Covid-19: Non, le vaccin ne cause ni infertilité chez la femme, ni impuissance sexuelle chez l’homme
Une simple dose de vaccin devrait, selon eux, porter atteinte à la capacité reproductive des femmes et des hommes.
À l'étranger, en France, aux États-Unis, ou encore dans les pays du Golfe par exemple, aussi bien qu'au Maroc, les deux assertions se répandent comme une trainée de poudre au sein des opinions publiques, avec à chaque fois de la part des influenceurs anti-vax qui les propagent à travers les réseaux sociaux, l'absence totale de données scientifiques pouvant attester de ces méfaits, ni de cas tangibles et vérifiés par une autorité médicale, se résumant à citer des cas anonymes colportés par la simple rumeur. La technique est simple, ceux qui prétendent cela évoquent souvent des cas de proximité, se substituant ainsi à la science, en s'érigeant comme témoins de faits non avérés.
Un des cas les plus remarqués est celui de Abdeljebar El Andaloussi, un youtubeur au large public, se présentant comme médecin résident à l'étranger et très critique envers la politique de lutte contre la pandémie du coronavirus par les autorités sanitaires. Dans ses vidéos, celui-ci n'hésite d'ailleurs pas à remettre en question l'efficacité des vaccins utilisés dans le royaume quel que soit leur type ou origine, sans aucune forme de rigueur scientifique.
En plus d'une présence multicanale (Youtube, Facebook, Instagram et Twitter), Abdeljabar El Andaloussi est aussi souvent invité par différentes plateformes électroniques mais aussi des pages Facebook particulièrement populaires pour donner son avis sur la situation sanitaire. Son compte Instagram liste d'ailleurs ses très fréquentes interventions.
Dans une de ses vidéos, partagée sur ses différents profils Youtube et Facebook, on peut le voir, affirmer avec force et assurance, que plusieurs femmes sont devenues stériles après avoir reçu une dose de vaccin. Pour cela, sans toutefois préciser la source ni l'autorité desquels ils émanent, il cite des soit-disant rapports officiels ayant fait état de ces cas d'infertilité, provoqués par les vaccins anti-Covid-19. Il ajoute par ailleurs, à de nombreuses occasions, que ces rapports, auxquels il prétend avoir eu accès, devraient être incessamment diffusés au grand public, afin, dit-il, que la vérité éclate au grand jour. Une promesse qu'il n'a évidemment jamais tenue.
Toujours sur les réseaux sociaux, mais cette fois-ci face à la caméra d'un média arabophone, une toute autre sérénade se fait entendre au sujet des méfaits supposés des vaccins anti-Covid-19. Cette fois-ci, il est question de l'impuissance sexuelle chez les hommes, apprend-on de la part d'un cheikh marocain, se dévoilant face au vidéaste du site Aabbir.com, le 14 décembre dernier.
Totalisant plus de 420 000 vues, la vidéo a été partagée des dizaines de milliers de fois.
L'homme y confie d'emblée avoir décidé de ne pas se faire vacciner, avant de se lancer dans une diatribe contre les Juifs qu'il place derrière le virus et la production de vaccins dans un sombre complot visant les Musulmans qui seraient de plus attaqués dans leur virilité.
Ces antiennes reprises en boucle par les influenceurs locaux pour une retranscription dans le contexte marocain, trouvent inspiration dans des déclarations de personnalités en vue, du monde des affaires, du showbiz, des médias ou du monde politique. À titre d'exemple, on pourrait citer la star de la pop mondiale, Nicki Minaj, s'étant fendue d'un tweet en septembre 2021 affirmant que son cousin trinidadien avait vu ses « testicules se gonfler », à la suite d'une vaccination. Des commentaires, liant la condition physique de cette personne à la dose de vaccin qu'elle a reçue et émettant donc un doute sur les bienfaits de la vaccination, ont immédiatement poussé à la réaction en chaine.
