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Grand angle

La route des ksour, carrefour des mondes

23.02.2025 à 23 H 07 • Mis à jour le 23.02.2025 à 23 H 24 • Temps de lecture : 38 minutes
Par
PATRIMOINE.
C’est un circuit mythique, emprunté jadis par les caravanes des confins du désert, et qui sillonne montagnes, vallées, gorges, désert et oasis. Aujourd’hui, cette terre authentique et singulière, au cœur de la région du Draâ-Tafilalet, est devenue une ode à la contemplation, à la plénitude et plus que cela, un modèle d’un développement écologique durable. Immersion dans le fabuleux Maroc présaharien

Une terre ocre caverneuse, entêtante, des silhouettes de palmiers culminants sur des mirages verts et des montagnes abruptes comme horizon. La route nationale n° 10 est un concentré de paysages martiens peuplés par des gens à l’humanité profonde. En partant de la ville de Tinghrir en direction de l’Est, vous emprunterez un corridor hors du temps, qui traverse à la fois des vallées arides et un chapelet d’oasis verdoyantes. Au bout du chemin, après avoir franchi villages et bourgades à l’authenticité sincère, tandis que la terre brute reprend ses droits, les portes du désert se dressent comme une frontière de l’espace et du temps.


Au pied des prodigieuses dunes de Merzouga, la route des ksour s’évapore laissant place à un autre monde, celui d’une mer de sable et de cailloux. Une terre sublime mais inhospitalière, qui fait de la vallée des oasis traversée la RN n° 10 un véritable paradis terrestre. Ce circuit, connu dans les guides touristiques comme la « route des 1 000 casbahs » n’est pas une histoire de décompte du fantastique patrimoine architectural et historique de la région. Cette terre est plutôt le symbole d’une symbiose rare entre une population fière de son terroir, de sa culture, de son identité et pleinement consciente de la nécessité de préserver un héritage unique. De nature altruiste, elle vous invite à découvrir la magie de son lieu de vie, enclavé par les massifs montagneux de l’Atlas. Vous comprenez alors que cette terre de confluence est fille du désert, protégée de la montagne, et bénite par les eaux. Un carrefour des mondes, mosaïque de culture et miracle de la nature.


Ombres et lumière jouant à cache-cache dans les ksour de Tinejdad. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Le ksar, un patrimoine vivant

Sur une terrasse d’un gîte du ksar d’El Khorbat, dans la localité de Tinejdad, le petit matin est rythmé par le son d’une serpe qu’active un fellah du champ voisin. Depuis les arbres fruitiers attenants, abondants dans cette ville-oasis, une nuée d’oiseaux jouent le rôle principal de cette symphonie. Pas étonnant lorsque l’on sait que cette région de l’oasis de Ferkla est aussi connue comme la « vallée des oiseaux ». Un site qu’affectionnent les tourterelles, les merles ou encore les faucons crécelles et dont le nom de la ville est peut-être tiré : « dans notre langue amazighe de cette région ‘tingdad’ veut dire lieu des oiseaux. D’un autre côté, le terme ‘tinijda’ signifie qui appartient aux nomades. Les deux versions sont plausibles et correspondent parfaitement à la réalité de notre petite ville ». Rares sont les questions sans réponses de la part de Rachid Bouskri, notre guide local et figure de la région de l’oasis Ferkla, au cœur de la région du Draâ, à quelques dizaines de kilomètres à l’Est de Tinghrir.


Des rues étroites pour une communauté soudée à l’intérieur des ksour présahariens. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Celui qui est aussi un artiste reconnu pour avoir participé à plusieurs expositions à travers le royaume, et qui propose d’ailleurs des ateliers de peinture aux visiteurs, nous presse de commencer la tournée des ksour de Tinejdad : « il y en a tellement qu’il faut y consacrer la journée », explique-t-il. Avant d’explorer les secrets de ces édifices à nul autre pareil, rappelons la différence entre un ksar et une casbah. Rachid Bouskri précise que le premier est « un village fortifié, construit en terre et en pisée et qui abrite plusieurs familles régies par des lois communautaires ancestrales. Ses habitants sont en général d’origines modestes, contrairement à ce que pourrait laisser croire la traduction en langue arabe classique qui signifie château ou palais ». Quant à la casbah : « il s’agit d’un siège de pouvoir, généralement occupé par un personnage puissant comme un caïd ou un pacha. Elle est habitée par la famille du notable et de son personnel. Sa taille varie en fonction de l’importance de son occupant ». De fait, la région abrite bien plus de ksour de que de casbahs, malgré les raccourcis employés généralement dans les brochures touristiques.


Un ksar est d’abord un quartier, encore aujourd’hui peuplé de locaux attachés à leur tradition. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


La visite débute par le ksar d’El Khorbat, l’un des plus anciens de Tinejdad, et certainement celui qui a fait l’objet de la restauration la plus aboutie. Surtout, il abrite sans doute le musée le plus original de la contrée, voulu et conçu par Hmad Ben Amar, un enfant du pays revenu sur ses terres natales pour aider au développement de sa ville en promouvant un tourisme écologique, et respectueux de la tradition de ses ancêtres.


