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Le bloc notes de la rédaction

Cannes 2025 : les Atlas tracent la route

10.04.2025 à 13 H 02 • Mis à jour le 14.04.2025 à 02 H 06 • Temps de lecture : 6 minutes
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Le Festival de Cannes 2025 s’ouvre sur une édition marquée par une présence affirmée des cinéastes du monde arabe et africain, avec plusieurs projets issus des Ateliers de l’Atlas du Festival de Marrakech. Entre fidélité aux grands noms et percées audacieuses de nouvelles voix, la sélection mêle puissance politique, formes renouvelées et récits intimes

Le 78ᵉ Festival de Cannes, qui se tiendra du 13 au 24 mai, s’est dévoilé ce matin depuis l’UGC Montparnasse à Paris. Iris Knobloch, présidente du Festival, a donné le ton d’entrée : « Le message du festival depuis sa création est un message d’ouverture, pour l’autre, pour le différent, pour le nouveau, c'est l’ADN de Cannes ». Une formule qui résonne dans une sélection où l’altérité n’est pas posture, mais territoire d’exploration cinématographique, où le festival est terre d'accueil de tous les cinémas.


Une sélection marquée par les Ateliers de l’Atlas

Trois films issus des Ateliers de l’Atlas du Festival International du Film de Marrakech , devenu en quelques années un incubateur essentiel des talents arabes et africains figurent dans la section Un Certain Regard.


Le déjà très remarqué Aisha Can’t Fly Away Anymore de l’Égyptien Mustafa Mourad. Le réalisateur présente son premier long-métrage qui s’inscrit dans la continuité de son travail sur les réalités des communautés marginalisées au Caire. Le film suit Aisha, une jeune femme somalienne de 26 ans, travaillant comme aide-soignante auprès de personnes âgées dans le quartier d’Ain Shams, connu pour sa forte population de migrants africains. Aisha se retrouve prise au piège entre les tensions intercommunautaires et les pressions d’un gang local qui la contraint à voler les clés de ses patients pour faciliter des cambriolages. Cette situation complexe est exacerbée par une relation amoureuse ambiguë avec Abdoun, un jeune cuisinier égyptien, dont la disparition soudaine plonge Aisha dans une spirale de confusion où ses rêves et la réalité s’entremêlent.


Mustafa Mourad, déjà remarqué pour ses courts-métrages sélectionnés à Clermont-Ferrand et à la Semaine de la Critique, poursuit ici son exploration des dynamiques sociales et des luttes individuelles dans un contexte urbain égyptien. Le film est produit par Bonanza Films en collaboration avec Film Clinic et Dulac Productions, témoignant d’une coproduction internationale solide.


Le très attendu Once Upon a Time in Gaza des frères Arab et Tarzan Nasser (Palestine). Un film qui plonge dans les réalités complexes de la bande de Gaza. L’histoire se concentre sur Yahia, un jeune étudiant qui noue une amitié avec Osama, un dealer charismatique au grand cœur. Ensemble, ils commencent à vendre de la drogue depuis un restaurant de falafels.


Les Nasser, connus pour leur capacité à mêler humour noir et critique sociale, continuent d’explorer les subtilités de la vie quotidienne sous blocus, mettant en lumière les dilemmes moraux et les aspirations de la jeunesse gazaouie. Le film est co-produit par Kometa Films, Les Films du Tambour et le Made in Palestine Project, reflétant une collaboration internationale visant à porter les voix palestiniennes sur la scène mondiale.


