Une Marocaine et ses enfants otages à Dubaï
Autant le dire d’emblée, l’histoire de Yasmina Flaiou Kouchnir n’est pas celle de ces nombreuses marocaines retenues de force dans des pays du Golfe, passeports confisqués par des employeurs véreux, voire par des réseaux de traite des Blanches.
Cette mère de famille originaire de Rabat est d’ailleurs un beau démenti au cliché que se font les Marocains de leurs compatriotes émigrées chez les hommes en gandourah. Diplômée en criminologie et experte en comportement humain, Yasmina F.K s’est surtout fait connaître dans les médias émiriens pour son travail de réécriture des Mille et une Nuits et de réinterprétation du personnage de Sheherazade, qui sous sa plume devient une figure féministe et expérimentée, « pour tenir la dragée haute face à un roi vindicatif et haineux, pour risquer sa vie toutes les nuits, Sheherazade devait, certes, être intelligente et cultivée, mais elle devait surtout être une femme d’expérience, forte et pleine de courage. Elle n’est indubitablement pas la vierge candide que dépeignent certains auteurs », explique Yasmina. Pour elle, Sheherazade telle que racontée par le mythe est une allégorie du sort des femmes dans le monde musulman, où elles ne peuvent être que vierges à marier ou épouses dévouées. « Les femmes mures et expérimentées n’ont aucune place dans la société orientale, les mères célibataires, les célibattantes ou les divorcées doivent batailler pour défendre leur choix. J’en sais aujourd’hui quelque chose », ajoute-t-elle.
La quarantaine élégante, Yasmina raconte dans un français impeccable sa descente aux enfers à Dubaï, déjà évoquée par Yabiladi en 2016, où elle a suivi il y a 11 ans le père français de ses deux fils, aujourd’hui âgés de 12 et 13 ans : « je n’avais jamais imaginé qu’un jour je me retrouverais dans une situation pareille, alors que j’ai fait des études supérieures et que j’ai toujours milité pour que les femmes soient plus libres, plus indépendantes ».
En 2014, lorsqu’elle a décidé de demander le divorce, elle était loin de se douter qu’elle se retrouverait au cœur d’un scandale médiatico-diplomatique que les autorités consulaires françaises de Dubaï ne cesseront d’essayer d’étouffer. « Cela fait 16 ans que je suis devenue française, et mes enfants, eux, sont français à part entière. Pourtant, la France m’a traitée comme une citoyenne de seconde zone. On m’a sans cesse renvoyée à mon identité franco-marocaine, comme si j’en avais de facto moins de droit qu’une Française de souche. Une employée du consulat de France à Dubaï m’a même suggéré d’aller voir auprès du consulat marocain… », s’indigne-t-elle.
Dans un mail qui lui a été adressé par Berthylde Costille, consule adjointe au consulat de France à Dubaï, celle-ci ferme la porte à toute aide française et lui suggère plutôt d’aller taper à la porte de l’Etat émirien : « (…) Nous n’avons aucun moyen de vous aider en territoire étranger (…) Il est normal que les services sociaux de l’état qui vous accueille vous prennent en charge, tout comme les résidents en France sont pris en charge par nos services nationaux. Un étranger en situation difficile en France n’est pas orienté vers son consulat, qui ne peut intervenir. » Ainsi, pour le consulat de France à Dubaï, la situation précaire de deux enfants français pris en otage par leur père aux Emirats ne diffère guère de celle des ressortissants de pays en guerre ou de régimes autoritaires qui viennent trouver refuge en France.
En droit émirien, lorsque c’est l’épouse qui demande le divorce, elle renonce de facto à son droit de pension. « Ce qui comptait pour moi, c’était de reprendre ma liberté et d’avoir la garde de mes enfants. Je n’ai jamais compté sur mon ex-mari pour m’entretenir, je souhaitais simplement qu’il s’acquitte de ses droits envers nos fils ». Pourtant, l’ex époux de Yasmina, Nicolas Xavier Kouchnir, gagnait bien sa vie et assurait un train confortable à sa famille. Mais ce n’est que bien après le prononcé du divorce, alors qu’il avait quitté le pays avec son passeport et ceux des enfants, que Yasmina découvrira le nom de ses beaux-parents Jacques Kouchnir, décédé en 2011, et Stella Basch, parmi les 15 alsaciens cités dans le scandale des Panama Papers. D’autres recherches lui révèleront que son ex-époux est cité à titre personnel dans la liste des Français impliqués dans cette affaire planétaire de fraude fiscale.
