Le bloc notes de la rédaction
21ème édition du FIFM : « La programmation propose une ouverture sur le monde et ses enjeux contemporains » (Rémi Bonhomme)
Dans le cadre enchanteur de Marrakech, le Festival International du Film, qui se déroulera du 29 novembre au 7 décembre, s’impose comme un rendez-vous incontournable et une véritable célébration du septième art. Cette 21ᵉ édition met à l'honneur une sélection éclectique de 70 films issus de 32 pays, répartis en plusieurs sections : la compétition officielle, les séances de gala, les séances spéciales, la section du 11e Continent, le panorama du cinéma marocain, les séances jeune public et famille, ainsi que les projections organisées dans le cadre des hommages. Parmi ces œuvres, 12 films ont bénéficié du soutien des Ateliers de l’Atlas, témoignant de l'engagement du festival en faveur de l'émergence de nouveaux talents. Plus qu’un simple espace de projection, le FIFM, pont culturel à l’échelle mondiale, tisse des récits, favorise les rencontres et ouvre des dialogues entre cultures. Rémi Bonhomme, le directeur artistique du Festival revient dans un échange avec Le Desk, sur les défis et les ambitions de cette 21ème édition, pensée avec audace pour captiver les cinéphiles et professionnels du cinéma.
La 21ᵉ édition du FIFM propose une programmation riche et variée. Comment la définiriez-vous et quels ont été les défis pour constituer cette sélection ?
Chaque année, nous souhaitons montrer le meilleur du cinéma mondial en présentant des films qui ont brillés dans de grands festivals internationaux. A l'occasion de cette 21e édition, nous présentons notamment L’Attachement, dont le rôle principal est tenu par Valeria Bruni Tedeschi qui y livre une interprétation profondément émouvante et All we Imagine as Light de la révélation indienne Payal Kapadia, récompensée du Grand Prix lors du Festival de Cannes. Les festivaliers pourront découvrir 9 films choisis par leur pays pour les représenter dans la course aux Oscars dont I'm Still Here de Walter Salles, l'un des films les plus bouleversants de l'année mais également Les Graines du figuier sauvage, le thriller virtuose de Mohammad Rasoulof.
Avec mon comité de sélection, nous nous déplaçons dans plusieurs festivals pour découvrir des films et rencontrer les producteurs. Pour préparer cette édition, nous avons visionné plus de 1 000 longs métrages. Les films sélectionnés reflètent nos coups de coeur mais aussi le désir de montrer le cinéma dans toute sa diversité et de s'adresser à tous les publics. La programmation présente des thrillers, des comédies mais aussi des films fantastiques. Elle mélange des films identifiés et attendus par les festivaliers à des découvertes que nous souhaitons partager avec le public. Il peut s'agir de films surprenants comme la comédie surréaliste Une Langue universelle de Matthew Rankin ou d'une oeuvre classique présentée en version restaurée comme le puissant film Camp de Thiaroye d'Ousmane Sembene, l'un des pionniers du cinéma africain.
En présentant des films en provenance de 32 pays, la programmation propose une ouverture sur le monde et ses enjeux contemporains. Le festival offre une occasion unique d'échanger avec des cinéastes venus de Chine, d'Inde, du Mozambique ou encore de Singapour, lors des débats organisés à l'issue des projections. Le documentaire est présent à travers 12 films, dont Les Mille et un jours du Hajj Edmond, portrait de l'écrivain aujourd'hui disparu que la réalisatrice Simone Bitton dévoilera en première mondiale dans le cadre du panorama marocain.
Cette édition met en avant plusieurs premières mondiales, internationales ou régionales. Comment choisissez-vous les films en compétition et hors compétition, et quelle est la part donnée aux cinémas marocain et arabe et international dans la programmation ?
La compétition est réservée aux auteurs qui réalisent leur premier ou second film. C'est une programmation dédiée à la découverte de jeunes cinéastes du monde entier, dont nous pensons qu'ils seront les grands réalisateurs de demain. Le cinéaste Justin Kurzel avait été primé à Marrakech en 2011 avec son premier film. Cette année, il ouvre le festival avec The Order, un thriller haletant qui offre à Jude Law l'un de ses plus beaux rôles. J'invite les festivaliers à venir découvrir les films de la compétition avec curiosité. Parmi ces noms encore inconnus, se cachent sans doute ceux qui feront l'ouverture du Festival de Marrakech dans quelques années.
