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Grand écran

Maroc-Sénégal : une co-production qui gagne

22.02.2025 à 22 H 15 • Mis à jour le 22.02.2025 à 22 H 16 • Temps de lecture : 6 minutes
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La collaboration cinématographique entre le Maroc et le Sénégal s’affirme comme une alliance fructueuse, donnant naissance à des œuvres saluées sur la scène internationale

Alors que le cinéma africain s’affirme sur la scène internationale, la collaboration entre le Maroc et le Sénégal donne naissance à des œuvres d’une grande force visuelle et narrative. Avec Wamè de Joseph Gaï Ramaka produit par Yanis Gaye de Gorée Cinéma et Ne réveillez pas l’enfant qui dort de Kevin Aubert produit par Chloé Ortolé de Tangerine Production (tous deux du collectif Yetu) , deux films au style affirmé , cette alliance artistique co-produite par les Free Monkeyz à Casablanca, franchit un cap. Entre maîtrise cinématographique, mémoire collective et nouvelles dynamiques de production, ces films témoignent d’un cinéma africain en pleine mutation, porté par des structures innovantes et un dialogue créatif entre les deux rives du continent. Une idée, une envie, une initiative née aux Ateliers de l'Atlas du Festival International du Film de Marrakech.


Ne réveillez pas l’enfant qui dort : un rêve suspendu entre réalisme et abstraction

Récompensé hier par le Prix spécial du jury international du meilleur court-métrage dans la section Generation 14plus à la 75e édition du Festival international du film de Berlin , Ne réveillez pas l’enfant qui dort s’impose comme une proposition cinématographique d’une rare maîtrise de Kevin Aubert produit par Chloé Ortolé de Tangerine Production , co-produit par La Luna Productions. Kevin Aubert , pour son premier film, compose une mise en scène d’une rigueur chirurgicale, où chaque mouvement de caméra semble pensé pour traduire l’enfermement intérieur de Diamant, son héroïne.


Le film raconte l'histoire de Diamant, une adolescente de 15 ans qui vit à Dakar et qui aspire à devenir cinéaste. Confrontée aux attentes familiales qui divergent de ses ambitions, Diamant choisit une forme de résistance silencieuse en plongeant dans un sommeil profond et inexplicable. Ce court-métrage en noir et blanc explore les thèmes de l'émancipation, du rêve et de la pression sociale.Le noir et blanc, loin d’être un simple choix esthétique, devient ici une matière vivante, jouant sur les nuances de gris pour accentuer les tensions entre ombre et lumière. La photographie subtile et presque minimaliste magnifie Dakar et ses espaces clos, transformant la ville en un écrin silencieux, presque spectral. Les scènes nocturnes sont d’une pure beauté plastique, capturant la solitude de l’adolescente avec une économie de moyens remarquable.


Chaque bruit, le grincement d’une porte, le souffle du vent, le lointain écho de la ville,  participe à la construction de l’état mental de Diamant. Ce design sonore d’une rare subtilité accompagne le silence du personnage principal et amplifie la sensation de flottement entre rêve et réalité.La mise en scène, à la fois précise et contemplative, fait écho aux grandes figures du cinéma moderne, où chaque geste, chaque regard devient porteur de sens. Kevin Aubert orchestre un récit où le visible et l’invisible se confondent, où le sommeil de Diamant devient un acte de résistance face à un monde qui tente de la modeler.


Wamè : une odyssée africaine contemporaine

Présenté au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand, Wamè réalisé par  Joseph Gaï Ramaka et produit par Yanis Gaye de Gorée Cinéma, est une œuvre hypnotique en noir et blanc qui plonge dans les profondeurs de la mémoire collective africaine qui a raflé le Prix étudiant. Son esthétique radicale, mêlant un contraste brut et une lumière sculptée, évoque un cinéma presque expressionniste, où chaque plan semble taillé dans l’ombre et la matière.


Dès les premières images, le film impose son univers sensoriel : des silhouettes d’hommes ramant jusqu’à l’épuisement, des visages marqués par l’effort et le sel, un océan tour à tour protecteur et menaçant. Joseph Gaï Ramaka s’inspire des mythes lébous pour inscrire son film dans une temporalité suspendue, entre la tragédie du passé et l’urgence du présent. Son travail sur le cadre est d’une précision remarquable, chaque mouvement de caméra accompagnant une narration fragmentée où l’histoire semble surgir des profondeurs de l’inconscient collectif. Le son, conçu avec une attention presque organique, amplifie cette immersion : le clapotis de l’eau, le souffle du vent, le cri des hommes, les chants, les danses forment une partition sensorielle qui enveloppe le spectateur. En arrière-plan, la mémoire du massacre de Thiaroye en 1944 plane sur le récit, comme un spectre silencieux dont la résonance tragique habite chaque plan.


Une post-production marocaine au service de la création

Les deux films partagent une particularité notable : une partie significative de leur post-production a été réalisée à Casablanca, au sein de Free Monkeyz, un centre de post-production dirigé par Julien Fouré et Youssef Barrada. Les réalisateurs et leurs équipes ont passé plusieurs semaines au Maroc, collaborant étroitement avec des professionnels locaux pour peaufiner le montage, le son et l’étalonnage de leurs œuvres. Cette immersion au cœur de la scène cinématographique marocaine a permis un échange enrichissant de savoir-faire et de perspectives, renforçant les liens entre les deux industries cinématographiques.


Julien Fouré souligne l’importance de fournir des services de post-production compétitifs en Afrique, afin de retenir les talents et les financements sur le continent, et d’éviter que les subventions allouées ne soient dépensées à l’étranger : « Il est crucial de développer les compétences locales pour que le Maroc devienne un acteur incontournable dans la région. Le Maroc dispose d’infrastructures compétitives et peut offrir des conditions attractives pour les productions du continent Si nous renforçons notre coopération avec d’autres pays africains, nous pourrons créer un réseau solide pour la post-production » explique ce dernier.


Le collectif Yetu : un réseau de créateurs engagés

Derrière ces succès se profile le collectif Yetu (Un)Limited , une plateforme fondée en 2024 par des producteurs africains, dont Yanis Gaye de Gorée Cinéma (Sénégal) et Chloé Ortolé de Tangerine Production (Sénégal), les deux producteurs des films primés. Ce collectif vise à promouvoir une narration authentique et diversifiée du continent, en mutualisant les ressources et en partageant les expériences pour développer des projets ambitieux.


Yetu se distingue par son modèle d’entreprise durable et ses processus créatifs endogènes, répondant aux besoins d’un public africain, diasporique et international en quête de récits cinématographiques authentiques. Un ensemble d’énergies qui conforte l’avenir prometteur de la co-production africaine.


Les distinctions obtenues par Wamè et Ne réveillez pas l’enfant qui dort dans des festivals internationaux de renom soulignent l’efficacité et la pertinence de la co-production entre le Maroc et le Sénégal. Ces succès confirment que l’alliance entre les talents africains et des structures collaboratives comme le collectif Yetu peut ouvrir de nouvelles perspectives pour le rayonnement du cinéma africain sur la scène mondiale.En misant sur des récits enracinés dans le continent, mais ouverts au monde, cette génération de cinéastes et de producteurs construit un cinéma où la mémoire et le présent dialoguent, où l’expérimentation formelle devient un moyen d’explorer des réalités complexes, et où le Maroc et le Sénégal continuent de tisser, ensemble, des liens cinématographiques riches et durables.

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Le Desk Culture