Selon les documents figurant dans les Panama Papers consultés par Le Desk, Nicolas Xavier Kouchnir est actionnaire et bénéficiaire final de Quiltmere Limited, une société immobilière enregistrée en 1998 aux Iles Vierges Britanniques, servant de société écran à des actifs en Suisse. Gérée à Lausanne par Lémanagement Service, une officine d’intermédiation, celle-ci est toujours active. Elle détient, selon nos informations, plusieurs autres sociétés civiles immobilières à Truchtersheim et à Berstett.
Les données fuitées du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca obtenues obtenus par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung et révélées par le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Desk est partenaire, indiquent que Nicolas Xavier Kouchnir, en plus d’avoir hérité des parts parentales dans la société Quiltmere Limited en 2013, dispose aussi d’un compte bancaire ouvert auprès de CBH Compagnie Financière Helvétique à Nassau aux Bahamas. Contactée par Rue89 Strasbourg, Stella Basch avait indiqué avoir vendu toutes ses actions. Elle ne précisait pas cependant que la transaction faite à 1 dollar symbolique était en réalité en faveur de son fils...
Un homme fortuné donc, mais qui a savamment orchestré l’asphyxie financière de son ex-épouse et de ses deux fils qu’il a privés de tout, même d’eau courante et d’électricité.
« Lorsque Nicolas a quitté le territoire émirien avec nos passeports, mes enfants et moi nous sommes retrouvés en situation de parias, dans un no man’s land juridique. Nous ne pouvions légalement ni quitter les Emirats, ni y rester, d’autant qu’il a initié une interdiction de quitter le territoire pour les enfants avant de partir », raconte Yasmina.
« Mon frère est décédé en Belgique l’année du divorce, et je n’ai même pas pu me rendre à son enterrement. Je n’ai pas non plus vu ma mère qui vit à Rabat de sa petite retraite depuis 3 ans. Mon vœux le plus cher aujourd’hui est de pouvoir un jour la serrer dans mes bras », confie Yasmina sur un ton aussi triste que pudique.
Avant de retourner en France où il s’installera à Paris, son ex-époux a pris soin de résilier les visas de résidence de sa femme et ses enfants dont il était le « sponsor » comme l’exige la loi émirienne. Une journée sans visa aux Emirats, ce sont des pénalités qui s’accumulent. Yasmina mettra finalement plus d’une année à récupérer les passeports par la force policière, mais les amendes continueront de courir pour absence de visa. « Je me suis retrouvée avec deux enfants mineurs, qui n’avaient plus de passeport, plus de visa, plus de carte de résidence, plus de couverture médicale, donc plus de possibilité de s’inscrire à l’école. J’ai dû livrer un combat pour qu’ils puissent continuer leur scolarité au lycée français de Dubaï. Ma plus grande angoisse c’était que l’un de mes fils tombe malade, parce que je ne pouvais rien faire d’autre que de l’automédication ». Elle se souvient encore de ce jour où ses deux fils ont attrapé une intoxication alimentaire et où elle a dû les emmener à l’hôpital : « je me disais qu’au pire des cas, je ne payerais pas, et l’hôpital appellerait la police, j’étais prête à tout pour soigner mes fils ».
Dès que la demande de divorce a été déposée en 2014, l’ex-époux de Yasmina a méthodiquement organisé son insolvabilité, tout en la privant des moyens financiers et administratifs de vivre ou de travailler. « Il a commencé par retirer les enfants de leur club de football, puis par arrêter de payer les cours particuliers et toutes les activités extra-scolaires, puis il a vidé les comptes joints, il m’a pris la voiture, les bijoux qui étaient dans le coffre, et même, comble de la mesquinerie, mes sacs à main et mes lunettes de soleil qui avaient un peu de valeur. Ensuite, il a coupé la connexion Internet, le téléphone, l’eau et l’électricité », raconte Yasmina d’une voix indignée.
Dans la loi émirienne, c’est le « sponsor », celui qui possède le contrat de travail d’expatrié, qui est le seul habilité à souscrire à tous ces services. En outre, les femmes, même étrangères, ont besoin de l’autorisation de leur époux et sponsor pour pouvoir signer un contrat de travail. « Cette autorisation, il a évidemment toujours refusé de me la donner », explique-t-elle. « Alors que j’allais faire face à une longue procédure de divorce et à un acharnement judiciaire d’une rare violence de la part de mon époux, je n’avais plus les moyens ni de me déplacer, ni de téléphoner, ni de payer mes frais d’avocat, ni de renouveler les papiers de mon entreprise de coaching, ni même de nourrir mes enfants et de m’acquitter des loyers de notre appartement », raconte-t-elle.
