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MigrantsEn plein désert, des réfugiés syriens ballotés entre le Maroc et l’Algérie dans le dénuement le plus total

23.04.2017 à 18 H 11 • Mis à jour le 23.04.2017 à 18 H 21 • Temps de lecture : 8 minutes
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Un drame inhumain se joue dans le no man’s land qui sépare le Maroc et l’Algérie à quelques kilomètres de la ville frontalière de Figuig. Abandonnés dans le désert par l’armée algérienne, le groupe qui compte une cinquantaine de personnes, hommes, femmes et enfants a été refoulé par la police marocaine alors qu’il avait atteint les faubourgs de la cité oasienne

Le ministère des Affaires étrangères a exprimé, samedi 22 avril, à l’ambassadeur d’Algérie à Rabat, « la profonde préoccupation des autorités marocaines, suite à la tentative de 54 ressortissants syriens, entre le 17 et le 19 avril courant, d’entrer illégalement, à partir de l’Algérie, sur le territoire marocain au niveau de la zone frontalière de la ville de Figuig ».

 

Le communiqué, relayé par l’agence officielle MAP, fait part « des témoignages et des photos attestant irréfutablement que ces personnes ont traversé le territoire algérien avant de tenter d’accéder au Maroc ». Il faisait suite à une première sortie la veille du ministère de l'Intérieur au ton similaire.


Un acte délibéré de l'armée algérienne

Il ajoute « qu’en raison des conditions météorologiques actuelles et des distances parcourues, ces personnes ne pouvaient se déplacer à travers le territoire algérien sans être notifiées ou interceptées par les autorités de ce pays ». La presse évoque un acte délibéré des forces de sécurités algériennes qui les ont « acheminés par camion jusqu’à la frontière avec le Maroc ».

 

Selon Rabat, les autorités algériennes ont « autorisé » les Syriens à atteindre la zone frontalière répartis « en plusieurs groupes depuis la nuit du 17 avril » puis les ont « encerclés » pour les forcer à quitter le territoire algérien.


Lire aussi notre Datadesk : Le nombre de réfugiés en forte hausse au Maroc


Les autorités marocaines « dénoncent les comportements inhumains des autorités algériennes à l'encontre de ces immigrants », des « femmes et d'enfants dans une situation très vulnérable », forcés d'effectuer ce périple avec les « contraintes » du relief accidenté et la forte chaleur.


Exténués et privés de toute aide humanitaire, des réfugiés se sont allongés à même le sol où ils ont passé plusieurs nuits à la belle étoile. DR


« L’Algérie doit assumer sa responsabilité politique et morale à l’égard de cette situation », poursuit le communiqué de la diplomatie marocaine, relevant que « le drame humanitaire que vivent ces populations syriennes ne devrait pas constituer un élément de pression ou de chantage dans le cadre de l’agenda bilatéral ».


« Il est immoral et contraire à l’éthique de manipuler la détresse morale et physique de ces personnes, pour semer le trouble au niveau des frontières maroco-algériennes », déplore la même source. « De telles pratiques n’ont pour objectif que de susciter un effet d’appel et générer un flux migratoire massif et incontrôlable vers le Maroc », explique le communiqué.


Si les éléments de contexte décrits par le communiqué sont irréfutables, notamment la libre-circulation de ces réfugiés à travers l’espace territorial algérien, d’autres faits demeurent inexpliqués.


Des femmes enceintes, des enfants sous le soleil ardent

Selon des témoignages dignes de foi recueillis par Le Desk, il s’agirait de deux groupes respectivement de 14 et 41 réfugiés syriens qui sont en ballotage aux frontières algéro-marocaines et ce depuis lundi 17 avril.


« Ils comptent parmi eux des femmes enceintes, des enfants et des personnes âgés souffrant de difficultés motrices », rapporte une source présente sur les lieux. « Ils ont passé quatre nuits en plein désert à la belle étoile et quatre jours sous un soleil ardent en territoire marocain à l’extérieur de Figuig », précise-t-elle.


Mercredi 19 avril, une vingtaine d'entre eux a réussi à s'infiltrer dans le quartier Baghdad, sud de la ville « où la population s'est montrée solidaire et compatissante », poursuit la source. Des sources médiatiques assurent que les autorités locales ont servi des repas aux déplacés.


« Ils sont arrivés depuis la zone dite Taghla, de la route d’Ameslou, celle qui permettait aux Figuiguiens d’accéder à leurs jardins avant que l’Algérie ne confisque ce territoire », relate le site d’information local Figuig News. Les personnes ont été acheminées par l’armée algérienne selon des témoignages recueillis par ce média, « à un kilomètre de la zone tampon entre les deux pays ennemis sur le territoire marocain », précise-t-il.


