marrakech est une approche splendide, à travers l’asphalte serpentant les spectaculaires gorges et falaises de la plus haute chaine de montagne du royaume. Le trajet par la route nationale, qui longe la côte atlantique via l’atypique Essaouira, offre un autre décor, parfumé d’embruns marins et parsemé de plages paradisiaques. Agadir est donc à la croisée de ces chemins, qui naviguent élégamment entre mer et montagne. Il faut ajouter à cela l’efficacité de l’aéroport international Agadir - Al Massira, le troisième du pays par le volume de trafic, avec 3 millions de passagers enregistrés en 2024, ainsi que le port de la ville, plaque tournante des activités commerciales de la région. En attendant la réalisation complète des vœux du souverain : « la région de Souss-Massa doit devenir un pôle économique reliant les parties septentrionale et méridionale du Maroc », Agadir peut compter sur ses nombreux atouts pour confirmer son attractivité touristique, unique en son genre.

Le circuit des Iguidar
Si le nom d’Agadir est encore aujourd’hui associé à la catastrophe de 1960, son origine remonte à plusieurs siècles, et surtout, il signifie en langage amazigh « grenier collectif », soit un témoin de préciosité, tant ces constructions ont été vitales à la survie de la population. L’Agadir, patrimoine emblématique du Souss, est une construction en pisé, généralement érigée au centre des villages et des villes. Elle consiste en premier lieu à stoker des denrées alimentaires comme de l’orge, des dattes, ou des fruits secs mais aussi, les documents les plus précieux comme les actes de mariages, de naissance ou des textes religieux. Les plus imposants iguidar (pluriel d’Agadir) sont protégés d’une épaisse muraille, avec parfois des tours de guet en pierre, pour faire face aux dangers d’une attaque et sont devenus, tels des sanctuaires, des espaces presque sacrés et inviolables. C’est au Maroc que l’on en trouve le plus, plus de 550 selon le ministère de la jeunesse, de la culture et de la communication, qui prépare à leurs sujets un dossier pour une classification au patrimoine mondial de l’Unesco.

Pour découvrir ce patrimoine vivant, qui a le privilège de relever autant du matériel que de l’immatériel, un circuit de visite existe et se prolonge au-delà de la ville d’Agadir. Il vous fera parcourir la mystique Tiznit et son interminable muraille du XIXe siècle, à quelques 80 kilomètres au sud de la capitale régionale. Des dizaines d’autres ‘Agadir’, nichés à travers le col de Kerdous et sa teinte de rose, presque surnaturelle, s’étalent à travers les villages pittoresques du Souss. Point d’orgue de ce circuit patrimonial d’exception, le grenier collectif récemment rénové d’Id Aïssa, qui trône en citadelle imprenable au sommet d’un piton rocheux près du village d’Amtoudi, éloigné de plus de 200 kilomètres d’Agadir. Sur votre chemin retour en direction du chef-lieu du Souss, sans oublier de méditer sur l’Histoire de nos ancêtres auteurs de gravures rupestres figées sur la pierre de la vallée de Tamanart, le circuit des iguidar s’achève dans les encablures de la ville de Tafraoute. Sublimée par une vallée garnie de rochers aux formes insolites, œuvres d’une érosion millénaire, et un chapelet d’oasis où se tutoient palmiers dattiers et arganiers, la petite ville est un incontournable de la région. Vous voilà donc de retour à Agadir, où vous trouverez l’embarras du choix pour vous loger, tant la ville est dotée d’impressionnantes infrastructures hôtelières, qui convient à toutes les bourses.

Le paradis des surfeurs
Le beau temps, qui règne quasiment sans partage tout au long de l’année, vous invite irrésistiblement à une promenade balnéaire le long de l’immense corniche qui longe la vaste plage de sable fin d’Agadir. Une plage de renommée mondiale, qui, de par son étendue, vous garantit un espace confortable, sur le sable chaud, loin des voisins baigneurs. Et si vous êtes un plagiste insatiable, laissez-vous tenter par les étendues de sable des environs de la ville, surtout en direction du nord.

Une nouvelle route à chaussées séparées vous mène facilement en direction du désormais célèbre village de Taghazout, devenu depuis quelques années fief de surfeurs marocains et étrangers, qui y profitent de conditions exceptionnelles pour assouvir leur passion commune. Le village, qui se développe d’une manière spectaculaire, s’équipe pour attirer en outre les travailleurs nomades, armés de leurs ordinateurs, venus s’installer dans ce cadre idyllique plusieurs semaines ou mois.