Seule contre toute une famille
Le jugement en première instance au tribunal de Dubaï accordera la garde de ses deux enfants à Yasmina et condamnera leur père à leur verser une pension alimentaire, dont il ne s’acquittera jamais, puisqu’il initiera un pourvoi en appel. Nicolas Xavier Kouchnir plaidera la « folie et la dangerosité » de son ex-épouse pour lui reprendre la garde de ses enfants, appuyé par une attestation médicale fournie par le Dr. Anne-Sophie Basch, une angiologue (spécialiste des veines et des vaisseaux) française qui n’est autre que sa cousine germaine. L’attestation qui affirme que Yasmina F.K est « une personne au comportement pathologique et dangereux nécessitant une prise en charge psychiatrique urgente » a été remise en mains propres à l’ex-époux qui en a fait légaliser une copie auprès de la mairie de Berstett (Alsace) d’où est originaire sa famille maternelle, et ce en violation de la loi française qui exige que tout document médical destiné à être versé à une instruction judiciaire soit d’abord cacheté par l’Ordre des Médecins avant que la Marianne n’y soit apposée.
Le Dr. Basch a été condamnée à une interdiction d’exercer la médecine de 6 mois par l’Ordre des Médecins de l’Ardèche qui s’est joint à la plainte de Yasmina F.K pour fausse attestation médicale, et des poursuites pénales pour faux et usage de faux sont en cours contre les personnes impliquées. Depuis, l’angiologue tente de faire amende honorable auprès de la plaignante, en reconnaissant avoir rédigé cette attestation sous la pression de sa tante Stella Basch et celle de son cousin Nicolas Xavier Kouchnir.
Mais le mal était déjà fait pour Yasmina, puisque la Cour d’appel de Dubaï a cassé le jugement en première instance en la condamnant à suivre son époux en France, sous peine de perdre la garde de ses enfants. « Je suis allée en Cour suprême pour casser ce jugement inique, j’ai dû invalider un à un les faux témoignages qui me salissaient, m’accusaient de tous les maux et qui étaient tous rédigés par des membres de mon ex belle-famille, dont certains que je n’avais jamais rencontrés », se souvient Yasmina. Ces faux témoignages sont notamment fournis par le frère de l’époux, Maxime Kouchnir, et par un certain Gaston Claude que ni Yasmina ni Anne-Sophie Basch n’ont le souvenir d’avoir rencontré.
La Cour suprême de Dubaï a rétabli Yasmina dans ses droits en cassant le jugement de la cour d’appel qui s’appuyait sur ces faux témoignages et en validant définitivement le jugement en première instance qui lui accordait la garde de ses fils sans condition territoriale, ainsi qu’une pension alimentaire d’à peu près 500 euros par enfant, plus la moitié du loyer et les frais de scolarité, le tout à effet rétroactif à compter du jour où la demande de divorce a été déposée. Evidemment, ce montant étonnamment bas pour un homme qui figure sur les Panama Papers a été calculé sur les déclarations de revenus de l’ex-époux qui s’est bien gardé de révéler ses avoir cachés à l’étranger.
Mais plutôt que de payer, Nicolas Xavier Kouchnir a préféré quitter le pays avec les passeports, tout en déposant une demande d’interdiction de quitter le territoire pour ses deux fils sous prétexte que leur mère marocaine pouvait les emmener dans son pays. « Pour lever cette interdiction, je dois initier une procédure judiciaire que je n’ai pas les moyens de financer. Mes fils restent donc contraints à ne pas franchir la frontière », souligne Yasmina.
Aujourd’hui, Nicolas Xavier Kouchnir fait l’objet d’un mandat d’arrêt aux Emirats-Arabes-Unis pour non exécution de décision de justice et abandon de famille. Ill n’a donc pas vu ses fils depuis plus de deux ans. « Pour qu’ils voient leur père, il faudrait qu’ils puissent franchir la frontière, et pour que lui puisse venir les voir, il devra payer les versements accumulés, ce qui semble être hors d’entendement pour lui, alors même qu’il en a largement les moyens », s’indigne Yasmina.