Après le succès de Sous les figues, la réalisatrice franco-tunisienne Erige Sehiri propose Promis le ciel (dont le titre a changé), un drame qui explore les liens de solidarité entre femmes dans un contexte de tensions sociales croissantes en Tunisie. Le film raconte l’histoire de Marie, une Ivoirienne de 40 ans installée en Tunisie depuis une décennie, partageant sa vie entre son métier de journaliste et sa vocation de pasteure évangéliste. Elle accueille chez elle Nané, une jeune mère dont le passeport a été confisqué par son employeuse, et Jolie, une artiste prometteuse en situation précaire menacée de renvoi en Côte d’Ivoire par son père. Ensemble, elles forment un trio résilient, naviguant entre débrouillardise et humour, jusqu’à ce que les tensions croissantes entre Subsahariens, Tunisiens et forces de l’ordre viennent bouleverser leur équilibre précaire.


La réalisatrice continue d’explorer les réalités sociales tunisiennes en mêlant acteurs professionnels et non-professionnels, créant une œuvre à la frontière entre fiction et documentaire. Le film est produit par Henia Production en Tunisie et Maneki Films en France, témoignant d’une collaboration fructueuse entre les deux pays.


Ces trois films illustrent la diversité et la richesse du cinéma arabe et africain contemporain, mettant en lumière des récits profondément humains ancrés dans des réalités sociales complexes. Leur sélection à Cannes souligne l’importance croissante des Ateliers de l’Atlas dans le soutien et la promotion des talents émergents de la région.


Un signal fort, qui souligne la vitalité artistique de la région MENA et la reconnaissance internationale croissante de ses cinéastes émergents. À leurs côtés, le Nigérian Akinola Davies Jr. s'apprête à faire sensation avec My Father’s Shadow, film sensoriel sur l’héritage familial, et Diego Céspedes (Chili) signe un premier long . À noter également les débuts derrière la caméra de Scarlett Johansson avec La Grande Eleonor, et le retour remarqué de la Tchèque Zuzana Kirchnerová.


Grands noms, récits engagés : une compétition sous tension

En ouverture de la Compétition officielle, la Française Amélie Bonin présentera Partir un jour, un premier film intimiste qui annonce la place donnée cette année aux voix nouvelles. Le cinéma politique trouve aussi sa place, avec Jafar Panahi et Un simple accident, retour très attendu du cinéaste iranien après ses démêlés judiciaires, et Tariq Saleh (Égypte) avec Les Aigles de la République, un thriller tendu aux accents d’actualité.


Hafsia Herzi poursuit sa mue de réalisatrice avec La petite dernière, portrait de femme dans la marge, ancré dans une France populaire et rugueuse. Et aux côtés de ces propositions ancrées dans le réel, plusieurs retours prestigieux  comme celui de Julia Ducournau avec Alpha, après la Palme d’or de Titane, Joachim Trier, Kleber Mendonça Filho, Mario Martone, Dominik Moll, Sergei Loznitsa, Olivier Laxe, les frères Dardenne, assumés et revendiqués par Thierry Frémaux sans oublier Wes Anderson et Richard Linklater, ce dernier rendant hommage à Godard avec Nouvelle Vague, plongée cinéphile dans le tournage d’À bout de souffle.


Hors compétition, Cannes se fait aussi scène spectaculaire. On retrouvera Mission : Impossible – The Final Reckoning avec Tom Cruise, La Venue de l’Avenir de Cédric Klapisch, La Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa, Vie privée de Rebecca Zlotowski, ou encore Dites-lui que je l’aime de Romane Bohringer. Un hommage à Marcel Pagnol est également prévu avec Marcel et Monsieur Pagnol, et Bono viendra présenter Stories of Surrender, projet hybride entre concert et confession.


Cette 78e édition confirme l’évolution d’un Cannes à la fois fidèle à ses mythes et soucieux d’élargir sa cartographie. En mettant en lumière les fruits du travail en amont de festivals comme celui de Marrakech, Cannes affirme une circulation fluide entre soutien à la création, émergence des talents et reconnaissance internationale.


Le cinéma n’est plus qu’affaire de centre  il devient archipel, et Cannes en est le carrefour. Sous le soleil de la Croisette, les récits se croisent, les voix s’élèvent, et les Atlas, désormais, tracent de nouvelles constellations.

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Le Desk Culture