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Non, les Marocains ne sont pas «les premiers acheteurs étrangers de biens immobiliers en Espagne»

25.04.2022 à 00 H 40 • Mis à jour le 25.04.2022 à 14 H 26 • Temps de lecture : 0 minutes
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Les Marocains sont-ils « les premiers acheteurs étrangers de biens immobiliers en Espagne », comme l’a extrapolé la presse ? Selon les statistiques dévoilées par le Conseil général du notariat espagnol au titre du second semestre 2021, ils ne le sont en réalité que par le critère de résidence et dans 6 communautés autonomes sur 17. Ils sont de plus les acquéreurs dans l’écrasante majorité des biens les moins coûteux. Explications
À l'origine
« Les Marocains, premiers acheteurs étrangers de biens immobiliers en Espagne », comme le suggère en titre de son article Le360 ?  Pas du tout en réalité. Se basant sur les dernières statistiques du Conseil général du notariat espagnol au titre du second semestre 2021, le site d’informations générales a extrapolé certaines données régionales relatives à une catégorie spécifique, celle des résidents étrangers. Une information biaisée qui a été largement reprise sur les réseaux sociaux.

 
Les détails
Le document du Conseil général du notariat espagnol établi, entre autres constats, une comparaison des transactions immobilières réalisées par des étrangers entre le second semestre 2020 et le second semestre 2021, soit sur une année glissante. Il en conclut les données globales suivantes :

Les achats des résidents ont représenté 54,8 % des transactions effectuées, en hausse de 27,4 %. Celles des non-résidents représentaient les 45,2 % restants, avec une augmentation de 64,5 %.

Les prix moyens payés par les étrangers ont augmenté dans toutes les communautés autonomes sauf en Estrémadure (-0,1%). Un trend haussier a été observé sur la Cantabrie (24,1%) et l'Andalousie (16,6%).

Par nationalité, les Britanniques reprennent la première place en tant que groupe réalisant le plus d'achats (11,8% des opérations).

Les étrangers non-résidents ont de nouveau payé des montants plus élevés (2 481 euros- €/m2) que les résidents (1 567 €/m2) et les nationaux (1 503 €/m2).
Les faits réels
Dans le détail, les transactions sur des logements libres par des étrangers a augmenté de 41,9 % sur un an au second semestre. Cette augmentation est fortement conditionnée par les baisses du second semestre 2020, qui reflètent à leur tour les effets de la pandémie de Covid-19, explique la source notariale. En rupture avec le semestre précédent où le poids des opérations réalisées par des étrangers était passé sous la barre des 16 %, celles réalisées par des étrangers au semestre suivant ont représenté 18,6 % du total à l'échelle nationale, en ligne avec la moyenne entre 2012 et 2019 (18,7 %).

En termes de dynamique sur la période susmentionnée, l’instance notariale espagnole relève ainsi que la meilleure évolution des transactions sur les logements a été réalisée par les étrangers non-résidents, soit 63 934 opérations, après la forte baisse enregistrée au premier semestre (-37,3%) et au second semestre (-10,8%) de l'année 2020. De leur côté, les étrangers résidents ont réalisé 54,8 % des achats, en hausse de 27,4 % sur un an. Les 45,2 % restants des opérations provenaient des non-résidents, en hausse de 64,5 %.

Il faut bien comprendre à travers ces statistiques que les Marocains dans leur globalité, c’est-à-dire étrangers résidents et non-résidents, se distribuent dans les deux catégories. De plus, certains Marocains achètent des résidences secondaires en Espagne dans l’espoir d’obtenir une carte de séjour, mais demeurent le plus clair de l’année au pays. Une variable qui est cependant marginale dans la masse totale des statistiques générales, comme on le verra plus bas.

En fait, comme l’indique le document publié par l’instance notariale espagnole, ce sont, au titre des étrangers, les Britanniques - et non les Marocains - qui se hissent en tête des acquéreurs au second semestre 2021.

Par nationalité, le groupe d'étrangers ayant acquis le plus de logements était celui de nationalité britannique, avec 11,8 % du total des opérations (7 560), suivi des Allemands (10,4 %) et des Français (8,3 %). Le groupe de nationalités qui comprend le reste des étrangers de l'extérieur de l'Union européenne représentait 11,4 %.

Les achats et les ventes effectués par les étrangers de toutes nationalités ont augmenté, mais avec plus d'intensité par les Néerlandais (104,1 % sur un an), les Irlandais (99,3 %) et les Allemands (84,9 %).

Autre critère saillant, les prix moyens au mètre carré les plus élevés ont été payés par les acheteurs de Suède (2 752 €/m2), du Danemark (2 750 €/m2), d'Allemagne (2 741 €/m2), des États-Unis (2 601 €/m2) et de Suisse (2 479 € /m2). Les acheteurs de Norvège, des Pays-Bas, de Russie, de France, d'Italie et de Belgique ont également dépassé le prix moyen payé par l'ensemble des étrangers (2 016 €). Les prix les plus bas ont été payés par les Marocains (688 €/m2), les Roumains (990 €/m2) et les Equatoriens (1 087 €/m2).

Les prix qui ont le plus augmenté sont ceux des achats effectués par les Américains (23,4%) suivis des Argentins (19,6%). Seuls les prix payés par les ressortissants chinois (-5,2 %) et russes (-1,6 %) ont baissé.

