Comme le révélaient les premiers chiffres du Recensement général de la population et de l’Habitat (RGPH) au titre de l’année 2024, réalisé en septembre dernier, le nombre de la population légale au Maroc a augmenté de 8,8 % en dix ans, pour atteindre 36 828 330 d'habitants, dont 148 152 sont des étrangers, en 2024. Une première lecture de ces résultats révélait le recul du taux d’accroissement démographique, qui est passé de 2,6 % entre 1960 et 1982 à 1,25 % entre 2004 et 2014 et a atteint 0,85 % entre 2014 et 2024, parallèlement à une urbanisation accélérée, allant de 51,4 % en 1994 à 62,8 % en 2024.
Outre la baisse du taux de fécondité, qui est passé au-dessous du taux inférieur au seuil de remplacement des générations à 1,97 enfant par femme en 2024, la même source révélait la répartition disparate de la population sur le territoire national, avec 5 régions (Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Rabat-Salé-Kenitra, Casablanca-Settat, Fès-Meknès, Marrakech-Safi et Souss-Massa) qui abritent environ 78,5 % des habitants.
Les résultats détaillés du RGPH 2024, présentés ce 17 décembre par le Haut-commissariat au Plan (HCP), viennent fournir un nouvel aperçu sur l’évolution des caractéristiques du capital humain marocain, ainsi que sur les conditions socio-économiques de la population.
Scolarisation, formation, alphabétisation : des progrès notables
Le taux de scolarisation des enfants a progressé parmi les différents groupes d’âge au cours de la dernière décennie. Selon le HCP, au cours de l’année scolaire 2023-2024, le taux de préscolarisation des enfants âgés de 4 à 5 ans s’est établi à 62,7 % au niveau national (66,8 % en milieu urbain et 56,9 % en milieu rural et 62,5 % pour les garçons contre 63,0 % pour les filles). Pour les 6-11 ans, le taux de scolarisation est passé de 94,5 % en 2014 à 95,8 % en 2024, avec un « progression plus marquée » en milieu rural et parmi les filles (de 91,4 % à 95,1 % en milieu rural et de 93,9 % à 95,9 % parmi les filles). Le taux de scolarisation des filles rurales de 90 % à 95,1 % entre 2014 et 2024, ajoute la même source.
Pareillement, le taux de scolarisation des enfants âgés de 12 à 14 ans a atteint 92,8 %, contre 84,1 % en 2014. « Cette amélioration concerne les deux milieux de résidence, avec une hausse plus marquée en milieu rural, de 72,3 % à 87,9 %, qu’en milieu urbain, de 93,4 % à 96,1 % sur la même période. Par sexe, le taux de scolarisation des enfants âgés de 12 à 14 ans tend à l’égalité entre garçons (93,4 %) et filles (92,1 %), après avoir été marqué par un écart significatif en 2014, avec un taux de scolarisation respectivement de 88,7 % et 79,4 % », détaille le HCP.
En plus d’être plus nombreux à se rendre à l’école, les Marocains y passent désormais plus de temps, ressort-il des résultats du RGPH. En effet, la durée moyenne d’études pour la population âgées de 25 ans et plus est passée de est passée de 4,4 années en 2014 à 6,3 années en 2024. Cette moyenne de scolarisation est de 7,9 années en milieu urbain contre 3,2 années en milieu rural, de 7,3 années pour les hommes contre 5,2 années pour les femmes. Ainsi, entre 2014 et 2024 a connu une amélioration du niveau d’études, avec la proportion de la population âgée de 25 ans et plus ayant atteint au moins le niveau d’études secondaires collégiales qui est passée de 30,2 % à 39,1 %, et une diminution « significative » de la proportion des personnes sans aucun niveau d’instruction (de 44,6 % en 2014 à 36,3 % en 2024).
En parallèle, le taux d’analphabétisme a baissé de 32,2 % en 2014 à 24,8 % en 2024. Cette baisse a été plus marquée en milieu rural, de 47,5 % à 38,0 %, qu’en milieu urbain, de 22,6 % à 17,3 %, et parmi les femmes, de 42,1 % à 32,4 %, que parmi les hommes, de 22,2 % à 17,2 %. Le taux d’analphabétisme augmente avec l’âge, passant de 1,6 % parmi les moins de 15 ans à 3,0 % pour les 15-24 ans et atteint 51,0 % parmi les 50 ans et plus (contre respectivement 3,9 %, 11 % et 61,4 % en 2014).
