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Paléontologie

Découverte à Taforalt : l’Homme est-il devenu moderne sur le sol marocain ?

04.11.2024 à 18 H 15 • Mis à jour le 05.11.2024 à 16 H 52 • Temps de lecture : 4 minutes
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Une équipe scientifique a découvert des témoins archéologiques de la plus ancienne utilisation médicinale des plantes dans la grotte des Pigeons à Taforalt dont les résultats ont été publiés hier dans la revue Nature. Il s’agit là d’une étape fondamentale dans la compréhension de l’avènement de l’Homme moderne et social…

Et si l’Homme est devenu réellement moderne sur le sol marocain ? C’est en tous cas ce que suggèrent les récentes découvertes sur ses pratiques symboliques et culturelles. La dernière en date fait l’effet d’une bombe dans le milieu des anthropologues. Une équipe internationale chapeautée par l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP) en collaboration avec des chercheurs du Museum d’Histoire Naturelle à Londres, de l’Université d’Oxford, celles de Las Palmas et Mohammed 1er d’Oujda, en a publié les stupéfiants résultats dans la prestigieuse revue Nature.


Les experts ont désormais la preuve de l’utilisation, par Homo Sapiens, il y a 15 000 ans, de plantes à usage médicinal. La découverte nous vient de la grotte des Pigeons à Taforalt (ou Tafoughalt) située dans la région de l’Oriental où, selon un communiqué de l’INSAP, ces plantes « correspondent à l’espèce ‘Ephedra’ dont les fruits ont été mis au jour dans une zone de la grotte qui a été réservée aux inhumations selon des rites précis et qui étaient très répandus parmi les groupes humains de l’époque de l’âge de pierre ». Concrètement, en repérant et en datant les fruits calcinés de cette plante réputée pour atténuer les hémorragies et calmer les douleurs, les archéologues sont désormais convaincus qu’Homo Sapiens adopte, à cette période de son histoire, un comportement éminemment social.


Abdeljalil Bouzouggar, archéologue et directeur de l’INSAP, qui a participé à cette découverte en compagnie notamment d’Ismail Ziani lauréat de l’INSAP et doctorant à l’Université de Las Palmas en Espagne, nous en explique les implications : « ce que nous avons trouvé à Taforalt est au centre de l’évolution du comportement culturel de l’Homme moderne. Il traduit son passage crucial à la vie en société, où les individus et les groupements humaines partagent des connaissances et en font profiter les autres ». Le chercheur admet soupçonner « depuis quelques années déjà », l’existence d’un tel comportement dont les indices ont été repérés dans cette fameuse grotte des pigeons. En 2003 déjà, une équipe dirigée par Bouzouggar, avait authentifié un crâne humain qui comporte les traces d’une « opération chirurgicale ». Cette manœuvre médicale, complexe et précoce (15 000 ans également) consiste en une trépanation, soit le fait de faire une ouverture sur la boîte crânienne pour intervenir directement sur le cerveau.

 

Le Maroc, terre d’évolution

A Tafouralt, l’opération menée par l’ancêtre des chirurgiens a été un succès, puisque la cicatrisation prouve que le patient a survécu. Une réussite qui implique nécessairement l’usage de plantes médicinales, comme celles de l’espèce « Ephedra » récemment découverte sur le même site. Un usage qui s’applique également à l’avulsion dentaire, qui consiste à arracher les incisives des garçons et des filles « comme une sorte de rituel de passage à l’âge adulte » précise le directeur de l’INSAP. Pour lui, l’ensemble de ces pratiques médicinales eut été impossible sans une « connaissance aigue de la botanique du milieu dans lequel évoluaient ces groupements humains ».  La dernière découverte de Taforalt redessine, plus largement, une période « véritable coup d’accélérateur de la modernisation de l’Homme » selon Bouzouggar.


Mise dans une perspective plus globale, la révélation de l’usage médicinale dans la grotte des Pigeons, place une nouvelle fois le Maroc au cœur de la chronologie évolutive de notre espèce. Abdeljalil Bouzouggar retrace un récit qui débute par l’Homme d’Ighoud (près de Chichaoua), révélé en 2017 qui consacre non seulement le berceau d’Homo Sapiens (300 000 ans) mais aussi son avènement « physique » tel qu’il est aujourd’hui. L’accélération de sa modernisation se joue un peu plus tard, du côté d’Essaouira, dans la grotte de Bizmoune, où été retrouvées les plus anciennes parures connues en formes de coquillages (150 000 ans) « pour la première fois, des créations humaines ne sont pas destinées seulement à des besoins primitifs ». La passionnante histoire de cette évolution sociale accélérée se joue également dans les plaines atlantiques, avant d’atteindre le nord-est du Maroc, à Taforalt.


Pour Bouzouggar, il manque encore « quelques pièces du puzzle, notamment la découverte de quelques sites relais » mais le directeur de l’INSAP se réjouit du « potentiel archéologique » qu’offre le Maroc pour les années à venir « nous sommes prêts et désormais équipés pour ces nouveaux défis ». Car l’enjeu est de taille, après avoir été reconnu comme le berceau de l’Homme Moderne, le Maroc devient également le terrain de chasse privilégié pour comprendre son évolution, et son basculement dans une nouvelle ère. Pour l’archéologue « la récente découverte de Taforalt est la preuve d’un virage stratégique. Ici Homo Sapiens prend conscience de la préciosité de la vie, de l’importance de la préserver et de la prolonger grâce à la médecine. Ce sont les contours de la définition d’une société moderne ».

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Le Desk Culture