Le piège se referme
Dans le riche émirat flamboyant de Dubaï, les loyers se payent à l’année, et à l’avance. « Pensant que j’allais percevoir le montant de la pension rétroactive auquel mon mari avait été condamné, j’ai signé un chèque sans provisions au propriétaire de l’appartement familial que nous occupions depuis plus de 8 ans. C ‘était soit ça, soit la rue », explique Yasmina. Ainsi, la mère de famille se retrouve avec une épée de Damoclès sur la tête, un chèque impayé menant tout droit à la case prison aux Emirats. « Mon ex-mari avait organisé ma déchéance, il a orchestré un piège administratif où il m’a retenue en otage à Dubaï tout en me privant des moyens d’y vivre, une situation qui ne pouvait que me conduire en prison, et il aurait ainsi pu récupérer la garde de nos deux fils ». Face au désarroi de Yasmina qui a dû taper à toutes les portes pour alerter les autorités émiriennes de sa situation, et à défaut d’être secourue par les autorités françaises, le prince héritier des Emirats, le Cheikh Mohammed Bin Zayed Al Nahyan, lui est en personne venu en aide, en s’acquittant du montant du chèque et en la sauvant in-extrémis de la prison. « La seule aide que j’ai reçue, c’est celle des Emirats. Que ce soit dans les diverses administrations que j’ai sollicitées ou au sein des associations caritatives, c’est toujours là que des mains secourables se sont tendues pour m’aider à surmonter la crise », reconnaît Yasmina.
Aujourd’hui, Yasmina et ses enfants sont en situation de squatteurs dans le même appartement, puisqu’elle ne peut ni s’acquitter des loyers, ni avancer la somme nécessaire pour déménager dans une location moins coûteuse. « Nous ne possédons plus rien de superflu, j’ai tout vendu dans l’appartement, jusqu’à mon lit. Tout ce que je pouvais brader pour pouvoir nourrir mes enfants, je l’ai fait. J’ai même vendu mes vêtements pour une poignée de dirhams dans les marchés aux puces pour pouvoir acheter un steak à mes fils, dont le père est un homme fortuné et un évadé fiscal français », confie-t-elle.
Seule, loin de sa famille, endettée et sans argent, Yasmina a enduré un calvaire pendant de longs mois où elle devait faire preuve de courage et d’ingéniosité pour continuer à faire vivre ses enfants. « Je me réveille chaque matin la boule au ventre, entre une procédure qui court et que je n’ai pas les moyens d’exécuter, des créanciers qui me harcèlent, mes enfants privés de tout, y compris des besoins les plus élémentaires… Je devais me débrouiller pour trouver quelques centaines de dirhams pour affronter le quotidien, sans soutien ni visibilité ».
La France aux abonnés absents
Alerté de la situation des enfants Kouchnir, le consulat français de Dubaï a fourni pour seule réponse à Yasmina qu’il ne pouvait rien pour elle. « Je leur demandais simplement de relayer la situation de mes fils auprès des autorités françaises, mais cela n’a pas été fait ». Face à l’incompréhension, Yasmina revient à la charge, tente de forcer les portes, en vain. « Pourquoi la France protège-t-elle un de ses ressortissants qui fuit une décision de justice, qui prend son ex-femme et ses deux fils en otage et qui leur coupe les vivres avant d’aller s’installer tranquillement en France ? Pourquoi la France ne protège-t-elle pas plutôt des enfants mineurs privés de leurs droits les plus simples, comme le droit de circuler ou d’accéder à une couverture santé ? », se demande Yasmina. « Avant que le prince héritier des Emirats ne me vienne en aide en épongeant le chèque impayé, Berthylde Costille, la consule adjointe s’est contenté de me dire que j’irais sans doute en prison et qu’il fallait que je leur apporte les passeports des enfants avant de me retrouver derrière les barreaux. Quelle mère digne de ce nom accepterait de perdre ses enfants sous prétexte qu’elle ne veut plus partager la vie de leur père ? ».
Lorsqu’elle a tenté d’alerter le service de la protection de l’enfance au Quai d’Orsay, elle n’a pas reçu un meilleur accueil : « M. Pascal Guay que j’ai eu au téléphone avait visiblement déjà été briefé par mon ex-mari, il ne s’en est d’ailleurs pas caché, puisqu’il s’est contenté de me dire qu’il avait entendu « deux sons de cloche », sans proposer quoi que ce soit pour régulariser la situation de mes fils, et n’a cessé de souligner mon identité franco-marocaine, alors qu’aux yeux de l’Etat français je devrais être une Française à part entière », souligne Yasmina.« Il a particulièrement insisté sur le fait que mes enfants étaient « franco-marocains », ce qui est administrativement faux. Il est même allé jusqu’à me rétorquer que mon ex-mari m’avait payé une voiture lorsque je lui ai parlé des difficultés quotidiennes de mes enfants pour se rendre à l’école, ce qui est faux. Et lorsque j’ai abordé la question du logement, il a répondu que mon ex-époux n’était pas tenu de me payer un logement ». Faux aussi, puisque Nicolas Xavier Kouchnir a juridiquement le devoir d’assurer un toit à ses fils, que ce soit en droit émirien ou français.