Objet d’importants investissements d’accueil, le site est enrichi d’évènements attractifs autour de la thématique du surf, notamment un festival annuel qui draine les professionnels et les amateurs de glisse. La côte leur offre, encore sur des dizaines de kilomètres en direction d’Essaouira, des « spots » de surf à la vague de renommée internationale qui s’alignent dans ce qui s’affirme de plus en plus comme un paradis d’un sport, de plus en plus populaire au Maroc. Un atout en plus, qui incite les visiteurs d’Agadir à en explorer les environs, alors même qu’il y’en tant à faire au sein même de la capitale du Souss. Prévoyez donc un séjour assez long pour vous prévenir d’une intense frustration.

Enième retour donc, au cœur de la ville, dans cette marina moderne qui fait songer à un décor floridien. Une belle promenade le long de la plage, parsemée de restaurants et de cafés, rendez-vous incontournable des romantiques qui ne se lassent pas des couchers de soleil façon carte postale.

A l’extrémité nord de la plage, impossible d’ignorer ce qui est devenu une référence visuelle d’Agadir, l’inscription géante sur le flan de la colline Oufella « Allah, El Watan, El Malik » soit la devise du Maroc : « Dieu, la Patrie, le Roi ». Au sommet du relief, les contours d’une élégante kasbah aux murailles d’une blancheur éclatante se dessinent, trace visible d’un passé qui a survécu aux déchainements du temps. Pour y accéder, optez pour le moyen de transport le plus original et spectaculaire d’Agadir, le téléphérique, à ce jour le seul au Maroc.

Rendez-vous donc à la station de départ au pied de la colline pour embarquer dans une cabine flottante, qui, si vous ne souffrez pas de vertiges, vous gratifie de la plus stupéfiante vue sur la baie d’Agadir, son port, sa plage et son centre-ville. Un trajet aérien de près de 6 minutes, culminant au plus haut à près de 200 mètres du sol, vous mène directement à l’illustre Kasbah Agadir Oufella, véritable joyau du patrimoine historique gadiri. L’impressionnante forteresse, qui trône sur les hauteurs de la ville, s’étale sur deux niveaux principaux pour une superficie de trois hectares. Elle connaît aujourd’hui une nouvelle vie, et incarne bien plus qu’un site touristique. Elle est la gardienne de la mémoire fissurée de la ville d’Agadir.


Chantier phare du nouveau plan d’aménagement urbain décrété par le souverain, la Kasbah Agadir Oufella a été rénovée par l’architecte et anthropologue Salima Naji, chantre d’un courant qui vise à réhabiliter les techniques de construction vernaculaires et ainsi promouvoir un développement durable. Un profil taillé pour une rénovation qui ne relève pas simplement de critères techniques. Car depuis la tragique nuit du 29 au 30 février 1960, la Kasbah est devenue le symbole de l’écroulement d’un monde, de ses bâtiments mais aussi d’un mode de vie ancestrale.


Les travaux de Salima Naji ne tendent pas seulement à restituer les pierres, « mais l’âme de cette Kasbah » nous confie-t-elle. L’édifice est en effet le témoin le plus fiable de l’histoire d’Agadir, symbole de la montée en puissance de la dynastie des Saâdiens (1549-1659), qui font leur réputation en délogeant les portugais de leur forteresse de Santa Cruz do Cabo de Gué, nom que les lusitaniens ont donné à la médiévale Agadir. A ce titre, la Kasbah incarne l’identité d’un siège de pouvoir durant les XVI et XVIIe siècles, à l’époque appelée Agadir N'Ighir, soit le « grenier fortifié de la colline ».

Mais comme le destin de la ville est fait de cycle de destructions, le site est ébranlé une première fois par une violente secousse sismique en 1731. La ville souffre ensuite de la concurrence portuaire d’Essaouira et la Kasbah perd peu à peu de sa grandeur du temps des Saâdiens. Néanmoins, à l’instar des médinas des villes marocaines, le lieu est totalement investi par une population qui y développe un mode de vie, aujourd’hui objet de l’attention des chercheurs et des concepteurs de la rénovation.

