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Censure de la presseLe quotidien français Libération interdit au Maroc en raison d’un article sur le cas Naâma Asfari

02.09.2016 à 15 H 23 • Mis à jour le 07.09.2016 à 14 H 17 • Temps de lecture : 3 minutes
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L’édition du 30 août 2016 de Libé n’a pas été distribuée au Maroc sur injonction du ministère de la Communication. Le numéro comportait un article traitant du cas Asfari, un indépendantiste sahraoui condamné à 30 ans de prison pour son implication dans les événements de Gdim Izik.

L’édition du quotidien français Libération datée du 30 août 2016 qui devait être distribuée par la Sochepress au Maroc le lendemain de sa parution comme il est d’usage, n’a jamais été livrée dans les kiosques du royaume. En cause, un article de deux pages (disponible sur internet) consacré à Naâma Asfari, un indépendantiste sahraoui protagoniste de l’affaire Gdim Izik qui a éclaté fin 2010 après la formation d’un campement non loin de Laâyoune destiné à faire valoir des revendications sociales.


Démantèlement du camp de Gdim Izik en novembre 2010. AFP


Selon des sources internes à Sochepress, « des exemplaires du numéro en question ont été soumis à l’appréciation du ministère de la communication qui a ordonné sa non distribution ». Contacté par Le Desk, Mustapha El Khalfi, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement est demeuré injoignable.


L’épouse d’Asfari témoigne

Le démantèlement du camp par les forces de l’ordre avait occasionné 11 morts parmi celles-ci, et 2 civils dans des conditions atroces. Les images filmées par les hélicoptères de la gendarmerie royale ont rendu compte de la violence de certains campeurs, et ont servi de pièces à conviction dans le procès qui s’en est suivi.


Selon l’épouse française d’Asfari, Claude Mangin, 60 ans, militante « chrétienne de gauche », son mari, « enlevé par la police » la veille des événements, n’a pas directement participé aux affrontements. L’article qui lui donne exclusivement la parole raconte ses visites au pénitencier de Salé II, près de Rabat, où Asfari est incarcéré depuis six ans.


Naâma Asfari a été arrêté à Laâyoune le 7 novembre 2010, la veille du démantèlement du camp de Gdeim Izik. Ce camp avait été érigé un mois plus tôt par des milliers de Sahraouis pour protester contre les discriminations économiques et sociales dont ils s’estiment victimes de la part du gouvernement. ACAT


En février 2013, celui-ci est condamné à trente ans de prison - pour association de malfaiteurs, outrage et violences à fonctionnaires publics ainsi qu’homicides volontaires - par un tribunal militaire. Une condamnation vivement contestée par nombre d’ONG internationales, dont Amnesty International qui a jugé le procès « vicié à la base », en raison notamment d’une impossibilité de faire appel du jugement prononcé par une cour militaire.


Un procès rejugé au civil

Un pourvoi en cassation a été déposé en 2013. Plus de trois ans après le verdict rendu par le tribunal militaire de Rabat, qui avait condamné 25 activistes sahraouis, dont Naâma Asfari, à des peines allant de 2 ans de prison à la perpétuité, la Cour de cassation avait rendu fin juillet 2016 sa décision : l’arrêt du tribunal militaire est annulé et un nouveau procès va devoir se tenir, cette fois devant une juridiction civile. La décision s’appuie sur la nouvelle loi régissant la justice militaire, adoptée en 2014, qui exclut désormais le jugement de civils. « Les juges marocains viennent seulement de se prononcer : aucune annulation du verdict n’est prévue mais un nouveau procès pourrait se tenir devant une juridiction civile », commente Claude Mangin dans Libération.


Une plainte suit son cours en France

Le 21 février 2014, Me Joseph Breham, avocat d’Asfari, avait déposé une plainte devant le doyen des juges d’instruction parisiens au nom de Claude Mangin, de son mari et de l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) qui défend son cas, mais aussi ceux d’autres détenus franco-marocains qui accusent les autorités marocaines de faits de torture. Mais la compétence universelle n’est pas retenue.


L’avocat soutient alors dans sa plainte que Claude Mangin est elle-même victime de violences s’appuyant notamment sur une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Encore une fois, le juge d’instruction rend une ordonnance d’irrecevabilité. En appel cependant, la chambre de l’instruction de Paris valide la plainte de Claude Mangin.


Il faudra attendre que la Cour de cassation se prononce en France le 13 septembre. En cas de confirmation de la plainte, « il pourrait s’agir d’un précédent qui permettrait d’ouvrir des procédures contre plusieurs Etats, dont la Syrie », commente Libération avant d’ajouter « pour autant, en cas de procès dans l’affaire Asfari, le box des accusés restera probablement vide : le Maroc n’extrade pas ses ressortissants. »

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