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Culture

Festival Gnaoua: au-delà de la musique, la symbolique des couleurs

22.06.2023 à 14 H 37 • Mis à jour le 22.06.2023 à 14 H 38 • Temps de lecture : 5 minutes
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En marge du Festival Gnaoua et des Musiques du Monde, événement qui rassemblera du 22 au 24 juin des milliers d’adeptes de la musique traditionnelle et de la spiritualité, un des aspects les plus fascinants de la culture gnaoua demeure la symbolique des couleurs

La culture gnaoua, ce précieux héritage d'un mélange de traditions africaines subsahariennes, berbères et arabo-musulmanes, est inextricablement liée à son expression chromatique. Dans le rituel de la Lila, cette cérémonie nocturne où les Gnaoua invoquent les esprits protecteurs (des saints et des mlouk), chaque couleur se voit attribuer un rôle et une signification spécifiques.


Les sept couleurs (blanc, bleu ciel, bleu foncé, rouge, vert, noir et jaune) qui figurent dans les vêtements des musiciens, les objets rituels, les drapeaux et bien sûr dans les rythmes et les mélodies de la musique gnaoua, créent un véritable spectacle visuel et sonore. Ces couleurs correspondent aux saints et mlouks invoqués pendant la Lila de derdba, qui désigne le rite de possession célébré pendant la nuit par les gnaoua et leurs adeptes.


La couleur blanche, associée aux saints pour qui on brûle du bois d’aloès (oud al qmari) ainsi que du benjoin blanc. Lors de cette cérémonie, les maîtres gnaoui, ainsi que les voyantes, invoquent Allah, le prophète Mohammed, ainsi que son gendre Sidna Ali, puis Sidna Aboubakr, l’un des compagnons du Prophète.


Les granoua invoquent aussi Sidi Bilal, l'un des premiers disciples du prophète Mohammed, qu’ils considèrent comme leur ancêtre. Cette invocation, marquée par la couleur blanche, est utilisée par les maîtres gnaoui pour annoncer l'ouverture de la cérémonie vers le monde spirituel.


Les Gnaoui l'utilisent également la couleur blanche pour invoquer les saints, notamment Moulay Abdelkader Jilali. Lors des Lilas, ce saint soufi dont la sépulture se trouve à Bagdad est sollicité en premier pour bénéficier de sa protection contre d'éventuels méfaits des mlouks, car il est considéré comme le protecteur des pauvres.


Lors de l’ouverture de la cérémonie, les gnaoua invoquent également des saints locaux comme Abdallah Ben Hsein, Moulay Brahim et Sidi Chamharouch qui sont regroupés sous la couleur verte.


Après les saints, les gnaoua invoquent les « gens de la forêt » (rjal al ghaba). Ce sont des esprits violents et redoutés qui habitent la brousse africaine et qui se répartissent en deux catégories : les Hawcha et les rois du Soudan. Leur couleur et celle de leur benjoin et le noir.


Pour cette partie de la cérémonie, un plateau de farine d'orge grillée (zamita) sans sel est posé au milieu de l'espace sacré. Les adeptes tournent autour en dansant, puis rampent les uns après les autres vers le plateau de farine qu'ils tiennent à tour de rôle dans leurs mains, tout en faisant semblant de donner des ruades aux autres danseurs pour les empêcher de s'en approcher. En même temps, d'autres danseurs, munis des cannes, miment la démarche du chasseur. Au cours de ces jeux scéniques, on distribue aux adeptes en transe de petits morceaux de viande crue qui ont été mis de côté après le sacrifice, rapporte Abdelhafid Chlyeh, dans son livre « Les Gnaoua du Maroc : Itinéraires initiatiques, transe et possession ».


La couleur bleu ciel est utilisée par les gnaoui pour invoquer la cohorte d'esprits liée à l'eau, connue sous le nom de « moussaouiyine », dont le chef dominant est Sidi Moussa. En plus de la signification symbolique de cette couleur, les danseurs exécutent une danse avec un bol d'eau. Au départ, le bol est posé par terre, puis le danseur tourne autour plusieurs fois en effectuant des pas de danse avant de le saisir et de le placer sur sa tête tout en continuant à danser. Le bol doit rester en équilibre sans l'aide des mains du danseur. La danse se termine par une génuflexion devant le maâlem, puis le danseur se relève et asperge le public pour lui transmettre la baraka des moussaouiyine.


Avec le bleu ciel, les gnaoui portent également du bleu foncé pour invoquer la cohorte des mlouks célestiels (assamaouiyin). Dans son livre Abdelhafid Chlyeh précise que les mlouks célestiels ne constituent pas une cohorte à part et son donc invoqués en même temps que les moussaouiyine.


La couleur rouge, celle du benjoin, est l'emblème des mlouks des abattoirs. Les devises de cette cohorte invoquent Sidi Hammou, maître des abattoirs. Lors de la Lila, un adepte confirmé et surtout la voyante vêtue de rouge exécutent la danse de sidi Koumi avec des poignards. Les invocations des mlouks rouges sont accompagnées à Essaouira par une distribution de miel au public, explique Chlyeh.


La Lila se termine en invoquant la cohorte des saintes et des mlouk féminins. Leurs couleurs sont variées : le noir, le rouge et le jaune. Lors de cette partie de la cérémonie on brûle le benjoin blanc, noir, la gomme arabique (maska), la résine de lentisque (mastika), le hasalaban et le bois d’aloès. On invoque Lala Aicha l’Esclave, Lala Rqia la Ravie puis Lala Mira qui aime les parfums et les sucreries, sa couleur est le jaune. Les femmes présentes aspergent les participants avec de l’eau de Cologne et de l’eau de rose (ma ward) et distribuent des sucreries. Puis viennent Lala


Puis viennent Lala Jouhara et Lala Hawa (Ève), accompagnée d’une danse de possession avec une lampe à huile en terre cuite (M’nara) portant 7 mèches allumées. Enfin, Lala Mbirika Al Gnaouia, Lala Batoul et Lala Myriem la Berbère seront appelées à leur tour.


À l'orée de cette nouvelle édition du Festival Gnaoua et des Musiques du Monde, qui aura lieu du 22 au 24 juin à Essaouira, la symbolique des couleurs chez les Gnaoua invite donc à une meilleure compréhension de leur univers spirituel et à une appréciation plus profonde de la richesse de leur culture. Par leurs couleurs, les Gnaoua racontent une histoire qui dépasse les frontières du Maroc et touche à l'universel, une histoire que tous les amateurs de la musique gnaoua sont invités à découvrir et à partager lors du Festival.

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Le Desk Culture