L’entrée du Musée de l’Oasis, un circuit au cœur du ksar d’El Khorbat. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Le Musée de l’Oasis, offre ainsi l’occasion d’explorer les facettes insondables de la culture présaharienne du Maroc. A l’entrée de l’une des ruelles ombragées du ksar El Khorbat, une porte donne accès à une petite cour au bout de laquelle on s’engouffre dans le circuit tortueux et étalé sur plusieurs niveaux, épousant ainsi la structure du ksar. La première salle, éclairée élégamment de la pénombre des murs épais en pisée, est chargée de vous renseigner, cartes à l’appui, sur l’emplacement et les particularités géographiques du site. On y apprend que les oasis présahariennes se situent essentiellement en « fond de vallée », soit le long du corridor qu’emprunte la RN n°10, permettant ainsi à l’eau, qui s’écoule depuis les montagnes alentours, de converger vers les étroites plaines irrigables, soit à travers les oueds soit grâce à l’ingénieux système des 'khettaras'. Ces canaux souterrains artificiels, sont utilisés au Maroc depuis des siècles, et sont ici un élément indispensable à la vie. La suite du parcours muséal, savamment élaboré, nous conduit dans un espace consacré au commerce. Là encore, il s’agit d’un domaine vital pour la région qui a bâti sa réputation historique sur son emplacement stratégique, chemin obligé entre le Sahara et l’antique Sijilmassa, véritable pôle commercial du sud marocain des siècles durant.


Les canaux saguiat longent les remparts des ksour dans les vallées oasis, des femmes y lavent le linge. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Culture ancestrale

Mais les oasis du Draâ ne sont pas seulement le point de passage du plus important circuit commercial de l’Histoire du Maroc. La région, malgré son climat naturellement aride, est fertile grâce aux eaux et neiges de l’Atlas mitoyen. Outre la production traditionnelle de dattes, fruit de l’une des plus grandes régions à oasis de palmiers dans le monde, la vallée de Ferkla a la capacité de produire une foultitude de fruits et légumes, parmi les plus réputés du royaume. Le commerce est donc l’activité principale de la région, mais celle-ci ne s’opère pas tout le temps de la manière conventionnelle que nous connaissons. Le Musée de l’Oasis insiste sur une partie de la population de la région, disparue ailleurs depuis des siècles. Il s’agit des nomades, que vous pouvez encore croiser sur les étendues à proximité, souvent en pâturage en cette saison verdoyante. Notre guide, qui les connait bien, nous explique que la plupart sont aujourd’hui des « semi-nomades, c’est-à-dire qu’ils passent les mois les plus chauds de l’année dans la montagne, où l’herbe est plus verte, et le reste du temps à proximité ou dans les villes et exercent principalement le pastoralisme ». Concernant le commerce, « il est encore courant de voir pratiquer le troc entre eux et les sédentaires ». Et si leur nombre a fortement diminué ces dernières décennies, les groupes de nomades, parmi eux la puissante tribu des Aït Atta, jouaient un rôle essentiel dans le passé, dans les équilibres socio-politiques des vallées oasis.


Après la partie consacrée au commerce, dans laquelle sont exposés divers objets liés à cette activité motrice de l’économie régionale, débute celle de l’artisanat, autre richesse de la culture présaharienne. Les cartels du musée, nombreux et concis, sont rédigés avec soin en arabe, tifinagh, français, anglais « et bientôt en mandarin aussi, nous accueillons de plus en plus de visiteurs chinois, j’ai d’ailleurs commencé à apprendre les rudiments de leur langue », nous dit malicieusement Rachid.


Des objets du quotidien des oasis présahariennes sont exposés dans le Musée d’El Khorbat, à gauche un métier à tisser traditionnel. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Les visiteurs de tous horizons peuvent donc s’informer de l’excellence artisanale de la région, avec comme vitrine les inimitables « tapis berbères », prisés par les amateurs d’art et de beauté partout dans le monde. Le Musée explique le sens, parfois profond, des motifs et des symboles qui ornent ces tapis que continuent à décoder les anthropologues, tant les messages des tisserandes ont traversés les âges.


Costumes de mariage typiques de la communauté juive du Draâ. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Dans la même veine, sont exposés les costumes sublimes et colorées, portées depuis des siècles pour les plus importantes cérémonies. Parmi eux, ceux de la communauté juive, très nombreuse dans les vallées présahariennes jusqu’à la moitié du XXe siècle. Une diversité dont s’enorgueilli notre guide : « c’est l’une de nos richesses les plus précieuses. Notre région est une mosaïque culturelle avec des apports subsahariens, arabes, amazighs et juifs ». Tous partagent le même destin, le plus souvent en communautés élargies à l’intérieur même des ksour.

