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Panama PapersLa fille du premier ministre algérien dans une société offshore liée à l’affaire Sonatrach

23.05.2016 à 10 H 28 • Mis à jour le 25.07.2016 à 06 H 16 • Temps de lecture : 8 minutes
Par et
Rym Sellal, fille du premier ministre algérien Abdelmalek Sellal, apparait de 2005 à 2010 comme bénéficiaire d’une société offshore domiciliée aux Iles Vierges Britanniques. Celle-ci est en lien avec le vaste montage financier de l’entourage de l’ancien ministre de l’énergie Chakib Khelil, lui-même au cœur du scandale de corruption de la Sonatrach, la major algérienne du pétrole et du gaz. Révélations.

Le volet algérien des Panama Papers recèle encore quelques inavouables secrets nichés dans la multitude de documents révélés par l’enquête mondiale initiée par le journal allemand Süddeutsche Zeitung et coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).


Selon les documents consultés par Le Desk, Rym Sellal, fille du premier ministre Abdelmalek Sellal, apparaît comme bénéficiaire d’une des sociétés offshores montées par la fiduciaire suisse Multi Group Finance, dans un schéma identique à celui mis en place au profit de Najat Arafat, épouse de l’ancien ministre de l’énergie Chakib Khelil et de Farid Bedjaoui, le flamboyant neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. Des noms devenus coutumiers du scandale d’Etat qui agite l’Algérie sur le vaste système de corruption échafaudé autour de la Sonatrach sur son contrat avec la Saipem, filiale de l’italien Eni.


Abdelmalek Sellal sous les projecteurs

Cette nouvelle révélation de l’implication de Rym Sellal est à elle seule une affaire dans l’affaire pourrait-on dire, tant elle braque cette fois-ci les projecteurs sur les relations qu’aurait entretenu son père, personnalité centrale du clan Bouteflika, avec les mis en cause.


Le premier ministre algérien Abdelmalek Sellal et son épouse Farida reçus par le couple Obama à la Maison Blanche. MARK WILSON / GETTY IMAGES


La société à laquelle la fille Sellal est liée, Teampart Capital Holdings Limited (TCH), a été constituée le 26 octobre 2004 aux Iles Vierges britanniques par le cabinet panaméen Mossack Fonseca en faveur d’Omar Habour, né en 1939 à Oujda. Ce franco-algérien, réputé proche du couple Khelil et de Farid Bedjaoui est visé par les justices algérienne et italienne pour être le faux-nez de ce réseau aux ramifications sans fin.


Quatre mois à peine après la constitution de TCH, Rym Sellal en devenait l’ultime bénéficiaire, comme l’indique l’ordonnance établie le 24 février 2005 et transmise par télécopie quatre jours plus tard par Ludovic Guignet, gestionnaire de la fiduciaire Multi Group Finance basée à Lausanne, à l’antenne genevoise de Mossack Fonseca chargée d’en assurer l’inscription sur les tablettes des Iles Vierges Britanniques. Les pouvoirs de Habour ont été effectivement annulés le 16 août 2005.


« Nous vous prions de bien vouloir annuler le power attorney en faveur de M. Omar Habour et de bien vouloir émettre un en faveur de Mlle Rym Sellal », peut-on lire dans le document dont Le Desk détient copie.


Ordonnance datée du 28 février 2005 indiquant que Rym Sellal est désormais la bénéficiaire économique finale de Teampart Capital Holdings Ltd en remplacement de Omar Habour. CAPTURE LE DESK


La fille du premier ministre algérien restera l’ayant-droit de cette société offshore au capital de 50 000 dollars jusqu’au 30 mars 2010, date à laquelle elle sera démise de ses pouvoirs.


Décision du board des directeurs de Teampart Capital Holdings Ltd datée du 24 février 2005 donnant tous pouvoirs à Rym Sellal. CAPTURE LE DESK


Un nid douillet aux Champs Elysées

Rym Sellal, 36 ans, se déclare analyste résidente à Londres, à un jet de pierre du parc Kensington, autant dire dans le quartier le plus huppé de la capitale britannique. Son père Abdelmalek Sellal, 67 ans, est dans les hautes sphères de l’Etat depuis les années 70, où il a été tour à tour chef de daïra (sous-préfet), wali (préfet), ambassadeur en Hongrie, plusieurs fois ministre, jusqu’à sa nomination à la tête du gouvernement en 2012. Il a été également directeur de campagne électorale d’Abdelaziz Bouteflika pendant les présidentielles de 2004, 2009 et 2014. C’est donc un homme clé du clan Bouteflika qui risque d’être éclaboussé par cette nouvelle révélation, alors qu’il était jusqu’ici épargné par le scandale.


Rym Sellal a défrayé la chronique en Algérie à la parution en 2015 du livre Alger-Paris, une histoire passionnelle (Stock) des journalistes Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet qui révèle, entre autres, le patrimoine immobilier détenu par de nombreux responsables algériens sur les bords de Seine. Un patrimoine souvent acquis dans des conditions ténébreuses.


