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Grand angle

L’impossible réforme du système électoral

14.08.2016 à 17 H 35 • Mis à jour le 20.08.2016 à 13 H 53 • Temps de lecture : 6 minutes
Par
Législatives 2016
Le système électoral en vigueur au Maroc empêche tout parti d’obtenir une majorité absolue au Parlement. Quels seraient les impacts d’un changement du mode de scrutin et de répartition des sièges sur la représentation de nos élus ? Éléments de réponse.
L’une des constantes du paysage parlementaire marocain est l’incapacité d’un parti seul à obtenir une majorité absolue à la chambre des représentants. Depuis 1963, tous les gouvernements ont été formés par une coalition de partis, dont la taille et l’hétérogénéité se sont sensiblement accrues depuis 1997. Entre une majorité gouvernementale forte et/ou homogène, et une représentation de la diversité des opinions partisanes au Maroc, où placer le curseur d’une réforme du système électoral ?


Celle-ci peut être rapportée à deux éléments principaux. Tout d’abord le mode de répartition des sièges, les 305 sièges des listes locales étant actuellement répartis sur les circonscriptions d’une manière opaque. Deux options s’offrent pour résoudre ce problème : une règle d’affectation des sièges basée sur la taille du corps électoral par circonscription avec un nombre minimum de 2 sièges pour celles-ci. Les 305 sièges pourraient ainsi être redistribués pour une meilleure représentativité. Ou bien adopter un parlement à 280 sièges, qui minimise encore plus les écarts de représentativité entre les circonscriptions, sans pour autant altérer significativement les poids respectifs des principales formations représentées au parlement.


Deuxième levier de réforme : le mode de scrutin. Un mode de scrutin majoritaire permet d’obtenir une majorité gouvernementale avec 2 partis contre 3 pour les différents modes quasi-proportionnels. Le parlement serait plus homogène dans le premier cas de figure, avec en moyenne 8 partis représentés, contre 26 pour le mode proportionnel.


Depuis 2002, le débat portant sur la réforme électorale semble se concentrer surtout sur le seuil électoral - une vision étriquée de l’ensemble des paramètres à envisager pour discuter des modalités de représentation des élus au Parlement. Le consensus parmi les partis politiques est que le mode de scrutin proportionnel (au plus fort reste) est la règle dominante, les seules variables à manipuler dans ce cas étant le nombre de sièges par circonscription au niveau local, les listes nationales, et enfin le seuil électoral, qui vient d’être récemment abaissé à 3 % au scrutin local. De même, le débat est occulté quant à la représentativité des listes nationales, notamment pour les listes féminines dont l’existence semble contradictoire avec le sens d’un jugement de la cour constitutionnelle d’août 2013.


Dans l’absolu, il n’existe pas de scrutin optimal : chaque acteur politique suit un agenda propre, qui peut aller d’une volonté de promouvoir une majorité gouvernementale homogène, à un désir de représentation des diverses orientations partisanes existantes dans le pays, au désir de s'assurer d'obtenir au moins un siège la chambre des représentants.


Une distribution inégale des sièges

Le Maroc base ses circonscriptions sur le découpage local des provinces, qui ne change pas beaucoup. Le nombre de sièges par circonscription quant à lui varie d’une élection à l’autre, au gré des négociations entre les partis politiques et le ministère de l’Intérieur. Une distribution opaque qui pénalise invariablement les circonscriptions urbaines les plus peuplées, mais également celles avec les taux de participation les plus faibles.


Ainsi, malgré les changements fréquents de mode de scrutin, de composition du parlement et, moins souvent, des frontières des circonscriptions depuis 1963, le rapport entre le pourcentage de voix et de sièges reste constant, et dénote d’un système marocain quasi-proportionnel.


Qu’en est-il de la répartition des sièges ? La tendance historique est à la sous-représentation des circonscriptions urbaines, plus peuplées mais comparativement moins représentée au parlement : pour 2011, les circonscriptions de Kénitra et Tarfaya sont deux exemples extrêmes de cette répartition inéquitable : chaque siège représente 70 200 inscrits dans la première, contre 4 700 pour la seconde, soit un ratio de 15 à 1. Kénitra a 4 sièges, Tarfaya en a 2, soit un ratio de 2 à 1.


Deux approches sont possibles pour remédier à cette répartition inéquitable des sièges sur les circonscriptions : imposer une redistribution des 305 sièges sur la base de la contribution de chaque circonscription à l’ensemble du corps électoral, ou bien calculer le nombre de sièges abstraction faite du nombre actuel des 305. Le second choix indique un nombre optimal de 280 sièges, et les différences sont représentées sur la carte ci-dessous, avec comme contrainte un nombre minimal de deux sièges par circonscription.


Une configuration à 280 sièges suppose l’élimination de 37 sièges concentrés sur les provinces rurales, et permettrait d’équilibrer la représentation des mondes rural et urbain et leurs contributions respectives dans le corps électoral. Le classement des partis ne changerait pas, mais les grandes formations s’accapareraient une fraction plus importante des sièges dans la nouvelle configuration.


Changement de mode de scrutin : quels impacts ?

Pour le mode de scrutin, les effets sur la représentativité des opinions partisanes semblent négligeables : les scrutins majoritaires garantissent la présence de 8 partis politiques au parlement, contre une moyenne de 26 pour les scrutins plus proportionnels. Pour illustrer ce propos, on utilise le scrutin adopté dans cinq pays comme benchmark :


Etats-Unis : le scrutin le plus courant dans les différents Etats est uninominal majoritaire à un seul tour - le candidat classé premier en termes de voix remporte le siège, abstraction faite du pourcentage obtenu. Les frontières des sièges à la chambre des représentants sont délimités par les assemblées locales, et les démarcations sont souvent arbitraires.


Royaume-Uni : un scrutin similaire à celui des Etats-Unis, mais avec un effet d’équité quant à la taille des circonscriptions. Une commission indépendante vérifie régulièrement la répartition des sièges et des frontières de circonscriptions.


Allemagne : le mode de scrutin retenu est celui des circonscriptions locales. Le système allemand est une application du système anglo-saxon pour une circonscription multi-sièges.


France : les parlementaires sont élus au suffrage universel direct au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Est élu au premier tour le candidat ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, s’ils représentent au moins 25 % des électeurs inscrits sur les listes électorales. Si personne ne remplit ces conditions, il y a ballottage et un second tour est organisé le dimanche suivant. Ne peuvent s’y présenter que ceux ayant obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des inscrits. 


Espagne : le scrutin le plus similaire à celui adopté au Maroc, mais avec un seuil électoral plus faible à 3 %.


Les configurations du parlement marocain pour les 305 sièges des listes locales suivant chaque mode de scrutin sont rapportés sur le graphe ci-dessous.



En résumé, les tailles de groupes parlementaires par type de scrutin sont rapportés sur le tableau ci-dessous.


Il est donc possible de conclure que le principal obstacle à la constitution d’un gouvernement homogène, tel qu’il est constaté dans les démocraties parlementaires établies, est le mode scrutin adopté au Maroc : ce dernier peut être révisé dans un sens plus majoritaire, sans affecter la diversité des partis représentés au parlement. De même, une réforme électorale s’attacherait à rendre plus transparent le mode d’allocation de sièges par circonscription, soit avec le nombre actuel de 305 sièges, soit avec un nombre plus faible à 280 sièges.

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Par @PolicyUnitMA
Le Desk Grand angle