La gardienne de la mémoire
Pour visiter la Kasbah, il faut d’abord gravir d’immenses escaliers en pierre. Sur votre chemin, vous longez des plateformes faites de pierre entrecoupées de lattes en bois, et érigées selon les dernières normes parasismiques : « Je n’utilise que ces matériaux et non pas les dalles de bétons pour ne pas reproduire les causes du drame de 1960, car c’est bien les dalles de béton qui écrasent les gens », explique Salima Naji. Ainsi, la rénovation de la Kasbah Oufella est aussi une entreprise autant de mémoire que d’hommage aux victimes du séisme meurtrier d’il y a 25 ans, où des habitants de ce site historique ont été ensevelis sous les gravats.

L’architecte a d’ailleurs tenu à exposer concrètement les dégâts causés par la catastrophe, figés en stigmates sur les remparts du Mur Est de la Kasbah. A l’intérieur du second, niveau, celui des enceintes blanches enduites à la chaux, c’est un autre symbole qu’expose le site d’Oufella. Celui du respect des anciens, mais aussi la marque d’un projet collaboratif dans lesquels architectes, historiens et archéologues ont œuvré ensemble pour redonner vie à un site qui n’a pas fini de révéler tous ses secrets.

C’est pourquoi, l’intérieur des remparts abrite un site de fouille, toujours actif, et un parcours sur platelage « pour retracer l’historique des anciennes rues, places et ruelles de la citadelle d’Agadir Oufella jusqu’en 1960 ». « Ce parcours a été élaboré grâce à l’aide de cartes et de photos aériennes datant d’avant le tremblement de terre, ainsi qu’à une analyse urbaine », précise la communication de la Kasbah sur un site internet dédié. C’est certainement avec émotion que vous quittez la Kasbah Agadir Oufella, devenu lieu de pèlerinage dédié à la mémoire de la ville et symbole de sa résilience face au destin.

Un destin qui a donc basculé sous les coups de boutoirs des entrailles de la terre en 1960 et qui a ôté la vie à près de 12 000 personnes et détruit jusqu’à 70 % de la ville. Si la catastrophe a enclenché un nouveau chapitre de l’existence d’Agadir, il faut se souvenir que la capitale du Souss n’était pas une cité anodine de notre histoire. Après une fin de millénaire difficile, enclavée et isolée du réseau urbain du royaume, Agadir va de nouveau refaire surface au début du XXe siècle, et va même se retrouver au centre de l’attention mondiale. Au cœur de l’été 1911, l’Europe a failli s’embraser. Le vieux continent a retenu son souffle lorsque l’Allemagne envoi un bâtiment de guerre au Maroc pour menacer les prétentions de la France sur l’empire chérifien. Connu comme le « Coup d’Agadir » cet évènement est resté dans l’histoire comme un prélude à la terrible Première guerre mondiale. Dans les faits, le premier juillet 1911, la canonnière Panther mouille à quelques encablures de la baie d’Agadir et menace de faire feux. Un coup de force qui répond à l’intrusion de troupes françaises auparavant dans la Chaouia. Quelques semaines plus tard, les deux puissances retardent l’échéance et trouvent un accord. La désescalade va finir par céder à un nouvel engrenage fatal quelques années plus tard. Mais cet évènement va faire résonner le nom d’Agadir en Allemagne, qui deviendra bien des années plus tard l’une de leurs destination touristiques favorites.

Avec l’avènement du Protectorat franco-marocain sur le Maroc, le Souss incarne d’abord un fief de la résistance avec notamment l’apparition d’une coalition tribale, sous la houlette de Moulay Ahmed al-Hiba, qui va farouchement se battre contre la pénétration des troupes coloniales françaises. Pour autant, la Résidence Générale tient tout de même à construire l’embryon de la ville moderne, depuis la base du quartier préexistant de Founty et érige un quartier nouveau sur plateau de Talborjt. Un site qui sera parmi les plus sévèrement secoué en 1960 mais qui était, durant les années 1920, le lieu autour duquel s’articule le plan Prost, qui porte le nom de son concepteur, Henri Prost, directeur du service d'urbanisme du protectorat.