 

Terre des eaux

Celui d’El Khorbat en est un modèle du genre, mais il est loin d’être le seul à Tinejdad. La visite se poursuit hors des murs épais du village fortifié et nous plonge dans la fraîcheur presque surnaturelle des vergers de l’oasis. Une balade champêtre que Rachid propose de faire à pied, en VTT, ou même à dos d’âne, peut être le meilleur moyen de vivre l’expérience. Notre guide aux multiples talents, dont celui d’animer des ateliers de poterie et même de cuisine, tient à nous sortir de l’ombre des palmiers dattiers pour nous montrer un « prodige de la nature ». A la lisière du ‘jnan’ (jardin), l’implacable rudesse du soleil, même en cette saison fraiche, reprend ses droits.


Une espace large au cœur du ksar d’El Khorbat. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Quelques dizaines de mètres nous séparent encore d’un imposant monticule, où un escalier rudimentaire a été installé. Ce n’est qu’à la moitié de l’ascension que Rachid daigne expliquer de quoi il s’agit : « nous appelons cet endroit ‘Laâouina el aajiba’, soit la source miraculeuse, car de l’eau jaillit au sommet sans que l’on comprenne comment ». En effet, comme un défi lancé à la loi de la gravité, une petite marre d’eau légèrement bulleuse surgit littéralement des entrailles de la terre, au sommet de la colline de quelques dizaines de mètres de haut : « aucun géologue ou hydrologue n’est venu pour expliquer ce que les gens considèrent ici comme un miracle ». Bien que ce phénomène trouve probablement son explication dans les principes physiques liés à la pression et à l'équilibre hydrostatique, la source de Tasblbat, de son vrai nom, participe à l’enchantement d’un lieu qui s’y prête à merveille. Au-delà, il incarne aussi le regard miraculeux que porte les habitants de la vallée sur l’eau, ressource pour laquelle ils ont tant œuvré à travers l’Histoire, incarnée par des monticules de terre que vous pouvez voir tout le long du corridor présaharien, et qui sont la partie visible des ‘khettaras’ souterraines. Ces derniers surgissent de terre, comme des taupinières géantes, point d’accès aux canaux souterrains, et nécessitent un entretien régulier. Sur la RN n°10 en direction de l’Est, quelques cabanes de bord de chemin abritent des guides, spécialisés dans les visites des ‘khettaras’ patrimoine discret, mais ô combien essentiel à la région.


La région abrite l’une des plus grandes oasis de palmiers dattiers du monde. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


L’eau est aussi la vedette d’un autre musée, situé à l’entrée ouest de Tinejdad, bâti autour des sources de Lalla Mimouna, dont il porte le nom. Là encore, le miracle de l’eau surgit à la surface, glorifié par une construction typique de la région encerclé par des murs d’enceintes en terre, et ceinturé d’un bassin à l’eau claire. Retour dans la petite ville aux ksours, qui s’étalent sur les deux flancs de la cité traversée par la route. Rachid les connait tous, et peux vous parler de chacun d’entre eux avec minutie. Il nous apprend que la plupart sont habités à degré variable, en fonction de la vétusté des lieux, mais qu’en général, la moitié des maisons sont occupées et que la gestion collective répond toujours à une organisation ancienne, qui fait toujours ses preuves. Parmi les régulateurs et garants d’une bonne entente communautaire, les ‘zaouias’ (confréries religieuses) jouent aussi un rôle majeur. La plus importante de la région est nichée au cœur d’un verger de Tinejdad. Il s’agit de celle du cheikh Sidi Larbi Ben Abdellah Lhouari, personnage spirituel des oasis présahariennes et dont les références remontent au XVIIIe siècle. Le monument, siège de la zaouia, semble lui aussi avoir traversé les âges et vient légitimer la profondeur historique de l’institution. Ses portes vous sont ouvertes, et vous serez accueilli avec enthousiasme par Rizki Moulay Omar, gardien du temple. A l’intérieur d’une large pièce transformée en musée, le conservateur membre de la zaouia explique avec fierté que sa confrérie «  joue un grand rôle de médiation entre les tribus et dans la sécurité des caravanes qui traversent la région depuis des siècles. Nous avons également conservé des documents relatifs aux correspondances avec les sultans depuis le règne de Moulay Ismaïl (1672 – 1727) jusqu’à aujourd’hui ».


L’Histoire d’un peuple

Rizki poursuit son exposé historique sur la zaouia en nous rappelant, photos à l’appui, que la confrérie « a participé activement aux actes de résistance durant les premières années du Protectorat ». En effet, la région des oasis est un haut lieu de l’histoire de la lutte armée, qui s’est prolongée ici bien plus tard qu’ailleurs au Maroc. La bataille du Jbel Saghro, immense piton rocheux de 2 700 mètres d’altitude, taillé par la nature comme une gigantesque forteresse, à quelques 50 kilomètres au sud de Tinghrir, est le lieu du dernier grand affrontement entre tribus libres et autorités du Protectorat. Il s’est tenu au début de l’année 1933 sous la houlette d’Assou Oubasslam, élu ‘Amghar’ (chef) de tribus confédérées des Aït Atta. Des cavaliers marocains font face aux 80 000 soldats de l’armée coloniale, obligés, au bout de pénibles mois de siège, de recourir à l’usage massif de l’artillerie au dépend des raids de leurs spahis et goumiers. Le siège du Jbel Saghro est brutal et ne s’achève que le 25 mars 1933. C’est la dernière grande bataille de la « Pacification ».


