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DisgrâceHakima El Haité, une ministre mise sur la touche ?

03.08.2016 à 19 H 57 • Mis à jour le 20.08.2016 à 13 H 44 • Temps de lecture : 7 minutes
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A quoi joue le gouvernement avec Hakima El Haité ? Les faits s’enchaînent, la ministre chargée de l’Environnement semble être de plus en plus mise à l’écart sur fond de rivalités politiques avec son ministre de tutelle, Abdelkader Amara. Récit d’une disgrâce annoncée.

« Je suis en train de traiter les dossiers de notification déposés par les industriels afin que les importations de déchets reprennent », explique la ministre Hakima El Haité. Une reprise qui n’était pas encore revenue à la normale le 1er août comme l’indiquait Medias24, commençant même à angoisser la Fédération des industries des matériaux de construction qui regroupe douze associations représentant l’ensemble du secteur, dont l’Association professionnelle des cimentiers (APC). Pourtant, le 28 juillet, le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane avait décidé lors du Conseil du gouvernement de lever l’arrêt des importations de déchets. Oui, mais le mot « déchets » avait-il la même signification pour tous ? Deux camps s’affrontent ou plutôt se déchirent. Entre les deux, « des industriels qui ne comprennent plus rien », comme le souffle Mohamed Chaibi, président de l’APC.


« Je ne suis pas imbécile quand même... »

« Lors du Conseil du gouvernement le 14 juillet, le Chef du gouvernement avait pris deux décisions : celle concernant les RDF importés, c’est-à-dire de stopper la marchandise en attendant les conclusions de l’enquête vérifiant la bonne conformité de la procédure, ce qui est tout à fait normal. Et la seconde, c’est l’arrêt des importations de déchets », explique la ministre avant de lâcher : « J’étais au conseil et vous avez lu comme moi le communiqué officiel. Je ne suis pas imbécile quand même, on parlait bien de déchets alors j’ai respecté la décision et maintenant, on vient me reprocher que je bloque l’économie ! »


De l’autre côté du ring, le porte-parole du gouvernement et ministre de la communication, Mustapha Khalfi. « Dès le départ, les deux décisions prises concernaient les RDF, insiste-t-il, comme je l’ai déclaré lors de la conférence de presse tenue à la suite de ce Conseil du gouvernement. » Or, lors de sa déclaration filmée, le ministre parle de « l’arrêt des importations des autres déchets ». Pour lui, cela signifiait « des autres déchets de type RDF, puisque le sujet évoqué était les RDF ». Une évidence selon lui qu’il martèle sans cesse au téléphone pour convaincre. Mais, en fait, y avait-il d’autres importations de RDF prévus ? Non, si on se réfère aux cimentiers puisque Lafarge serait le dernier à faire des tests industriels de co-incinération avec ces fameux RDF…


Une ministre seule

Mais le match ne vient pas de débuter. Loin de là. Officiellement, le gong a sonné dès que le fameux cargo italien transportant 2 500 tonnes de déchets italien a accosté au port de Jorf Lasfar. Une association devait très vite semer le trouble sur le contenu de cette marchandise la qualifiant, dans un communiqué, de « dangereuse et toxique », avant qu’une pétition en ligne n’avance que les déchets étaient originaires de la région Campanie, tristement célèbre pour ses tonnes de déchets enfouis par la mafia napolitaine.


La polémique nait et va prendre de plus en plus d’ampleur, obligeant la ministre chargée de l’Environnement à tenir une conférence de presse le 11 juillet. Face aux journalistes venus nombreux, elle tente pendant plus de deux heures de convaincre en répétant sans cesse que « ces RDF ne sont pas des déchets », les décrivant comme des « combustibles alternatifs ou secondaires ». A ses côtés, l’Association Professionnelle des Cimentiers (APC) qui va dans son sens. Quant aux autres membres de son gouvernement, ils sont aux abonnés absents et ce, depuis le début. Pas un mot de soutien de la part du Chef du gouvernement, ni d’autres ministres n’est venu la conforter dans son action.


El Haité en pleine conférence de presse le 11 juillet 2016 , tentant d'éteindre le feu de la polémique autour de l'importation de 2500 tonnes de déchets italiens au Maroc. DAVID RODRIGUES / LE DESK.