Une population polyglotte, malgré une prédominance du Darija
S’agissant des caractéristiques linguistiques de la population marocaine, les données du RGPH 2024 montrent une prédominance du Darija, avec près de neuf personnes sur dix (91,9 %) qui utilisent le dialecte marocain (96,3 % en milieu urbain contre 84,5 % en milieu rural).
La proportion de la population utilisant la langue amazigh s’élève à 24,8 % en 2024 (19,9 % en milieu urbain et 33,3 % au milieu rural). Selon les expressions linguistiques de la langue Amazigh, le Tachelhit est utilisé par 14,2 % de la population, suivie de Tamazight avec 7,4 % et de Tarifit, avec 3,2 %, fait savoir le HCP. Le hassania est quant à lui utilisé par 0,8 % de la population.
S’agissant de la maîtrise de la lecture et de l’écriture des langues, presque la totalité de la population alphabétisée, âgée de 10 ans et plus, sait lire et écrire la langue arabe (99,2 %) alors que 1,5 % déclare savoir lire et écrire l’amazigh en utilisant le graphie Tifinagh. Concernant les langues étrangères, cette proportion s’élève à 57,7 % pour le Français, à 20,5 % pour l’Anglais, à 1,2 % pour l’Espagnol et à 1 % pour les autres langues. La maitrise du Français et de l’Anglais est plus importante en milieu urbain, avec respectivement 64,3 % et 25,2 % de la population alphabétisée, âgée de 10 ans et plus, contre 42,1 % et 9,6 % en milieu rural, ajoute la même source.
Les jeunes plus connectés
Si les moyens numériques ont été généralisés au cours de la dernière décennie, ce taux diffère selon le type d’appareil, avec 84,4 % de la population âgée de 15 ans et plus qui possède un téléphone personnel, contre uniquement 8,8 % des personnes possédant un ordinateur personnel ou une tablette. Par ailleurs, la possession d’un téléphone personnel augmente avec le niveau d’étude, passant de 69,0 % parmi les personnes n’ayant aucun niveau d’étude à 98,6 % parmi celles ayant le niveau d’étude supérieur.
Par tranche d’âge, les jeunes de 15 à 34 ans sont les mieux équipés, avec une proportion de 12,2 %. Cette proportion augmente avec le niveau d’étude, passant de 0,8 % pour les personnes ayant le niveau primaire à 2,5 % pour celles ayant le niveau secondaire collégial, à 12,4 % pour les personnes ayant le niveau secondaire qualifiant, et atteint 43 % pour celles ayant le supérieur, indiquent également les résultats du RGPH.
Plus de la moitié de la population âgée de 15 ans est plus (59,6 %) a déclaré avoir utilisé Internet durant les trois mois précédant le recensement, avec une utilisation prépondérante en milieu urbain (70,2 %) qu’en milieu rural (40,4 %). Les jeunes de 15 à 34 ans sont les plus utilisateurs d’Internet (76,9 %). Cette proportion augmente avec le niveau d’étude, passant de 22,2 % pour les personnes n’ayant aucun niveau à 56,3 % pour celles ayant le primaire et à 95,5 % pour le niveau supérieur, souligne encore le HCP.
Le taux du chômage en hausse
Alors que le chantier de la généralisation de la protection sociale progresse, le taux de couverture médicale augmente. En 2024, se sont « près de sept personnes sur dix qui disposent d’une couverture médicale », révèle le RGPH 2024. Cela représente 69,8 % de la population qui bénéficie de l’assurance maladie obligatoire (AMO) (69,3 % en milieu urbain contre 70,6 % en milieu rural, et 69,0 % chez les hommes contre 70,6 % chez les femmes).
S’agissant du taux d’activité, les données du HCP révèlent une baisse du taux d’activité, face à une forte montée du chômage. Selon les récents chiffres, près de quatre personnes sur dix âgées de 15 ans et plus, soit 41,6 % de cette population, exercent une activité économique en 2024 contre 47,6 % en 2014. Ce taux est plus élevé parmi les hommes (67,1 % en 2024 contre 75,5 % en 2014) que parmi les femmes (16,8 % contre 20,4 %) et en milieu urbain (43,8 % contre 49,1 %) qu’en milieu rural (37,6 % contre 45,1 %), indique la même source.