Le développement de la cité, qui n’était alors considéré que comme une base de pêcheurs et qui ne compte qu’à peine 2000 habitants (chiffre du recensement de 1926), s’accélère au tournant des années 1930. Agadir s’impose de plus en plus sur les cartes et devient une étape importante du circuit de l’Aéropostale, où font escale les célèbres pilotes pionniers dans leur domaine, Antoine de Saint-Exupéry ou encore Jean Mermoz. En parallèle, Agadir attire massivement de nouveaux habitants, venus des villages de la région en quête d’une vie meilleure, et s’installent pour la plupart dans des quartiers périphériques, aux habitations précaires et fragiles. C’est le cas de la famille de Lahcen Roussafi, né en 1948, témoin et victime de la tragédie du séisme de 1960.

Cet homme est connu aujourd’hui pour son formidable travail de mémoire au profit d’une ville qui chérie plus que jamais : « « Après ma retraite, et de retour à Agadir, j’ai décidé de consacrer mon temps libre à restituer du mieux possible la mémoire de notre ville bien-aimée. Au départ, j’avais le sentiment que je me devais de faire quelque chose pour ma ville, sans savoir exactement quoi. Et puis en m’associant avec deux amies françaises, Marie-France Dartois et Régine Caïs-Terrier, originaires elles aussi d’Agadir et qui partageaient le même sentiment, nous avons commencé à nous intéresser à l’histoire globale de la ville, avec comme point de référence chronologique le séisme de 1960 ». Après plus d’une décennie d’un remarquable effort d’archivage et de classification, les trois compères publient, sur un site internet dédié, le résultat de leur collecte.

L’engouement du public va au-delà de leurs espérances et attire la sympathie des amoureux de la ville, dont certains ont aussi vécu l’enfer de la catastrophe. Lahcen Roussafi se souvient aussi d’une « nuit d’apocalypse » dont il témoigne encore avec émotion « J’avais 12 ans. Je vivais alors dans le village de Ihchach, à quelques kilomètres au sud d’Agadir, là où se trouve quasiment tous les cimetières. Considéré presque comme un quartier de la ville, il n’était habité que par des marocains contrairement à Agadir où résidait de nombreux étrangers, mieux lotis. Nous habitions alors dans une maison modeste, que nous partagions avec d’autres locataires en plus de ma famille. Je me souviens que dans cette tragique nuit du 29 février 1960, j’étais occupé à préparer des examens prévus les jours suivants ce qui fait que je ne dormais pas à 23h, au moment de la secousse, qui a ravagé quasiment 100 % du village construit avec des briques en terre, coincé entre deux collines ».
Se souvenir et reconstruire
Lahcen Roussafi survit mais a le malheur d’assister à la mort de 12 personnes dans la maison où il demeure, dont certains membres de sa famille. Pour lui comme pour les autres survivants, c’est un long chemin de croix qui commence. Tandis qu’ils entament une vie de réfugiés, le Maroc sous la houlette de son roi Mohammed V, s’active déjà à la reconstruction d’une ville, littéralement défigurée par la violente secousse d’une magnitude de 5.7 sur l’échelle de Richter. Si l’ampleur du séisme ne compte pas parmi les plus puissants de l’Histoire du Maroc, la férocité des dégâts est due à la proximité de l’épicentre, juste en dessous de la ville. Les quartiers les plus fragiles n’y résistent pas. Le devoir de mémoire que s’est imposée Agadir continue aujourd’hui avec l’un des sites les plus attendus ces dernières années, le Musée de la Reconstruction et de la Mémoire, érigé à la frontière des quartiers historiques détruits en 1960 (Talborjt et l’ancien centre-ville) et la zone reconstruite durant la même décennie.

Autre symbole, le bâtiment du musée était à l’époque le siège de Bank Al Maghrib, l’un des rares édifices à avoir résisté à la secousse. Désormais prêt à recevoir les visiteurs, le musée entendu « permettre, à la fois, de nourrir les mémoires internes des citoyens et aussi de dynamiser leur projection dans le futur grâce à la recherche historique menée, à l’exposition et aux activités culturelles proposées au public », selon la présentation qu’en fait le Studio Adeline Rispal, en charge de la scénographie.