Les films présentés hors compétition le sont dans différentes sections. Les soirées de Gala mettent à l'honneur les films de cinéastes majeurs. La section des séances spéciales est composée d'oeuvres célébrées par la critique ou des grands festivals internationaux. Quant à la section du 11e Continent, elle offre aux cinéphiles les plus avertis une programmation de films novateurs qui bousculent les modes de narration dominants. La présence de 9 films projetés en première mondiale ou internationale illustre la confiance que les professionnels portent dans le Festival de Marrakech. Parmi ces premières, Fanon, le biopic consacré par Jean-Claude Barny à Franz Fanon, l'un des plus grands penseurs anticolonialistes du XXe siècle mais aussi la comédie tendre de Baya Kasmi, Mikado.
Le festival présente cette année 25 films arabes et africains dont 12 marocains. Le film marocain de la compétition est La Mer au loin de Saïd Hamich, un film lumineux sur l'amour et l'exil. Le cinéma national est présent dans plusieurs sections du festival dont les séances de Gala avec Everybody Loves Touda de Nabil Ayouch, dévoilé pour la première fois au Maroc depuis le succès remporté lors de sa projection au Festival de Cannes. Dans la section du cinéma marocain, on retrouve notamment Le Lac Bleu, le film sincère de Daoud Aoulad-Syad mais aussi Les Miennes, un récit chaleureux sur la transmission et les secrets de famille signé Samira El Mouzghibati. L'hommage posthume rendu à la grande comédienne et femme engagée Naïma Elmcherqui sera à n'en point douter l'un des moments forts de cette édition.
La présence marquée du cinéma national et régional n'est pas une surprise. Elle illustre la grande créativité des cinéastes de la région que nous observons chaque année aux Ateliers de l'Atlas, le programme professionnel du festival qui leur est dédié. D'ailleurs, 12 films précédemment soutenus par les Ateliers sont présents dans les différentes sections du festival dont un record de 5 films en compétition.
Le jury réunit quatre figures féminines de renom : la réalisatrice indienne Zoya Akhtar, l’actrice américaine Patricia Arquette, l’actrice belge Virginie Efira et l’actrice marocaine Nadia Kounda. Comment s’est opérée la sélection de ces personnalités ?
Le Festival de Marrakech est très respecté pour son jury qui réunit des personnalités prestigieuses grâce au travail de Mélita Toscan du Plantier dont je salue l'engagement passionné pour ce festival qu'elle accompagne depuis ses débuts. Le jury de cette 21e édition est placé sous la présidence du cinéaste italien à la carrière internationale Luca Guadagnino. Il est entouré de personnalités incontournables du cinéma mondial, dont le réalisateur iranien Ali Abbasi et le comédien américain Andrew Garfield.
Les personnalités féminines présentes dans le jury sont des femmes engagées et d'une grande cinéphilie. Zoya Akhtar est actuellement la plus grande réalisatrice de Bollywood, Virginie Efira est une actrice incontournable du cinéma français. Patricia Arquette est une icône du cinéma américain qui a tourné avec les plus grands cinéastes (David Lynch, Martin Scorsese, Richard Linklater, Tim Burton…). Nadia Kounda est une actrice importante du cinéma marocain qui a participé aux films de cinéastes de premier plan comme Faouzi Bensaïdi, Narjiss Nejjar ou Meryem Benm’Barek.
Après le succès de l’atelier critique cinéma pour journalistes avec Charles Tesson à Casablanca, qu’espérez-vous accomplir avec cette version destinée aux étudiants ?
La critique de cinéma joue un rôle essentiel pour susciter le désir chez les spectateurs de découvrir un film. Nous avons organisé un premier atelier d’initiation et de perfectionnement à la critique de cinéma qui s’est tenu avec succès en juillet dernier à Casablanca, avec la participation de 15 journalistes en activité au Maroc. A l'occasion de cette 21e édition du Festival, nous déclinons cet atelier à destination de 15 étudiants en cinéma et journalisme sélectionnés parmi plusieurs écoles et université du Royaume. Pendant 5 jours, ils vont vivre dans la peau d'un critique de cinéma, en découvrant des films, préparant des entretiens avec des cinéastes et en rédigeant des textes critiques. Cet atelier suscitera peut-être des vocations pour ce métier essentiel à la vie des films.
La jeunesse est au cœur de plusieurs initiatives cette année, notamment les partenariats avec les écoles et universités et l’atelier critique . Comment évaluez-vous l’impact de ces programmes sur le public jeune et sur l’avenir du cinéma marocain ?
La jeunesse est au coeur de la programmation du festival qui dédie sa compétition aux talents émergents du monde entier, soumis au regard d'un jury composé cette année de personnalités particulièrement populaires auprès de jeunes comme le comédien Jacob Elordi découvert dans la série culte Euphoria. Le Festival accompagne aussi l'éclosion d'une nouvelle génération de cinéaste marocains, arabes et africains à travers le programme professionnel des Ateliers de l'Atlas initié en 2018.