Les jours passent, la polémique ne désenfle pas, tout comme les tensions qui deviennent de plus en plus électriques entre Hakima El Haité et le reste du gouvernement. Comme le décrit L’Economiste du 15 juillet, le Conseil du gouvernement qui s’était tenu le 14 juillet, était très houleux : « Selon un responsable ministériel, "Hakima El Haïte était dans tous ses états". Elle se serait adressée ouvertement au Chef du gouvernement, accusant son parti (PJD) d’avoir orchestré et révélé l’affaire des déchets italiens. Elle aurait même menacé de rendre la pareille à ceux « qui ont tenté ce coup bas », affirmant que son dossier est « solide et qu’elle n’a rien à perdre. » Selon une source gouvernementale, la ministre très en colère, aurait consacré tout un week-end pour vérifier personnellement toutes les pièces de ce dossier. « Tout est conforme », assure cette source.


Une enquête aux mains du ministère de … l’Intérieur

Pour calmer l’opinion publique, une enquête est alors lancée sur l’importation des RDF à la demande d’Hakima El Haité auprès du Chef du gouvernement. Mais la ministre qui a défendu mordicus l’importation des RDF, ne sera pas celle qui la conduira. Le dossier est confié à l’Intérieur. Une initiative qui la privera désormais d’informations. La preuve avec les résultats des analyses sur les échantillons prélevés sur les RDF importés. « Ils sont entre les mains du ministre de l’Intérieur, décrit une source au sein du ministère de l’Environnement. Hakima El Haité n’a même pas pu ouvrir l’enveloppe et lire leurs conclusions. Elle a dû appeler le laboratoire français pour le savoir… » Quel est le message envoyé ? Un désaveu non-dit ?


Les RDF, un prétexte ?

Le plus troublant dans ce dossier, semble le silence d’Abdelkader Amara, titulaire du maroquin de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement, et membre du PJD. Il est le ministre de tutelle d’Hakima El Haité, du Mouvement populaire... Troublant mais pas surprenant, selon nos sources. Car des tensions existent entre les deux politiques. Déjà, en janvier 2015, les deux ministres s’affrontaient indirectement comme le soulignait à l’époque Le360. « El Haite souffre récemment de pressions exercées par le ministre Amara qui fait tout son possible pour entraver les programmes du secteur de l’environnement à travers le blocage des budgets qui leur sont consacrés, l’atermoiement dans le paiement des dus des entreprises contractantes et le retard dans les décisions relatives à des nominations aux postes à responsabilité proposée par la ministre harakie. » Le site d’informations indiquait même que «  El Haite a présenté le budget sectoriel de façon unilatérale à la Chambre des conseillers. Elle a dans ce sens tenu une réunion avec le président de la Chambre des conseillers, Cheikh Biadillah qui lui a programmé une séance à part pour la discussion de son budget séparément du budget du ministère de l’Energie et des Mines présenté par Amara. » La guerre entre eux est-t-elle ouvertement déclarée ?


La ministre chargée de l'Environnement n'a pas assisté au dernier Conseil du gouvernement. Selon une source informelle, elle avait un autre rendez-vous au programme...DAVID RODRIGUES / LE DESK.


Autre signe d’une disgrâce annoncée, c'est le ministre de l'agriculture, Aziz Akhannouch, qui se rendra à Maurice les 1er et 2 septembre, pour parler climat et COP22 lors d'une conférence organisée par la Banque mondiale. « Akhannouch vole ainsi la vedette à la ministre déléguée à l'environnement, Hakima El Haïté, qui représente habituellement le royaume pour promouvoir la conférence onusienne, qui se tiendra à Marrakech en novembre », relevait Maghreb Confidentiel fin juillet. L'événement mauricien, baptisé Ministerial Conference on Ocean Economy and Climate Change in Africa, comptera la présence de plusieurs ministres africains, la ministre française de l'écologie, Ségolène Royal, devrait aussi y assister.


Pour l'heure, la ministre chargée de l'Environnement n'a pas assisté au dernier Conseil du gouvernement. Selon une source informelle, elle avait un autre rendez-vous au programme...

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