En parallèle, le taux du chômage a enregistré une hausse au cours de la dernière décennie, passant de 16,2 % en 2014 à 21,3 % en 2024. Cette augmentation concerne aussi bien le milieu urbain (de 19,3 % à 21,2 %) que le milieu urbain (de 10,5 % à 21,4 % en milieu rural). Cette augmentation est plus importante parmi les femmes, avec le taux du chômage qui est passé à 25,9 % en 2024 contre 29,6 % en 2014 que parmi les hommes (20,1%en 2024 contre 12,4 % en 2014).
Des logements plus modernes… et plus petits
En ce qui concerne les conditions d’habitation de la population marocaine, le RGPH révèle que les Marocains commencent à opter de plus en plus pour des logements modernes. Selon les données du HCP, près de deux ménages sur trois (65,4 %) vivent dans des maisons marocaines modernes en milieu urbain. Environ 24,4 occupent quant à eux des appartements, 2,6 % uniquement habitent dans des maisons marocaines traditionnelles et 2,7 % dans des villas (2,7 %). Un autre constat est le recul de la proportion des ménages urbains qui résident dans des logements précaires ou des bidonvilles a connu un net recul, passant de 5,2 % en 2014 à 3,3 % en 2024.
Alors que la taille des ménages s’est rétrécie au cours des dernières dix années, les habitations se sont à leur tour resserrées. La proportion de ménages urbains vivant dans des logements de 1 à 2 pièces est passée de 35,7 % en 2014 à 43,5 % en 2024, alors que celle des ménages occupant des logements de 3 pièces ou plus a diminué, passant de 64,3 % à 56,5 %, indique le HCP.
En milieu rural, la proportion de ménages vivant dans des logements de type rural a diminué, passant de 64,1 % en 2014 à 53,3 % en 2024. Parallèlement, plus d’un tiers des ménages ruraux (37,6 %) résident dans des maisons marocaines modernes, contre un ménage sur quatre (25,9 %) dix ans plus tôt.
Un rajeunissement du parc de logements est aussi constaté à l’échelle nationale, avec près d’un ménage sur cinq (22 %) occupe un logement de moins de 10 ans, contre 20,1 % en 2014. Parallèlement, la proportion de logements âgés de 10 à 49 ans a augmenté, passant de 59,6 % à 64,7 % durant la même période, tandis que la part des logements de plus de 50 ans a connu une baisse passant de 20,3 % en 2014 à 13,3 % en 2024, indique la même source. Entre 2014 et 2024, la structure du statut d’occupation des logements en milieu urbain est restée globalement stable. La proportion des ménages propriétaires de leurs logements est passée de 61,9 % à 61,5 %, tandis que celle des locataires est passée de 27,3 % à 28 %.
L’accès aux services de base s’est par ailleurs renforcé, avec la proportion des ménages disposant de l’électricité qui atteint 97,1 % en 2024, contre 91,6 % en 2014, de ceux raccordés au réseau de distribution de l’eau potable qui est passée de 73,0 % en 2014 à 82,9 % en 2024 et de ceux raccordés au réseau d’égouts qui a augmenté à 93,4 % en 2024, contre 88,2 % en 2014.
Plus de 1,3 million d’établissements économiques
Au cours de la période 2023-2024, 1 304 564 établissements économiques actifs ont été recensés et géoréférencés dans l’ensemble du territoire national. Par type, le nombre d’établissements à but lucratif atteint 1 130 021, soit près de 86,6 %, celui des établissements de services publics a atteint 147 062 (11,3 %) et celui des établissements associatifs opérant dans des locaux indépendants a atteint 27 481 (2,1 %).
Les établissements à but lucratif emploient 3,6 millions de personnes, soit une moyenne de 3 actifs permanents par établissement. Le secteur le plus utilisateur de la main-d’œuvre est celui des services, qui représente 36 % de l’effectif total employé dans l’ensemble des secteurs d’activité ciblés, suivi de l’industrie (29,8 %), du commerce (29,6 %), et de la construction (4,6 %).
Le secteur du commerce concentre plus de la moitié des établissements à but lucratif du pays (52 %). Il est suivi par le secteur des services qui représente 30,8 %. « Autrement dit, le secteur tertiaire occupe la première place dans la configuration du tissu économique, tant en termes d’établissements (82,8 %) que d’emplois (65,6 %) », souligne aussi le HCP.
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