Dans la continuité de ce soutien aux jeunes talents du cinéma, nous avons à coeur de développer des initiatives à destination des jeunes adultes. Cette année, notre équipe en charge de l'audience organise la venue quotidienne de plus de 300 étudiants. Ils assisteront des projections, au programme des conversations ainsi qu'à des rencontres avec des professionnels, organisées dans un espace dédié au sein du Palais des Congrès. A travers ces initiatives, nous souhaitons sensibiliser la jeunesse à l'expérience de la salle de cinéma et aux échanges avec les artistes. Les cinéastes marocains talentueux remarqués ces dernières années auront besoin de ce public qui représente les spectateurs potentiels de leurs prochains films.
Pouvez-vous nous parler d'Atlas Station et de ce qu’elle apporte en tant que nouvelle section pour les jeunes ?
Atlas Station est un nouveau programme des Ateliers de l'Atlas qui répond aux besoins des jeunes cinéastes et producteurs marocains désireux de s'ouvrir à l'international. Trouver des financements en dehors du Maroc pour faire aboutir son projet, puis le promouvoir auprès des festivals et distributeurs du monde entier, est un long chemin. Atlas Station propose un programme très complet, qui permet aux 10 participants sélectionnés, d'acquérir les outils et les codes pour naviguer dans l'industrie internationale et faire aboutir leur projets de films.
La prolongation des Ateliers de l’Atlas à cinq jours reflète-t-elle une demande croissante des participants ou un besoin d’approfondir les activités ?
Nous avons souhaité ajouter une journée supplémentaire aux Ateliers de l'Atlas pour développer l'accompagnement proposé aux professionnels marocains, arabes et africains. Cette 7e édition, qui est parrainée par le cinéaste américain Jeff Nichols, s'étend désormais sur cinq jours au lieu de quatre. Cette journée supplémentaire permet de développer notre accompagnement sur les aspects créatifs tels que la direction d’acteur ou les effets spéciaux mais aussi d'aborder le travail des publics et du marketing des sorties en salle. Les succès récents des films d'Asmae el Moudir, Kamal Lazraq, Sofia Alaoui ou de Ismaël el Iraki sont une véritable source d'inspiration pour les jeunes professionnels marocains
Cette année, les « conversations with » ont lieu au centre culturel Meyden. Pourquoi avez-vous choisi ce nouveau lieu ? Qu'apporte-t-il en termes d'expérience pour les participants et invités ?
Pour la première fois, le programme des Conversations se tiendra dans le théâtre Meydene situé sur M Avenue où des animations seront organisées à destination du public. Ce nouveau lieu permet d'étendre la présence du festival dans la ville mais aussi d'accueillir davantage de festivaliers à venir échanger avec les plus grands noms du cinéma. Pour cette édition, 15 conversations seront ainsi accueillies au centre culturel Meydene. Elles réunissent une liste exceptionnelle d'artistes parmi lesquels des cinéastes cultes comme Tim Burton et David Cronenberg mais aussi l'immense réalisateur et acteur Sean Penn à qui le festival rend hommage cette année.
Une conversation sera dédiée à 4 jeunes cinéastes dont les films ont participé au nouvel élan du cinéma marocain. La présence de ces talents prometteurs aux côtés des artistes les plus prestigieux illustre parfaitement l'esprit qui anime le Festival de Marrakech : célébrer les grands noms du septième art et révéler les nouvelles voix du cinéma.
Quelles sont les stratégies mises en place pour élargir l’accès du festival à un public plus diversifié ?
Avec mon comité de sélection, nous allons à la rencontre des étudiants d'écoles et universités de Marrakech, Rabat et Casablanca, afin de leur présenter le programme du festival aux étudiants et de répondre à leurs questions. Cette tournée est l'occasion de rappeler que les accréditations permettant d'accéder aux projections et conversations sont gratuites. Pour la première année, un espace sera dédié au public à l'intérieur du Palais des Congrès. Des rencontres avec des professionnels du cinéma et des membres de l'organisation du festival y seront organisées.
Notre équipe en charge de l'audience invite également des écoles et des associations à assister au programme Jeune Public et Famille. Cette programmation permet de sensibiliser les plus jeunes, dès l'âge de 4 ans, à l'expérience de la salle de cinéma. Elle offre aussi la possibilité aux parents d'assister à des projections avec leurs enfants lors de séances dédiées à un public familial.
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