NotationFitch Ratings : le coût du risque reste élevé pour les banques marocaines
Dans une note rendue publique ce 6 novembre, l’agence de notation Fitch Ratings a indiqué que la rentabilité des banques marocaines a continué de se redresser fortement au premier semestre 2023 avec un résultat net global atteignant des niveaux records, aidé par des résultats opérationnels positifs.
Des charges de dépréciation élevées ont empêché une amélioration encore plus forte, mais la tendance positive devrait se poursuivre en 2024 en raison de la hausse des taux d’intérêt et de la croissance du portefeuille de prêts, estime la même source.
Le résultat net global des sept plus grandes banques a augmenté de 28 % en glissement annuel au premier semestre, porté par la hausse des revenus, avec des revenus nets d'intérêts en hausse de 7 % alors que les taux débiteurs ont atteint leurs plus hauts niveaux depuis 2017. Les banques panafricaines (Attijariwafa bank, Groupe Banque Centrale Populaire et Bank of Africa) ont connu une augmentation plus forte du revenu net global d’intérêts (11 %), reflétant des hausses de taux d’intérêt plus importantes ailleurs en Afrique, constate Fitch.
« Nous nous attendons à ce que les marges de manœuvre positives perdurent alors que la hausse des taux d’intérêt continue de se répercuter sur les revenus des banques », commente l’agence. Les banques marocaines sont positivement orientées vers la hausse des taux d’intérêt car elles sont largement financées par des dépôts courants et des comptes d’épargne à faible coût (77 % des dépôts du secteur à la fin du troisième trimestre), bien que la réévaluation des actifs soit plus lente que dans de nombreux marchés émergents en raison de maturités relativement longues.
La réduction de l’inflation et les mesures d’économies devraient contribuer à réduire davantage les ratios coûts/revenus. Le ratio moyen des sept plus grandes banques est tombé à environ 45 % au premier semestre, contre environ 50 % en 2022.
Les charges de dépréciation annualisées des banques ont augmenté de 18 % durant la même période par rapport à l’ensemble de l’année 2022, portant le coût du risque annualisé moyen à 110 points de base (pb) des prêts bruts. Cependant, le ratio moyen des prêts « Stage 3 » est resté globalement stable (fin du second semestre : 9,6 %), le ratio moyen des prêts « Stage 2 » n'a augmenté que marginalement (à 8,6 %), et le ratio moyen des charges de dépréciation sur le résultat opérationnel avant dépréciation s'est amélioré, portée par des bénéfices plus élevés. Le ratio était de 31 % au premier semestre, nettement inférieur à celui de 2021 (40 %), mais toujours supérieur à celui d’avant la pandémie (2019 : 24 %).
Cette augmentation des charges de dépréciation est due à la provision pour risque de qualité des actifs résultant d'une inflation élevée, de la hausse des taux d'intérêt et de la modeste croissance du PIB réel au Maroc, analyse Fitch. Les banques panafricaines ont également renforcé leurs provisions pour refléter l’augmentation des risques pays pour certaines de leurs opérations ailleurs en Afrique. Fitch a dégradé la note de plusieurs pays dans lesquels une ou plusieurs banques opèrent au cours du second semestre 2022 au second semestre 2023 : Égypte, Éthiopie, Ghana, Kenya et Tunisie. Certains autres pays où les banques opèrent ont été dégradés par d'autres agences de notation de crédit.
« Nous estimons que les banques panafricaines marocaines ont enregistré environ 1 milliard de dirhams de dépréciations non liées aux prêts au cours du premier semestre 2023 (7 % du total des dépréciations des sept banques), dont une grande partie est probablement liée aux dégradations des notes souveraines », commente l’agence de notation.
« Nous nous attendions auparavant à une normalisation progressive des dépréciations vers les niveaux de 2019 d’ici fin 2023, mais nous pensons désormais que cela prendra plus de temps en raison des incertitudes économiques mondiales accrues et des risques pays plus élevés en Afrique », ajoute la même source.
Fitch s’attend à ce que la croissance du PIB réel du Maroc s’élève en moyenne à 3,3 % en 2024-2025, et que l’inflation et les taux d’intérêt restent supérieurs aux moyennes historiques, ce qui exercera une pression sur la solvabilité des emprunteurs. Une croissance plus faible que prévu dans la zone euro (principal partenaire commercial du Maroc) ou des prix énergétiques et alimentaires toujours élevés pourraient conduire à des prévisions plus négatives, estime-t-on.
Le rendement annualisé moyen des fonds propres moyens (ROAE) des banques s’est amélioré à 10,8 % au premier semestre (2022 : 8,7 %). « Nous prévoyons une nouvelle amélioration en 2024, mais la persistance de charges de dépréciation élevées freinera une reprise plus forte. Nous estimons qu’une normalisation complète des charges pour dépréciation des prêts aux niveaux de 2019 stimulerait considérablement la performance des banques et soutiendrait la constitution de fonds propres », commente Fitch.
Toutefois, le scénario de base élaboré par l’agence de notation prévoit que le coût du risque reste globalement stable à 110 pdb en 2023-2024, compte tenu des risques macroéconomiques mondiaux et régionaux. Le tremblement de terre qui a frappé le Maroc en septembre aura un impact négligeable sur la rentabilité des banques compte tenu de leur exposition très limitée aux régions les plus touchées, conclut la note.
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