Yasmina a écrit au président Emmanuel Macron, à la secrétaire d’Etat à l’égalité hommes-femmes Marlène Schiappa, au nouvel ambassadeur de France aux Emirats Ludovic Pouille -ancien numéro 2 de l’ambassade de France au Maroc- à Amal Amélia Lakhrafi, députée des Français à l’étranger, mais ses courriers sont à ce jour restés lettre morte, à l’exception de celui de Mme Lakhrafi qui a interpellé l’ambassadeur Ludovic Pouille à son tour, sans réponse non plus. « J’aurais Ô combien compris que la France fasse bloc pour protéger un de ses ressortissants contre une décision de justice étrangère inique ou qui viole les Droits humains, mais là il s’agit d’un non versement d’une pension alimentaire qui d’ailleurs est bien en deçà des moyens financiers de mon ex mari. La France ferait mieux de s’occuper de l’argent qu’il doit à l’Etat et à ses enfants », s’étonne Yasmina.
Une solidarité inattendue
Alors qu’elle attendait de la France de la soutenir, Yasmina a surtout reçu le soutien de ceux qui n’étaient pas forcés de le faire. Face à la détresse de cette mère de famille et de ses enfants, la Direction des Droits de l’Homme au sein de la police de Dubaï a diligenté une enquête administrative pour vérifier la situation judiciaire de Yasmina et de ses fils, et adressé une lettre officielle au Ministère des Affaires étrangères émirien qui a saisi son homologue français par le biais du consulat de France à Dubaï. Cette lettre est également restée sans réponse. « L’administration émirienne a fait tout ce qu’elle pouvait pour moi, elle a accepté de passer l’éponge sur une grande partie de mon ardoise d’amendes, elle s’est montrée particulièrement flexible sur les irrégularités de ma situation administrative et celle de mes enfants, et m’a dirigée vers toutes les associations qui pouvaient me fournir de l’aide. Aujourd’hui, ce n’est ni le père aisé de mes fils, ni leur famille paternelle fortunée qui les nourrit, mais les coupons alimentaires du croissant rouge ou des fondations caritatives émiriennes », dit-t-elle avec un sourire désabusé.
Depuis 3 ans qu’elle se bat contre le piège tendu par son ex-époux, Yasmina ne tarit plus en anecdotes de débrouille, système D ou solidarité, comme celle de son voisin marocain Azzedine, ancien champion sportif marocain aujourd’hui coach privé d’un Cheikh, qui se plie en quatre pour lui apporter des repas cuisinés et partage avec elle son couscous tous les vendredis. L’esprit intrépide marocain de Yasmina reprend le dessus sur les difficultés, comme lorsqu’il faut mettre de l’essence dans la petite pétoire louée au mois pour déposer ses enfants à l’école. « Mon ex-époux paye les frais de scolarité, mais refuse catégoriquement de payer les frais de transport. Je suis alors condamnée de faire un trajet de près de 2 heures le matin et autant le soir pour aller les chercher. Il m’est arrivé, lorsque je n’avais pas de quoi payer l’essence, de faire le coup du porte-monnaie oublié ». Prise en étau dans une situation où elle doit subvenir aux besoin de ses fils, Yasmina est dans l’impossibilité de trouver un emploi à plein temps tant qu’elle est forcée à voyager deux fois par jour entre le domicile où elle est assignée et le lycée français de Dubaï. « Je demande simplement que la loi soit appliquée, que la France nous rende justice en cessant de protéger mon ex-époux qui fuit ses obligations envers ses fils. Tout ce à quoi j’aspire, c’est d’avoir une vie digne et normale où je pourrais enfin me consacrer à mon travail sans craindre de me retrouver à la rue avec mes fils du jour au lendemain », insiste Yasmina.
Cette histoire est malheureusement le lot de centaines de femmes mariées chaque année aux Emirats, abandonnées par des époux qui les laissent sans papiers, endettées et sans ressources. « Je trouve inadmissible qu’après avoir épousé un homme, l’avoir suivi dans sa carrière et lui avoir donné des enfants, ce sont les femmes qui doivent mettre leur vie et leur carrière de côté pour courir derrière leurs droits », s’insurge Yasmina.
Alors que Yasmina Flaiou livre une bataille quotidienne contre l’illégalité et la précarité, la justice française continue de suivre très lentement son cours, sans qu’elle désespère de se voir un jour réhabilitée dans ses droits contre un époux dont la vengeance contre son ex femme n’a pas épargné ses propres fils.
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