Parmi les messages populaires qu'on retrouve repris et adaptés au contexte marocain, celui se référant à la déclaration du Michael Yeadon, présenté comme étant un ex-vice président du géant pharmaceutique Pfizer, repenti depuis, qui tire à boulets rouges contre la vaccination et la commercialisation du vaccin de son supposé ancien employeur. Plusieurs publications citent Yeadon comme étant la source de l'information sur l'infertilité chez la femme provoquée par le vaccin anti- Covid-19.
Décontextualisée et légitimée par un ex-patron d'un des principaux fabricants de vaccin anti-Covid, la thèse complotiste d'un virus conçu en laboratoire puis disséminé dans des conditions obscures est associée à la fabrication et la commercialisation d'un vaccin destiné à engendrer des maladies chez l'être humain, à commencer par l'atteinte à sa capacité de reproduction.
Pourtant, ces supputations ont été unanimement dénoncées par les autorités sanitaires officielles de plusieurs pays, par des experts et chercheurs reconnus qui n'ont pas manqué d'apporter leur version des faits, éléments factuels et scientifiques à l'appui.
À Washington, l'autorité sanitaire, le CDC américain (Centre pour le contrôle et la prévention des maladies) s'est d'ailleurs prononcée sur la question. Dans une note disponible sur son site internet, mis à jour tout récemment en décembre 2021, on indique qu'aucune preuve ne démontre que les vaccins, y compris les vaccins Covid-19, causent des problèmes de fertilité masculine.
Pour soutenir le propos, on cite pour cela une étude datant de juin 2021, où 45 hommes en bonne santé, ont été testés par rapport à leur infertilité une fois la dose de vaccin reçue. Il en ressort que « les chercheurs n'ont trouvé aucun changement significatif dans ces caractéristiques des spermatozoïdes après la vaccination ».
Dans une autre étude, les chercheurs-auteurs précisent avoir mesuré « le volume de sperme, la concentration de spermatozoïdes et leur quantité totale en mouvement, et constaté qu'il n'y avait aucune baisse dans aucun des paramètres par rapport à l'analyse de base », peut-on lire.
Qu'en est-il des femmes et de l'infertilité supposée que provoqueraient les vaccins ? Il se trouve que tout récemment, ce 5 janvier, une étude sur la question a été rendue publique.
Publiée dans la revue Obstetrics & Gynecology dont le sérieux et la rigueur ne sont pas à démontrer, elle est le fruit des travaux de recherches de sept spécialistes de la discipline, provenant d'universités américaines et mexicaines. L'étude prend pour source pour ses données celles issues d'une application de suivi du cycle menstruel. Couvrant la période d'octobre 2020 à septembre 2021, elles portent sur 4 000 femmes, âgées de 18 à 45 ans. Parmi celles-ci, 2 500 ont reçu le vaccin Pfizer-BioNtech, Moderna ou Janssen, trois des plus usités de part le monde pour enrayer la pandémie du nouveau coronavirus.
Il est ainsi démontré qu'aucune altération significative sur le cycle menstruel de la femme n'est à relever, et à peine souligne-t-on un court allongement de la durée du cycle minime et temporaire, et qui est commun par ailleurs pour d'autres vaccins, à l'image de celui contre le papillomavirus humain, souligne-t-on.
Le cycle menstruel qui, une fois cohérent et stable, est synonyme de bonne santé et de fertilité chez la femme, ne serait donc pas impacté par la vaccination, d'après les éléments fournis par cette étude.
Un sujet sur lequel plusieurs chercheurs et médecins n'hésitent pas à prendre position, rappelant en l'occurrence des évidences de l'ordre de la logique: c'est le cas du Dr Odile Bagot, gynécologue à Strasbourg en France, qui rappelle : « Un diagnostic d'infertilité ne peut se faire qu'au bout d'un an voire deux ans de rapports sexuels réguliers au sein d'un groupe. La vaccination ayant commencé il y a six mois, on voit mal comment un lien de causalité pourrait être avéré », soulignait-elle dans les colonnes du journal français La Croix, dès juillet 2021.