En filtrant par un critère de résidence et d'autonomie régionale, ce qui permet de réaliser une focale parmi les résidents étrangers et par distribution régionale - un critère qui souligne une forme d’enracinement des populations dans les différents territoires -, les ressortissants marocains et roumains établis en Espagne sont, à eux deux, les principaux acheteurs dans la quasi-totalité du pays, sauf en Galice, dans les archipels et dans la Communauté valencienne, où la part des acheteurs allemands, italiens, portugais ou britannique est plus élevée.

Cependant, les Marocains résidents en Espagne ne tiennent précisément le haut du pavé que dans 6 communautés autonomes sur les 17 que compte le pays (hormis les villes autonomes de Ceuta 'Sebta' et Melilla au statut particulier et n'entrant pas dans ces statistiques), ce qui dénote de la concentration de leur implantation en tant qu’acquéreurs parmi les autres résidents étrangers : Ils sont massivement à 46% en Murcie, 36 % en Navarre, 35% en Estrémadure, 23% à La Rioja (ex-aequo avec les Roumains), 21% en Andalousie et 14% en Catalogne. Ceci-dit, ils demeurent prépondérants, et ce à la seconde place du podium, dans 5 autres régions : 24% en Aragon derrière les Roumains, 22% en Castille-La Manche, encore derrière les Roumains, 17% en Castille et Léon, toujours derrière les Roumains, 11% à Valence, cette fois talonnant les Britanniques, mais au coude à coude avec les Roumains, et enfin au Pays Basque à 10%, là encore derrière les Roumains. Cette tendance roumaine qui surpasse le score des Marocains dans 4 régions est d’ailleurs significative de la qualité des biens acquis si l’on se réfère aux prix moyens par nationalité cités plus haut : les Marocains achètent au plus bas, alors que les Roumains s’offrent un standing quelque peu plus élevé, mais largement en-deca de la moyenne des tarifs consentis par les étrangers.

Il est par ailleurs observé que les Français étaient en tête de la part des transactions chez les étrangers non-résidents dans les deux Castille, l'Aragon, la Catalogne, l'Estrémadure, le Pays basque et la Navarre. Les Allemands étaient les principaux acheteurs dans les archipels (Canaries et Baléares), en Cantabrie et en Galice, les Britanniques en Andalousie, à Murcie et dans la communauté valencienne, les Argentins dans les Asturies et les Américains dans La Rioja et la communauté de Madrid. Ce qui montre bien que pour les résidences secondaires dans les régions les plus attrayantes d’Espagne en termes de villégiature, ce sont bien les ressortissants européens et ceux des Amériques qui demeurent en pole position pour les biens de prestige ou du moins ceux au-dessus du prix moyen national.

D’ailleurs, les Marocains non-résidents n’ont acquis que 89 biens au second semestre 2021 sur les 28 916 deals actés par les étrangers non-résidents avec un prix moyen au m2 de 2 000 €, ce qui les différencie nettement en nombre et valeur de leurs compatriotes établis en Espagne.

Au final, si l’on ne prend que le critère de la nationalité parmi les étrangers ayant acquis un bien immobilier sur une année glissante (du 2nd semestre 2020 au 2nd semestre 2021), le top 4 des statistiques transactionnelles donne les résultats suivants :

Les Britanniques avec 7 560 acquisitions contre 5 865, soit une variation de +28,9 %

Les Allemands avec 6 655 acquisitions contre 3 611, soit une variation de +84,9 %

Les Français avec 5 298 acquisitions contre 3 946, soit une variation de +34,3 %

Les Marocains avec 5 162 acquisitions contre 4 576, soit une variation de + 12,8 %

Les Marocains arrivent en quatrième position des étrangers acquéreurs de biens immobiliers en Espagne au second semestre 2021. Source: Conseil général du notariat espagnol. Infographie: Mohamed Mhannaoui / Le Desk


 
Le verdict
En biaisant les statistiques par un titre trompeur, Le360, bien qu’il se corrige à minima dans le corps de son article, dénature les données fournies par le centre espagnol d'information statistique des notaires qui explore avec davantage de finesse les tendances transactionnelles immobilières dans la péninsule et les archipels.

Le360 a extrapolé dans son titre biaisant les statistiques sur le classement général par nationalité étrangère des acquéreurs de biens immobiliers en Espagne. Montage: Mohamed Mhannaoui / Le Desk


Dire que les « Les Marocains sont les premiers acheteurs étrangers de biens immobiliers en Espagne », présuppose faussement une vague, - voire une « Reconquista » ou un « retour de l’Andalousie musulmane » comme ont écrit par ricochet et excès les commentateurs sur les réseaux sociaux –, ce qui est faux, que ce soit en chiffres, qu’en dynamique.

Des comptes Twitter ont eux aussi commis une erreur d'interprétation des statistiques espagnoles sur le classement des transactions réalisées par des acquéreurs de nationalité marocaine de biens immobiliers en Espagne. Montage: Mohamed Mhannaoui / Le Desk


Encore une fois, l’essentiel de ces acquisitions, qui ne caracolent en tête que dans certaines régions et comparativement aux autres diasporas étrangères, sont le fait des résidents marocains qui se comptent parmi les 879 943 Marocains établis en Espagne au 1er janvier 2022, soit 2 % de plus qu’un an auparavant, selon des chiffres du ministère espagnol de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations, sur un total dénombré d'environ 6 millions d'étrangers.

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