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Déclarations

Le PJD affirme à tort que le gouvernement Benkirane a redistribué le plus de richesses

10.08.2016 à 11 H 26 • Mis à jour le 10.08.2016 à 11 H 26 • Temps de lecture : 0 minutes
Par
Le PJD affirme sur son site internet que l’économie réalisée par le gouvernement actuel sur les dépenses de compensation constitue la plus grande opération de redistribution de richesse depuis l’Indépendance. Le montant réel économisé, inférieur à ce qu’avance le parti, n’a pourtant servi qu’à alimenter d’autres dépenses de l’Etat. Les disparités entre les ménages les plus riches et les plus pauvres restent toujours aussi importantes.
À l'origine
Dans le cadre de la préparation des éléments de langage de son programme électoral et la défense de son gouvernement, le PJD a récemment publié sur son site internet un résumé d’émission interne avec Abdennabi Aboulaarab, professeur de marketing à l’Université Mundiapolis qui est présenté comme expert en économie et affaires.
Les détails
La publication du PJD affirme que grâce au gouvernement actuel, « le Maroc a vécu la plus grande opération de redistribution de richesse depuis l’indépendance », en faisant allusion à une économie de 40 milliards de dirhams de dépenses de compensation, réalisée entre 2013 et 2016.
Les faits réels
Le gouvernement dirigé par le PJD a-t-il réussi à redistribuer les 40 milliards économisés, et cette redistribution, si elle a bien eu lieu, est-elle la plus importante depuis 1956 ? Pour répondre à ces questions, il s’agit d’abord de comparer l’évolution du budget de 2013 par rapport aux dernières statistiques disponibles pour 2016, et vérifier si 40 milliards de dirhams ont bien été économisés sur le budget de la caisse de compensation.

 

Sources : Trésorerie Générale du Royaume, Ministère des Finances


 

L’évolution des dépenses entre 2012 et 2013 d’une part, et 2013 et 2016 d’autre part, montre que le niveau de dépenses a quasiment stagné sur la période, soit une légère baisse de 1.6% entre 2012 et 2016. Cette stabilité dans les dépenses totales masque cependant des variations divergentes, notamment pour le poste de la caisse de compensation, qui passe de 51 milliards en 2013 à 16 milliards en 2016 - des chiffres légèrement différents de ceux avancés dans l’article du site du PJD, qui fait référence à une évolution de 54 milliards à 14 milliards sur cette période.

 

Pour reprendre l’expression d’Everett DirksenUn milliard par-ci, un milliard par-là, et très rapidement on commence à parler de vrais montants’, l’écart est plutôt de 35 milliards au lieu de 40 milliards. Les cinq milliards de dirhams de différence ont leur importance : en effet, c’est un milliard de plus que le budget alloué au programme RAMED, ou le montant du service de la dette extérieure à rembourser chaque année pour les trois prochaines années, ou encore 2 milliards de plus que le budget de fonctionnement du ministère de l’Agriculture.

 

De plus, cet argument d’économie des dépenses de compensation a déjà été avancé pour un montant plus ambitieux. Le Desk a démontré auparavant que le montant était gonflé au vu de l’effet-prix des matières premières à l’international qui échappent au pouvoir de l’exécutif marocain, et de l’effet adverse sur la croissance et d’autres agrégats macroéconomiques.

 

On s’intéresse maintenant à l’assertion de ré-investissement du montant économisé. La relative stabilité des dépenses totales suggère que ces dépenses ont été ré-injectées dans d’autres postes au service des objectifs sociaux ou de soutien à l’investissement et la croissance. Près de 67% des économies réalisées ont servi à financer la hausse des dépenses de personnel, des biens et services et de l’amortissement de la dette publique. Le service d’intérêt de la dette arrive en troisième position avec près de 20% du montant économisé, ce qui laisse seulement 13% à l’investissement.

 

En réalité, le niveau de croissance moyenne des investissements sur la période 2013-2016 a été tel que l’investissement public a décliné en termes réels sur cette période. Par conséquent, il est difficile de soutenir que les 35 milliards économisés (ou 33 milliards en termes réels) ont servi à financer une quelconque redistribution par le soutien à l’investissement public.

 

Le troisième point de l’assertion, et probablement le plus important, porte sur la qualité historique de l’effort de redistribution de richesse. Alors que le gouvernement dont fait partie le PJD a mené plusieurs initiatives à caractère social, ces dernières passent toutes en comptes spéciaux du trésor, dont la comptabilité suppose toujours un équilibre budgétaire, et le montant total de ces mesures pour 2016 ne dépasse pas 2 milliards, moins de 6 milliards en cumulé sur la période 2013-2016, soit 15% du montant avancé par le site du PJD et plus précisément le sixième des économies réalisées sur les dépenses de compensation.

 

En vérité, l’effort de redistribution de richesses présenté par le PJD reste faible, et s’inscrit en continuité avec les efforts des gouvernements précédents. A titre de comparaison, l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH) qui se veut un programme ambitieux de lutte contre la pauvreté, a mobilisé un budget de 10 milliards pour la période 2005-2011, et 17 milliards pour 2011-2015. Un total de 27 milliards réparti sur près de 10 ans et qui est probablement un des programmes de lutte contre la pauvreté (et donc de redistribution des richesses) les plus importants au Maroc, en tout cas depuis 1999.
Le verdict
Le montant réel économisé par le gouvernement sur la décompensation est inférieur à ce qu’avance le parti et n’a servi qu’à alimenter d’autres dépenses de l’Etat. Dans l’absolu, il n’y a pas de redistribution concrète de richesses : la part du revenu contrôlée par les ménages les plus aisés continue d’être la plus importante à près de 40% du revenu national brut, alors que la part des ménages les plus défavorisés stagne aux alentours de 2.6% du revenu - une distribution toujours marquée par des disparités importantes entre les plus aisés et les plus démunis.

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Par @PolicyUnitMA
Le Desk Désintox