« Le quartier Baghdad ( …) s’est réveillé sous les cris des femmes et des enfants syriens qui ont pu fuir le camp où on les bloquait côté marocain », relate Figuig News qui fait état de témoignages bouleversants : « Nous n’avons pas besoin de nourriture, nous avons besoin d’un peu de dignité, on nous tabasse », a déclaré une femme deux enfants entre les bras à une figuiguienne qui lui proposait de l’aide. « Pourquoi nous traitent-ils ainsi ? Israël n’aurait pas fait cela pour nous ? », s’est demandé un jeune, la trentaine.


Des réfugiés syriens qui ont pu pénétrer dans Figuig ont imploré les autorités marocaines pour obtenir leur aide. DR


« On nous a battus, pourquoi ? » a affirmé de son côté un jeune au teint blond ? « Nous ne sommes pas terroristes, nous ne sommes pas politiciens, nous ne vous demandons qu’un refuge », a crié haut et fort un vieil homme avancé. « Vive, le roi Mohammed VI ! », criaient des jeunes syriennes à leur arrivée dans la ville.


« Après une heure passée à Figuig, ils ont été reconduits de force dans la zone tampon », certifient cependant des sources locales. Ils y étaient donc depuis mercredi, sans couvertures ni effets de survie, et surtout dans le dénuement le plus total étendus à même le sol ou protégés de simples bâches de plastique.


Abandonnés en plein désert, les réfugiés syriens tentent de se protéger du soleil sous une bâche en plastique. DR


Des photographies prises par sur les lieux montrent que les réfugiés déambulaient bien dans les artères de la ville encadrés par des véhicules de la police. Sur certains clichés, on distingue nettement un fourgon de la police les conduisant à l’extérieur de la ville.


Un fourgon de la police marocaine à l'extérieur de la ville repoussant selon les témoins sur place les réfugiés vers la zone tampon avec l'Algérie. DR


Après un bref moment de répit, « le temps de prendre un café offert par les locaux », ils ont été reconduits en rase campagne par la police marocaine. « L’armée algérienne les y attendait en formant une chaîne humaine armée et motorisée leur barrant la route et tirant en l’air », relate Figuig News, qui ajoute que « derrière eux, les Marocains les empêchaient de retourner au Maroc »


Le sort des réfugiés encore inconnu...

Interrogée au téléphone par l'AFP, une source associative à Figuig, qui a requis l'anonymat, a précisé que les migrants syriens étaient toujours coincés le 22 avril dans un no man's land entre les deux pays, sans accès à de l'eau ni à de la nourriture. Le ministère de l'Intérieur ne précise pas si ces Syriens ont été autorisés à demander l'asile au Maroc.


Un petit groupe de réfugiés syriens ont pu pénétrer dans les faubourgs sud de Figuig où ils ont été interceptés par la police. DR


« Ce n'est pas la première fois que les autorités algériennes procèdent à l'expulsion d'immigrants vers le territoire marocain », a accusé Rabat. Mi-mars, une association marocaine de défense des migrants, le GADEM, avait fait état du sort d'une trentaine de migrants sub-sahariens arrêtés au Maroc puis bloqués dans le no man's land entre les deux pays car refoulés des deux côtés.


Le Maroc a adopté en 2013 une nouvelle politique migratoire et a lancé mi-décembre une deuxième campagne de régularisation d'immigrants clandestins, pour la plupart subsahariens.


Les autorités marocaines insistent régulièrement sur le caractère « humain et généreux » de cette politique, en contraste, selon elles, avec la politique migratoire du voisin et grand rival algérien. Le communiqué des Affaires étrangères insiste d’ailleurs pour dire que « le Maroc assume pleinement, pour sa part, ses responsabilités à l’égard des populations syriennes. L’hôpital militaire installé au camp Al-Zaatari en Jordanie, prodigue quotidiennement des centaines de prestations médicales aux réfugiés syriens. De même, un effort substantiel a été consenti par les Autorités marocaines pour régulariser la situation des milliers de syriens se trouvant sur le territoire marocain. 5 000 personnes ont, ainsi, bénéficié de la première phase de régularisation et plusieurs centaines ont obtenu le statut de réfugiés ».


Lire aussi notre Grand Angle : Au Maroc, les rêves brisés des réfugiés syriens


Le ministère des Affaires étrangères annonce par ailleurs qu’il tiendra des réunions avec des ambassades et Organisations internationales accréditées au Maroc, « afin de les sensibiliser à cette situation et leur expliquer son contexte précis ».

 

Contacté par Le Desk, le ministère des Affaires étrangères n’a pas souhaité commenter la situation au-delà de son communiqué. L'Algérie est demeurée quant à elle totalement silencieuse, rapporte le site TSA.

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