Œuvre de l’architecte Rachid El Andaloussi, le musée phare d’Agadir est pensé en plusieurs séquences avec immersion sensorielle qui retrace la chronologie d’une prodigieuse résurrection. Dans le vaste hall du rez-de-chaussée, des panneaux avec des photos en noir et blanc de l’ancienne Agadir, sont exposés dans un désordre de chaos, rappelant que l’ébranlement des 12 secondes fatidiques. Une projection à 360 degrés et un faux plancher penché avec vibration viennent renforcer l’immersion, dont l’intensité ne peut être décrite réellement que par les témoins de l’époque. Le circuit du musée se poursuit à l’étage, avec toujours en fil rouge une scénographie du chaos volontaire, tout en montrant « comment par l’action des hommes fit émerger l’ordre du désordre après ce cataclysme naturel qui leur fut infligé ».

Enfin, la dernière séquence du musée a pour but de permettre aux visiteurs de « s’intéresser plus précisément à 12 projets phares de la reconstruction urbaine et architecturale. Ils les découvrent chacun autour d’une table, grâce à une borne interactive intégrant la maquette 3D et un élément de graphisme pour chaque projet. Deux de ces projets sont situés plus bas pour que ce dispositif soit accessible aux enfants ». Ces projets de reconstruction, sont aujourd’hui une part indélébile de l’identité d’Agadir.


En quittant le Musée de la Reconstruction et de la Mémoire, il vous suffit de quelques pas sur l’avenue du Général Kettani pour vous y immerger. Vaste trottoirs d’une propreté scandinave, terre-pleins fleuris et gazonnés, la promenade au centre de cette zone, à la frontière des quartiers Talborjt et celui de la cité suisse - autre symbole de la reconstruction – est une véritable flânerie urbaine. La zone concentre des bâtiments publics de la ville, et incarne l’esprit du Mouvement Moderne de l’Architecture.


Cet audacieux courant, dont Agadir a été le laboratoire le plus représentatif, consiste à remettre en valeur l’essence du mouvement brutaliste osé par une vague de jeunes et talentueux architectes comme Jean-François Zevaco, Elie Azagury, Abdessalam Faraoui, Philippe De Mazières, Henri Tastemain.


Ici, l’expression de leurs inspirations modernistes se lit sur chaque bâtiment, immeubles résidentiels, sièges de banques ou administrations publiques. Poutres brutes, béton saillant et apparent, et piliers massifs font face à la hantise des colères de la terre. Prenez le temps de scruter chaque détail de cet élan unique en son genre, au milieu d’une population pour qui ce décor de studio de cinéma se fond dans leur quotidien.


Une exploration architecturale que vous pouvez poursuivre, avec moins de frénésie, sur les hauteurs paisibles de quartiers plus résidentiels de la cité suisse ou du quartier Charaf -Taddart. Là encore, de somptueuses villas d’inspiration Art déco offre aux amateurs de l’art urbain un véritable musée à ciel ouvert.

Agadir, son identité urbaine, ses infrastructures, sa population chaleureuse, ses témoignages poignants d’un passé douloureux, est aujourd’hui en mesure d’offrir un séjour singulier dans le paysage touristique. En famille, la ville est ses environs permet de diversifier les activités, de quoi succomber à la constance tentation d’y prolonger le séjour. A seulement quelques kilomètres à son sud, les amoureux de la nature sont enchantés de visiter le Parc National de Souss Massa, réserve naturelle exceptionnelle qui propose des circuits de randonnée, avec en point d’orgue des postes d’observation aménagés pour provoquer la chance d’apercevoir la faune des plateaux présaharien, comme l’autruche d’Afrique du nord, l’addax, l’oryx, la gazelle dorcas. Plus fréquents sont les dizaines d’espèces des oiseaux migrateurs, qui ont compris depuis longtemps que le site concentre les atouts d’une escale paradisiaque. Dans la même veine, n’hésitez pas à visiter le parc zoologique des crocodiles, premier du genre au Maroc à consacrer toute son attention aux reptiles au lignage plusieurs fois millénaires. Vous pouvez aussi y admirer des tortues géantes, des iguanes verts, des pythons géants ou encore des anacondas et vous y apprendrez que le parc vient de recevoir une nouvelle espèce, les crocodiles sacrés, qui seront à terme réintroduit dans un environnement naturel, une première en Afrique. Si les cycles, parfois capricieux de l’Histoire, ont ébranlé Agadir, elle se dresse aujourd’hui avec fierté en s’imposant comme une destination majeure. La perle du Souss, sûre de sa force et de sa nouvelle identité, est devenue un bijou précieux et désormais inébranlable.
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