Une ruelle du vieux ksar de Goulmima à moitié couverte. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


La vénérable zaouia est aujourd’hui encore non seulement un témoin de cette histoire, mais aussi un ciment de l’ancestrale et bienveillante vie communautaire des ksours. Leur route se poursuit au-delà de Tinjedad, en direction de la ville de Goulmima, appelée aussi ‘Igoulmimen’ qui veut dire les lacs en tamazight. Un panneau vous indique votre nouvelle destination, distante de seulement 20 kilomètres au nord de Tinejdad, toujours dans le sillage de la RN n° 10. Aussi riche en ksour que sa voisine, Goulmima est également une ville oasis qui compte pas moins de 100 000 palmiers. Au sein de cette forêt de plantes géantes (car le palmier ne fait pas partie de la grande famille des arbres) se cache le plus grand et le plus densément peuplé des villages fortifiés. La visite du Ksar El Qadim est un incontournable du fil de notre circuit.


Carré de ciel bleu depuis le fond d’une ruelle du ksar de Goulmima. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Au bout de l’une des principales rues de la ville de presque 15 000 habitants selon le dernier recensement, une immense place de terre et de gravier fait office de terrain de jeu pour les enfants et les footballeurs du dimanche. En face, une citadelle babylonienne de couleur ocre se dresse comme un défi lancé à la modernité des immeubles sans âme. Ce ksar n’est pas seulement un chef d’œuvre de patrimoine historique entretenu pour le tourisme ou comme décor de film – la région est connue pour abriter les immenses studios de Ouarzazate – mais il s’agit là d’un quartier bien vivant, qui abrite encore plus de 400 habitants.


Des enfants jouent dans les ruelles de leur ksar, Goulmima. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Pendant la contemplation des hautes tours de guet jumelles qui cernent la porte d’entrée du ksar, et qui rappellent la fonction de protection de l’édifice, un homme d’une quarantaine d’années, la peau tannée par le soleil présaharien, demande poliment s’il peut nous renseigner. Youssef Midouane est parfaitement en mesure de faire visiter les lieux, puisqu’il y habite, avec sa famille, depuis des années : « j’aurais pu m’installer ailleurs, dans une petite maison au cœur des vergers, mais je suis trop attaché à mon quartier, mes voisins et à la vie en communauté. Ici pas besoin que nous ayons tous un salaire, nous partageons quasiment tout ». Il nous précise d’abord que le vaste espace en face du ksar n’est pas le terrain vague sans fonction qu’il donne l’impression d’être : « c’est un terrain d’abattage que l’on appelle ‘el baydar’ qui sert également à faire sécher les dattes et les fèves ». En sa précieuse compagnie, il est temps de s’engouffrer dans le plus emblématique des habitats présaharien, patrimoine vivant et musée grandeur nature. Dès le franchissement de la porte principale et de ses deux tours, dont l’une fait office de minaret avec son haut-parleur placé entre deux merlons, comme une bouche édentée au sommet, une vaste cour augure un espace commun.


Youssef Midouane, habitant et protecteur du vieux ksar de Goulmima. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Un destin commun

Alors que les enfants chahutent avec un petit ballon de fortune, Youssef nous montre un carré séparé du reste de l’espace : « ici, c’est l’enclos du taureau reproducteur du village, sacrifié chaque année à l’occasion de la fête de mawlid (célébrant la naissance du Prophète, ndlr) et chaque famille a sa part de viande ». Le reste de la place d’entrée, attenante à la mosquée, systématiquement bâtie aux abords des ksour, est réservée au commerce « surtout avec les nomades, qui viennent ici pour troquer leur sel, carottes, navets contre des dattes, de la poterie, du blé, de l’huile d’olive et d’autres produits de l’oasis. Nous avons l’habitude d’ajuster les quantités troquées en fonction des prix du marché ». Une économie qui peut paraître dépassée ailleurs, mais qui convient parfaitement à la réalité d’un écrin encore préservé de la consommation déraisonnable et de la toute-puissance de l’argent. Une seconde porte, plus basse que la principale, permet d’accéder à la première rue du village fortifié.


Le vieux ksar de Goulmima abrite encore près de 400 habitants. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Une allée qui semble dessinée pour jongler avec les rayons éclatants du soleil, tantôt puits de lumière éblouissants, tantôt ombragée dans un jeu de couleur captivant. Mais les ruelles de ce ksar de trois hectares ne sont pas toutes à l’air libre. Certaines sont entièrement couvertes d’un toit soutenu par des larges poutres en bois. Entre les allées couvertes ou pas, la différence de température est sensible, et prouve surtout l’efficacité d’une architecture « qui garde la fraîcheur au cœur des étés chauds » et qui permet une isolation thermique quand les maisons sont réchauffées, pendant les hivers souvent rigoureux. Intarissable, notre guide est indispensable pour délimiter les zones du quartier, celles où habitait la communauté juive par exemple, ou encore celle spécialisées dans une corporation à l’instar des médinas historiques des villes impériales du Maroc.


