n°700.Trafic d’êtres humains: ce que dit le rapport du Département d’État sur le Maroc
Ce 1er juillet, le Département d'État américain publiait son rapport sur le trafic d'êtres humains. Au total, ce sont pas moins de 180 pays qui sont passés à la loupe de l'équipe d'Antony Blinken. Pour Washington, « la pandémie de Covid-19 a créé un environnement idéal afin que le trafic d'êtres humains se développe à travers le monde ». « Une crise mondiale » selon les propos de Blinken.
« La confluence d’un plus grand nombre d’individus en danger à cause de la pandémie, de la capacité des trafiquants à capitaliser sur des crises multiples, et la réorientation des moyens (gouvernementaux) vers la lutte contre la pandémie a crée à bien des égards un environnement idéal pour que le trafic d’êtres humains prospère et évolue », a souligné Kari Johnstone, directrice du Bureau de surveillance et de lutte contre la traite des personnes, une agence du Département d'État des États-Unis.
Au sein du classement établi par la diplomatie américaine, on retrouve le Maroc classé dans au niveau 2. « Ce classement n'est pas basé sur l'ampleur du problème d'un pays mais sur l'étendue des efforts du gouvernement pour répondre aux normes minimales pour l'élimination de la traite des êtres humains », précise-t-on.
Dans le classement, si le Maroc est positionné au niveau 2, son voisin algérien a par contre été épinglé dans la liste noire des 17 pays ne satisfaisant pas les normes minimales. Aux côtés de l’Algérie, on retrouve : La Guinée-Bissau, la Malaisie, l’Afghanistan, la Birmanie, la Chine, les Comores, la Corée du Nord, Cuba, l’Érythrée, l’Iran, le Nicaragua, la Russie, le Soudan du Sud, la Syrie, le Turkménistan et le Venezuela. Les « cas spéciaux », essentiellement des zones de conflit où le trafic des personnes a atteint des proportions inquiétantes, sont : la Libye, la Somalie et le Yemen.
Le rapport, consulté par Le Desk, s’attarde sur le Maroc, tout au long de quatre pages qui dressent les actions du gouvernement mais aussi les cas de traite d’êtres humains.
Le Maroc maintenu au niveau 2, « des efforts importants » déployés
« Le gouvernement du Maroc ne respecte pas pleinement les normes minimales pour l'élimination de la traite des personnes, mais fait des efforts importants pour y parvenir », affirme d'emblée le rapport. On souligne que le gouvernement a déployé des efforts croissants par rapport à la période précédente, compte tenu de l'impact de la pandémie du Covid-19. Le Maroc reste maintenu de ce fait au niveau 2, analyse-t-on.
Parmi les efforts du Maroc, on cite l'identification et la prise en charge de 441 victimes de la traite, avec la mise en place d'unités d'appui dans chaque branche de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN). On y assiste les femmes victimes de crimes en relation avec la traite de personnes. Parmi les autres efforts du Maroc, la condamnation en de deux casques bleus marocains pour exploitation sexuelle. Ici, on fait référence aux soldats marocains déployés dans des opérations de maintien de la paix des Nations-Unis en République démocratique du Congo et en République Centrafricaine.
« La mise en œuvre d'une initiative en 2019 pour lutter contre la mendicité forcée des enfants » est également citée comme étant une réalisation du gouvernement marocain, comme « le lancement d'un portail en ligne détaillant les informations disponibles pour les victimes de la traite et permettant aux personnes de soumettre des allégations et accusation de traite ».
Trafic d'êtres humains : là où le Maroc a failli
« Cependant le gouvernement n'a pas respecté les normes minimales dans plusieurs domaines-clés », relève le rapport américain. « Les enquêtes, les poursuites et les condamnations pour les affaires de traite ont diminué », note le département d'Antony Blinken. Le gouvernement a, d'après la même source, « déclaré avoir enquêté sur 79 affaires de traite présumées impliquant 138 trafiquants présumés et poursuivis 69 pour l'année de 2020 ».
On reproche également au Maroc « de continuer d’associer la traite à d'autres crimes, comme celui du trafic de migrants ». « L'absence de mesures proactives de dépistage et d'identification a continué de laisser les populations vulnérables telles que les migrants vulnérables à la pénalisation pour les actes illégaux que les trafiquants les ont contraints à commettre », peut-on lire.
Si le rapport américain se félicite de certaines réalisations du Maroc, il ne manque pas de pointer les cas où le Maroc a failli. Surprise : les agissements d'un diplomate marocain en territoire américain sont désignés, relevant que le Maroc n'a pas pris les décisions de sanction appropriées. Il s'agit notamment de l'affaire d'Abdeslam Jaidi que nous avions révélée en 2019. L'ex-Consul général du Maroc à New York était, avec son ex-épouse, officiellement accusés par la justice d'être impliqués dans une sombre affaire de fraude sur la délivrance de visas d'exploitation de travailleurs étrangers (philippins et marocains) aux États-Unis et s'étalant sur une dizaine d'années (2006-2016).
Son ex-femme, qui l'était au moment des faits comme nous l'avions rapporté, avait été arrêtée. Ce qui n'est pas le cas des autres protagonistes : en l’occurrence Abdeslam Jaidi mais aussi le frère de l'ex-femme. « Les autorités américaines ont arrêté l'ex-femme de l'ancien diplomate en mars 2019 les deux autres accusés sont restés en fuite », confirme le rapport du département d'État américain, ajoutant : « pour la troisième année consécutive, le gouvernement n'a déclaré avoir pris aucune mesure pour demander des comptes à l'ancien diplomate ».
« Un mécanisme national d'orientation des victimes » préconisé
Mis en ligne ce 1er juin, le rapport américain émet plusieurs recommandations à l'adresse du Maroc. On citera : « l'adoption et la mise en œuvre de procédures pour l'identification de manière proactive les victimes de la traite, en particulier parmi les migrants en situation irrégulière, auprès des services de protection appropriés ». On recommande par ailleurs de créer et mettre en œuvre « un mécanisme national d'orientation des victimes », en plus de la formation des corps judiciaires et répressifs (sécuritaires) à son application.
Les rédacteurs du rapport appellent également à renforcer les enquêtes, les poursuites et les condamnations des trafiquants en utilisant la loi anti-traite, comme on préconise une sévérité dans les peines de prison imposées. La formation est un élément-clé pour Washington qui insiste dessus, demandant à ce qu'en plus des forces de l'ordre, des séances de formation puissent également concerner les inspecteurs du travail des enfants et le personnel de santé (urgentistes, médecins et infirmiers).
Aux victimes de traite, on recommande de fournir « les services de protection adéquats », mais aussi « un abri, des services psychosociaux, une aide juridique et une assistance pour le rapatriement ». Enfin, des campagnes nationales de sensibilisation devraient être aussi être lancées...
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