La minutieuse enquête des deux journalistes français indique que Rym Sellal a acheté le 27 avril 2007 deux studios transformés en un appartement richement meublé de 64 m2 sur les Champs-Élysées, situé au niveau de la galerie commerciale des Arcades, attenante à l’hôtel Claridge. L’acquisition de ce bien de prestige, est-il précisé dans l’acte notarié qui ne fait apparaître aucun crédit bancaire, a été conclue pour 860 000 euros, dont 50 000 ont été versés hors vue du notaire. La transaction a valu à son ancienne propriétaire, une fiscaliste afghane, laquelle s’était portée acquéreur du bien un an plus tôt, une coquette plus-value de 420 000 euros.


Des fonds d’origine suspecte

« D’où viennent les fonds ? », s’interrogent les auteurs de l’ouvrage qui a éventé ce mirifique achat. Du père premier ministre qui n’a aucune activité recensée dans le privé ? De son mari, l’homme d’affaires libanais Ramzy Al Asmar qui aurait travaillé dans une société pétrolière, mais dont le nom n’apparaît pas dans l’acte de vente ?


La Galerie des Arcades sur les Champs Elysées à Paris. La fille du premier ministre algérien a acheté en 2007 dans cet immeuble cossu deux studios transformés en un appartement de prestige. MARTI VISITES


La citation du nom de Rym Sellal dans la galaxie des sociétés créées simultanément par des personnes soupçonnées d’être impliquées dans la grande lessiveuse des commissions occultes de l’affaire Sonatrach-Saipem est une piste sérieuse, d’autant que l’historique de TCH, dont l’objet demeure un mystère, montre qu’elle en a été la bénéficiaire économique finale au gré de son utilisation, la société ayant été désactivée fin 2007, réactivée en 2008, puis enfin mise en veilleuse deux ans plus tard. Celle-ci, comme d’autres sociétés directement liées à Omar Habour et Farid Bedjaoui (Abode Finance Services Corp., Girnwood International Engineering Ltd et Minkle Consultants SA), ont donné des sueurs froides à Mossack Fonseca.


Afin de brouiller les pistes menant à leurs bénéficiaires finaux, Ludovic Guignet de Multi Group Finance avait ordonné en janvier 2010 à Mossack Fonseca de transformer leurs actions nominatives en titres au porteur. Une mesure qui ne sera manifestement pas concrétisée, une législation plus tatillonne en la matière ayant été adoptée entre temps par les Iles Vierges Britanniques.


Panique chez Mossack Fonseca

Leurs activités ont particulièrement été suspectées de servir au blanchiment d’argent sale par l’agence d’investigation financière des Iles Vierges britanniques. L’épaisse correspondance triangulaire échangée en novembre 2013 entre la fiduciaire helvète Multi Group Finance, initiatrice du montage, le cabinet panaméen Mossack Fonseca, chargé de sa mise en œuvre, et l’agence financière des Iles Vierges britanniques où les coquilles offshores étaient domiciliées, démontre la grande fébrilité qui s’est emparée de tous ces intervenants, notamment lorsque le scandale Sonatrach a pris une tournure résolument internationale, et que les biens d’Omar Habour ont fait l’objet d’un signalement de la cellule française anti-blanchiment Tracfin en juillet 2013.


Pris de panique, les administrateurs de Mossack Fonseca ont tenté tant bien que mal de nettoyer leurs dossiers, effarés d’apprendre l’ampleur de l’affaire, d’autant que des failles béantes sont apparues dans leur dispositif. Ni Omar Habour, encore moins Rym Sellal, qui l’a remplacé un temps à la tête de TCH, n’ont fourni toute la documentation nécessaire à leur traçabilité. Habour, se déclarant comme industriel, avait fourni différentes adresses, à Neuilly-Sur-Seine, Genève et Oran, pour les multiples coquilles offshores dont il était mandataire. Le dossier de Rym Sellal est quant à lui, resté désespérément vide.


Créée dans la précipitation, TCH, comme d’autres coquilles du réseau ayant formellement servi comme paravent à la gestion de comptes bancaires en Suisse et ailleurs, avait pour directeurs deux employées de Monsack Fonseca. Craignant des sanctions de l’agence d’investigation financière des Iles Vierges britanniques qui a exigé une mise à jour des données sur TCH, le cabinet s’est finalement désisté de sa qualité d’agent dépositaire de la société faisant valoir que celle-ci était directement gérée par ses bénéficiaires successifs. Le bulletin officiel des Iles Vierges Britanniques annonçait le 17 avril 2014 sa dissolution définitive.


Dans ce qui semble un enterrement première classe, une ultime correspondance adressée le 24 avril 2014 par Mossack Fonseca à l’agence financière d’investigation des Iles Vierges Britanniques, atteste que l’ayant-droit de Teampart Capital Holdings Ltd est de nouveau Omar Habour, demeurant à Genève. Une copie de son passeport français accompagnait le courrier pour justifier de son identité. Toute trace de Rym Sellal ayant dès lors complètement disparu. Le Desk n’a pas réussi à la joindre.

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