L’hospitalité des habitants du Draâ n’est pas une légende, Youssef et son épouse vous invitent à boire le thé. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Agencé en un grand carré urbain de terre et de pisée, le ksar possède des entrées depuis les quatre flancs. « Toutes les portes de la cité citadelle ferment à 22 heures, mais certains restent un peu plus tard pour arroser les ‘jnan’ et ont besoin de dire un mot de passe pour que les gardiens des portes puissent les laisser entrer », nous renseigne Youssef. En journée, les abords des murs d’enceinte sont encore plus animés que l’intérieur. A notre passage, près de l’un des canaux qui irriguent l’oasis, des femmes lavent du linge tandis que le bétail paitre nonchalamment l’herbe abondante en cette saison. Avant de nous séparer, Youssef tient à nous offrir le thé, l’occasion de découvrir l’habitat authentique du ksar et de mieux comprendre le mode de vie de sa population. Après avoir poussé les battants en bois de la porte de chez lui, notre hôte nous montre un curieux objet en bois, forme de spatule avec ce qui ressemble à des clous à son extrémité : « c’est la clé de chez moi, la même utilisée depuis des générations. Il suffit d’emboiter les bouts de métal dans les trous de la serrure prévus à cet effet ».


De très grandes jarres en céramique servent à Youssef pour stocker ses denrées. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Des dizaines de jarres en argile sont alignées dans la pièce d’entrée, dans lesquelles sont stockées dattes « de loin la principale ressource alimentaire pour nous, autant par sa qualité nutritionnelle que pour son effet coupe-faim », du ‘smen’ (beurre rance), de l’huile d’olive ou encore des plantes « aromatiques mais aussi médicinales ». Au bout, une autre porte donne accès à une petite cour, enclos pour les quelques chèvres de Youssef, excitées par notre arrivée et par la tendresse dont il fait preuve à leur égard : « elles ont toutes un nom, et chacune à son petit caractère ». Un petit escalier mène à l’étage, et la principale pièce de la demeure de notre hôte. Des dizaines de tapis, certains au sol, d’autres suspendus aux murs comme autant de tableaux d’art, rendent la chaumière chaleureuse. Une ambiance joviale embellie par le sourire espiègle des enfants qui courent se réfugier auprès de leur mère, affairée dans la cuisine attenante.


Après le rituel du thé, Youssef nous conduit sur le toit par un étroit escalier tournoyant, depuis lequel la vue du ksar révèle toute la splendeur d’un patrimoine architectural que des habitants comme Youssef, également acteur associatif de sa communauté, tient à préserver : « nous sommes pleinement conscients de la préciosité de notre lieu de vie et nous faisons en sorte d’accompagner un développement durable. Aucun pesticide n’est utilisé dans nos jardins et nos palmeraies et nous utilisons des composts naturels comme engrais ». Tout en nous raccompagnant, notre guide et hôte rappelle que la vie dans le ksar est un choix communautaire : « nous partageons le même destin ». Quant à nous, la route se poursuit toujours vers l’Ouest, en direction d’une région reflet d’une partie de l’identité marocaine.


Depuis le toit de chez Youssef, le vaste ksar de Goulmima avec en fond ces deux tours de guet. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Bienvenue dans le Tafilalet, berceau d’origine de la dynastie alaouite, plus ancienne encore au pouvoir dans le monde avec celle des empereurs du Japon. Son jumelage avec celle du Draâ, depuis la nouvelle régionalisation de 2015 n’est surement pas un hasard. Le chapelet des oasis présahariennes et les ksour attenants se poursuit, toujours irriguées par les ‘khettaras’ centenaires, tandis que les massifs montagneux s’affaissent peu à peu dégageant l’horizon. En approchant d’Erfoud, la terre se fait plus brute, la poussière plus dense, le vaste désert signale sa présence imminente. La ville s’érige alors comme l’un des derniers remparts face à l’immensité des plaines arides de l’Ouest. Erfoud est en effet parfaitement équipée en infrastructures hôtelières et en restaurants qui vous promettent le plat régional star, la ‘medfouna’ (l’enfouie). Un nom tiré de la technique de cuisson, celui d’une pâte farcie généralement de viande hachée agrémentées d’oignons et d’autres condiments, enfouie et cuite sous le sable. Une spécialité que les locaux appellent aussi Rissani, du nom de la capitale du Tafilalet et étape incontournable de notre route des ksour.