Le vaccin contre le Covid-19 est accusé d'attaquer des protéines indispensables à la formation du placenta, conduisant tout aussi à une infertilité chez les femmes. « Le vaccin contient de la syncytine… Hormone naturelle nécessaire lors d'une grossesse pour le placenta », pense savoir un internaute, qui explique que cela voudrait dire « que le corps va fabriquer des anticorps contre la syncytine pouvant provoquer la stérilité chez les femmes en âge de procréer ». Une publication totalement erronée, qui confond plusieurs éléments. Moulay Mustapha Naji, directeur du laboratoire de virologie, relevant de l’Université Hassan II de Casablanca, affirme que la stérilité des femmes due à la vaccination est une fake news totalement infondée, soulignant que « le vaccin est là pour protéger contre la contamination ». « Il a prouvé son efficacité et n’a aucun rapport avec l’infertilité chez les femmes », a souligné l’expert. Réitérant que le vaccin renforce l’immunité pour que le corps puisse combattre le virus, Dr Naji explique que ce genre de rumeurs visent à perturber l’opération de vaccination.
Toujours sur le même sujet, en juin 2021, une autre étude abondait dans le même sens, attestant qu'aucune conséquence du vaccin anti-Covid-19 sur la capacité des femmes à être enceintes n'était à relever. La fausse hypothèse trouve son origine dans un document adressé à l'Agence européenne du médicament qui relève que la protéine S du virus - aussi appelée « spike » est proche de la syncytine-1, une protéine essentielle au développement du placenta chez les mammifères. Or, ses auteurs estiment que les anticorps du vaccin, parce qu'ils apprennent à l'organisme à combattre le coronavirus, pourraient en même temps pousser notre corps à s'en prendre à cette fameuse syncytine. Une sorte de dommage collatéral. Une théorie amplifiée et déformée, jusqu'à devenir une quasi-affirmation, alors qu’elle ne reposait à la base que sur une conjecture. L'étude a alors tranché que le vaccin ne porte aucunement atteinte à l'implantation de l'embryon chez les femmes enceintes vaccinées.
Quant à l'affirmation que c'est l'ancien vice-président de Pfizer qui affirme que le vaccination provoque l'infertilité, elle a été depuis, et à plusieurs reprises, contredite par des investigations sérieuses dont notamment celle de l'agence de presse Reuters.
L'enquête revient sur le parcours de Michael Yeadon dont l'autorité scientifique a été dévoyée, précisant qu'il avait été en charge du département de recherche sur les allergies et les voies respirations chez Pfizer, y officiant pendant une quinzaine d'années. Au sein du laboratoire pharmaceutique, relate Reuters, ses ex-collègues ont immédiatement pris leurs distances avec ses positions, les qualifiant d'infondées et peu crédibles.
Le médecin chercheur en systèmes et en politiques de santé Pr. Tayeb Hamdi a tenu à donner des éclaircissements sur le sujet. Lors de son passage à l’émission « Sihati » (Ma santé) sur 2M, le chercheur a déclaré que toutes les rumeurs à ce sujet sont infondées. Le médecin a ajouté que « toutes les études cliniques menées sur les vaccins indiquent qu’ils n’ont aucun effet sur la fertilité ni chez les femmes, ni chez les hommes ». Pr Hamdi a alors précisé à contrario que l’infection par le Covid-19 pourrait causer la stérilité, vu les effets néfastes du virus sur la fertilité.
Tout en s'inspirant de ces fake news, les commentateurs marocains se gardent toutefois de souligner que les informations rapportées ont été contredites et démenties à l'unanimité.
Le cas le plus parlant est celui de l'impuissance sexuelle chez les hommes et de l'infertilité chez les femmes. Jusqu'à aujourd'hui, aucune étude sérieuse ne fournit la preuve des méfaits reprochés aux vaccins, comme celui de Pfizer, très souvent cité.
Ce que l'on sait en revanche, c'est que l'infertilité et l'impuissance sexuelle, passagères ou durables, sont très souvent la conséquence de formes graves de contamination par le virus du Covid-19. Et sur cet aspect, largement documenté sur des bases scientifiques incontestables, les bonimenteurs des réseaux sociaux demeurent tout à fait muets...
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