 

Traces d’un lointain passé

La voie expresse qui relie Erfoud à Rissani ne vous empêchera pas de ralentir à la vue d’un immense squelette de Diplodocus sur le bord de la route. Intrigués, vous vous arrêtez pour comprendre de quoi il s’agit. Un vaste parking, une aire de jeux pour enfants et une devanture sur laquelle est écrit « Tahiri Museum fossil and mineral ». La région attire, en plus des aventuriers du désert, les amateurs de (très) vieilles pierres et traces d’un autre monde.


Reconstitution d’un squelette de dinosaure, sur le bord de la route entre Erfoud et Rissani. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Azzedine Khiyaoui, jeune homme passionné par ces réminiscences du passé, est le conservateur de cette caverne d’Ali Baba d’un genre un peu spécial : « certains collectionneurs viennent du monde entier pour acheter des fossiles. La plupart proviennent d’ici, entre Errachidia et le désert au sud de Merzouga ». L’établissement expose ses merveilles à travers de longs rayons, véritable supermarché de pierres, d’os et de minéraux aux couleurs envoutantes. Classés selon leurs âges, fossiles et ossements invitent à une contorsion mentale pour imaginer ce qu’était le monde d’avant les humains.


Musée des fossiles et des minéraux, près de la ville d’Erfoud. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Certaines pièces, comme les innombrables ammonites, trouvées aux portes du désert, sont la preuve éclatante qu’il y a des millions d’années, toute la zone aride que vous arpentez aujourd’hui était en partie sous l’eau. Pour les non-initiés, les objets les plus impressionnants sont sans doute les ossements de dinosaures, pour qui le Maroc et le Tafilalet en particulier, semblait être une terre d’accueil particulièrement attractive.


Il y a des millions d’années, des tigres à dent de sabre vivaient dans cette région du Maroc. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Après cette plongée dans un passé lointain, le parcours s’achève par une grande boutique, où les pièces sont désormais étiquetées avec leur prix de vente. Mais comment être certain de leur authenticité ? Azzedine Khiyaoui nous rassure : « dans notre établissement, tous les objets sont authentifiés, et la provenance contrôlée et certifiée par les autorités compétentes du ministère de la culture. Nous sommes par ailleurs tenus d’indiquer clairement si les artefacts sont originaux, s’ils ont été retravaillés ou si ce sont des reproductions intégrales ».


Entrée du site de Sijilmassa, momentanément fermé pour cause de fouilles archéologiques en cours. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Nous retournons dans notre temps présent, et reprenons la route vers la capitale régionale, qui nous accueil par une immense porte impériale, passage obligé pour entrer dans le fief des Alaouites. La ville de Rissani, son identité urbaine, et son architecture typique, confirme que nous sommes encore dans le circuit des ksour. Mais avant d’en faire la tournée, il est d’usage de commencer par un hommage. Nul besoin de demander la direction du Mausolée de Moulay Ali Cherif, à chaque rond-point, un panneau se charge de vous l’indiquer. Un immense parking, quelques minibus, et une impressionnante porte en arc sertie d’un zellige (faïence) raffiné, il s’agit bien d’un temple d’une haute importance. C’est celui d’un personnage qui compte dans l’Histoire du Maroc, Moulay Ali Cherif, première figure majeure des chorfas alaouites de l’ancienne Sijilmassa, ville aujourd’hui disparue, mitoyenne de Rissani.


Le Mausolée Moulay Ali Chérif est le monument le plus visité de la ville de Rissani. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


L’émergence de ce chef religieux et politique se concrétise dans les années 1620, dans un contexte global et régional tendu. A Marrakech, le pouvoir de la dynastie saâdienne vit son crépuscule et les mouvements prétendants à la succession s’activent. Dans la région du Tafilalet, une bataille fait rage entre les Alaouites et les partisans de la zaouia de Dila. Ces derniers finissent par céder face à un homme réputé d’une piété infaillible et habile en politique. Descendant du Prophète Mohammed et de Ali son gendre, Moulay Ali Cherif est proclamé émir du Tafilalet en 1631. A sa mort, neuf années plus tard, son fils Moulay Rachid (1667-1672) se charge d’étendre l’influence des Alaouites, que l’on appelle aussi les Filaliens, partout ailleurs au Maroc, jusqu’à la capitale Fès. Son frère cadet, Moulay Ismaïl (1672-1727) assoie définitivement la légitimité de la nouvelle dynastie dont la lignée se poursuit aujourd’hui encore quatre siècles plus tard.


La sublime porte du Mausolée Moulay Ali Chérif, père de la dynastie alaouite. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Le mausolée est d’abord un complexe religieux, parmi les plus respectés du royaume. Le sommet d’un élégant minaret émerge des murailles de l’édifice, qui ouvre sa sublime porte sur un grand jardin en forme de patio. Quatre allées convergent vers le centre, où trône une belle fontaine andalouse à l’ombre des palmiers, piliers d’un jardin rafraichissant. Tout autour, des arcs mauresques sont sertis des traditionnelles tuiles vertes, couleur de l’Islam.


L’élégant patio jardin du Mausolée Moulay Ali Chérif, vestibule de la chambre funéraire du chérif alaouite. Crédit: Le Desk


Au fond, une porte, elle aussi magnifiée d’un zellige impeccable, donne accès au sacro-saint du temple, la tombe du pieux personnage. Tapissée et entièrement sculptée par les meilleurs artisans du pays selon la volonté du roi Hassan II, ordonnateur de la restauration du Mausolée en 1997, la pièce où repose la sépulture est un haut lieu de déférence.


Une allée du Mausolée Moulay Ali Chérif, œuvre des meilleurs artisans du pays appelés pour la restauration du monument en 1997. Crédit: Le Desk


Le temple est depuis des siècles, et son édification à cet endroit par le sultan Mohammed Ben Abdellah (1747-1790), un lieu de pèlerinage réputé pour les guérisons miraculeuses. Il est aujourd’hui le cœur battant de la ville de Rissani, qui doit son existence à une sœur ainée, aujourd’hui enfouie sous le sable, mais jadis, fleuron des cités médiévales marocaines.


La porte Bab El-Mansuriya, vestige de Sijilmassa ou d’un ksar mitoyen ? Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


A quelques mètres à peine des lotissements de l’Est de Rissani, à l’orée de ce qui semble être une terre vierge, une stèle en pierre ocre indique « Site archéologique de Sijilmassa ». Au moment de fouler cette terre glorifiée de l’Histoire, des agents des Forces auxiliaires nous barrent gentiment l’accès : « désolé, mais des fouilles sont en cours, l’accès au site est momentanément restreint ». Un rapide coup de téléphone au directeur de l’INSAP, l’archéologue Abdeljalil Bouzouggar, confirme que les chercheurs sont en mission : « il y a encore tant à faire et à découvrir sur ce site, certainement l’un des plus importants du Maroc. Avec les autorités concernées, un très grand projet est en préparation, nous souhaitons faire de ce lieu une vitrine de la richesse médiévale du royaume ». En attendant l’émergence d’un ambitieux musée qui révèlera en effet la centralité de cette ville disparue, abordons Sijilmassa par sa face nord, là où se trouve son monument le plus emblématique.


La célèbre « Bab El-Mansuriya » figure sur un timbre postal en l’honneur du patrimoine du Tafilalet. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Sijimassa, trésor enfoui

C’est là où se dresse, encore debout, l’une des portes de la ville antique. Appelée Bab al-Mansuriya, elle est devenue l’emblème de Sijilmassa, au point de figurer sur un timbre de Barid-Al Maghrib (la Poste), comme un élément majeur du patrimoine national. Un monument encore discuté par les spécialistes, que certains estiment être la porte d’un ancien ksar du même nom, mais qui aurait été habité au temps où Sijilmassa existait encore. D’ailleurs, comment cette cité, référence des cartes médiévales, décrite par les plus grands explorateurs de son temps comme une merveille à nulle autre égale, s’est-elle évaporée ? Au Xe siècle, la fondation de Fès répond à une logique commerciale implacable, celle d’un axe caravanier qui remonte depuis Sijilmassa.


Victime de la concurrence d’autres circuits commerciaux, Sijilmassa finit par être abandonnée. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Au début du Moyen-Âge, la ville semble donc être le centre urbain le plus actif et le plus important du Maroc. Avant même l’apparition de l’Islam dans la région, le commerce transsaharien la concerne en premier lieu. Bien que la ville -enceintes, palais, souk et jardins- n’est construite qu’au milieu du VIIIe siècle, l’or, l’ivoire et le sel y sont déjà acheminés en abondance. Toutefois, c’est à l’Islam que la ville du Tafilalet doit son formidable essor urbain. Grâce aux puissantes tribus zénètes, converties au kharijisme aux alentours de 740, la cité acquiert le titre prestigieux de seconde ville musulmane du Maghreb après Kairouan. De fait, son attractivité dépasse le cadre économique pour devenir un foyer religieux et savant. Une population urbaine avancée, un commerce qui semble intarissable, une oasis florissante, Sijilmassa possède tous les atouts pour devenir une cité légendaire et intemporelle. Dès la fin du IXe siècle, la cité se dote même d’un atelier de frappe. Les pièces d’or et d’argent marquées de son sceau circulent dans quasiment tout le bassin méditerranéen.


Vestiges de la cité médiévale de Sijilmassa, jadis principal pôle commercial du Maroc. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Ce n’est qu’à la moitié du XIIIe que son déclin commence. Les premiers remous sont à chercher dans le sud du Sahara. Les nouveaux pouvoirs de la région se décalent peu à peu vers l’Est avec la chute du « Ghana ancien » au profit de l’empire Songhaï. Les partenaires commerciaux historiques du Maroc sont évincés, et leurs richesses détournées. La ville est en proie à des pillages réguliers et une première vague de migration est alors entamée. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, les mutations économiques sont accompagnées d’un désastre écologique. Ce même XIIIe siècle est synonyme d’une terrible sécheresse qui frappe le Tafilalet. Malgré un système hydraulique efficace et reconnu, la cité ne résiste pas à une pluviométrie famélique. Dès lors, la sinistre Peste noire sévit dans la région.


Des pans de murailles posés sur le sol rocailleux, héritage encore visible de Sijilmassa. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Les quelques caravanes qui transitent encore par Sijilmassa préfèrent l’éviter. Les récoltes sont insuffisantes et la population souffre de graves famines. L’effet de cette sécheresse est amplifié par une désertification rampante, dont la région fait encore aujourd’hui les frais. En attendant que les spécialistes redonnent vie à la cité d’or marocaine, la route des ksour promet encore des merveilles autour de Rissani. Au cœur de la capitale du Tafilalet, un superbe monument à l’architecture locale, auréolé d’un drapeau national, attire l’attention. Mais ne cherchez pas de stand où se procurer un ticket d’entrée pour la visite, il s’agit là (simplement) d’une administration, antenne du ministère de la culture et de la communication, qui abrite aussi le Centre d’Etudes et de Recherches Alaouites. Son directeur, Hmidane Abderrahmane, nous y attend. Fin connaisseur de la ville et de ses alentours, il nous embarque pour une nouvelle tournée des ksour, les derniers de notre circuit.


Portes du désert

Ici, contrairement aux communes du Draâ, les ksour sont répartis tout autour de la ville. C’est donc à travers des petites routes qui fendent les oasis des portes du désert, que notre spécialiste se transforme en précieux guide. Il nous informe d’emblée que la plupart des ksour datent de l’époque de Moulay Ismaïl, « certains d’entre eux, qui sont en réalité des casbahs, étaient des sièges politiques, habités par des membres de la famille royale, chargés de représenter l’autorité du sultan dans son fief du Tafilalet, pendant que lui était établi dans sa capitale de Meknès ». La première escale est du côté de la casbah Moulay Ahmed Eddahbi, un village fortifié dynamique et qui semble encore densément peuplé. Les murailles d’autres ksour, qui se confondent admirablement avec la couleur claire de la terre, surgissent à intervalle régulier et forme une série impressionnante sur plusieurs kilomètres.


Décor typique des villages présahariens, un ksar, la palmeraie et les reliefs montagneux. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


Ainsi, vous pouvez aisément enchaîner les visites des ksour Chbili, Chekarna, ou encore Ouled Youssef. Ils sont tous irrigués par le dernier confluent de l’Oued Ziz, fleuve majeur de la région qui déboule depuis les hauteurs de l’Atlas et qui suit, sans que cela soit un hasard, le même itinéraire que notre circuit. Un peu à l’écart, un ksar monumental, et complètement vide, se distingue clairement du paysage. Hmidane Abderrahmane lui voue toute son admiration : « vous le voyez encore tel qu’il a été bâti au milieu du XIXe siècle, admirablement conservé ».


L’immense ksar El Fida près de la ville de Rissani, un colosse de terre, le plus grand de la région. Crédit: Le Desk
La vaste cour à l’intérieur du ksar El Fida, assez grande pour accueillir des centaines de cavaliers. Crédit: Le Desk


Le Ksar El Fida est en effet d’une dimension hors normes, « c’est logique, puisqu’il héberge le plus haut représentant du sultan et qu’il sert de résidence à ce dernier lorsqu’il vient dans le Tafilalet », précise notre expert. Doté d’une porte monumentale, ce colosse de terre dont les murailles s’élèvent bien au-delà de celles des autres ksour cache en son sein une immense cour, « preuve de la fonction militaire du site, capable d’accueillir des centaines de cavaliers ».


Les ksour, comme un prolongement de la terre, pour un environnement durable. Crédit: Oussama Rhaleb / Le Desk


C’est par cet édifice hors du commun que s’achève notre tournée des ksour, mais difficile toutefois de résister à la tentation de pousser la route plus au sud, jusqu’à la mythique Merzouga. Jusque-là, le désert manifeste son emprise par une terre aride et rocailleuse, mais les premiers panneaux « Attention ensablement » donnent les prémices d’un spectaculaire changement de décor. En moins d’une heure depuis Rissani se dessine un paysage féérique qui paraît irréel. Le sommet des dunes de sable émergent de l’horizon et nous rapproche du Sahara fantasmé. A l’entrée de la ville, riads et hôtels promettent un séjour d’exception, prisé des amateurs de sports mécaniques, venus parfois de très loin pour surfer, à moto ou en véhicules tout-terrain, sur les dunes de Merzouga. Pour les autres, la contemplation méditative suffit à faire rêver et voyager. Face à l’immensité du désert de sable, comme une tempête déchainée dont les colossales vagues sont restées figées dans le temps, l’irrésistible sensation de liberté l’emporte. C’est là, devant un tel spectacle de la nature, que la pudeur de l’être humain prend le dessus. Au-delà, s’ouvre un nouveau monde, moins accessible, mais qui promet encore d’étonnantes découvertes sur le Maroc et son incroyable diversité. Mais ça, c’est une autre histoire.

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