SécuritéL’attaque de Larache: un acte terroriste d’un loup solitaire ?

Si ni les médias, ni les autorités marocaines n’ont qualifié de « terroriste » l’attaque d’un restaurant à Larache le 5 novembre, les témoignages recueillis de sources diverses sur les lieux de l’incident par l’agence espagnole EFE tendent à préciser que l'assaillant, un homme de 36 ans, « n’est pas un déséquilibré mental et qu’il a récemment subi une radicalisation religieuse ».
Lorsque le restaurant Al Juzama situé sur l'avenue centrale Mohammed V, était bondé de touristes étrangers arrivés dans deux bus, l'individu, identifié comme Omar Yibari, a brisé la devanture de l’établissement et a jeté au milieu de la salle une bombonne de gaz qui n'a pas explosé, ainsi que plusieurs bouteilles chargées d'essence que l’assaillant a tenté de faire détonner grâce à une mèche rudimentaire.
« Apparemment, sa nervosité ou son manque de compétence ne lui ont pas permis d’allumer la mèche à l’aide d’un briquet », raconte EFE. Les serveurs du restaurant qui ont compris ses intentions l’ont mis à terre et livré à la police.
Une version officielle qui occulte les motivations de l'assaillant ?
La version officielle affirme que l'individu « avait l'intention de brûler l'établissement », sans mentionner le fait que les clients étaient des étrangers.
À Larache, une ville qui est en dehors des circuits touristiques classiques, le tourisme est rare et est généralement réduit à des groupes qui visitent la cité en provenance de Tanger, généralement pour y passer la journée se limitant à un circuit à travers la médina et à un déjeuner dans l'un des quelques restaurants prêts à les recevoir.
« Une attaque similaire contre un groupe de touristes serait beaucoup plus difficile à Marrakech ou à Rabat, où, en plus de la présence policière, les services de sécurité privés sont communs, mais en ce sens, Larache est ce qu'on pourrait appeler une cible molle », commente EFE.
Au cours des dernières années, il y a eu plusieurs incidents isolés d'attaques sur des touristes au Maroc, toujours présenté comme le travail de certains aliénés, note l’agence : le 4 octobre 2016, un touriste néerlandais et ses deux enfants ont été agressés à l’arme blanche aux abords de la Mosquée Hassan II de Casablanca. L'agresseur avait aussi dans ce cas été présenté comme un « déséquilibré ».
Toujours en octobre 2016, à Fès, un autre touriste hollandais a été poignardé par un individu qui alléguait une motivation sexuelle. Il a été condamné à quatre ans de prison.
Dans tous ces cas et d'autres similaires, la piste terroriste est immédiatement écartée par les autorités, « principalement pour ne pas créer d'inquiétude dans un pays où le tourisme représente environ 12 % du PIB grâce à ses dix millions de visiteurs annuels », avance EFE.
Un individu radicalisé, démuni et influençable
Cependant, « à en juger par le nombre de cellules terroristes démantelées dans le pays (une cinquantaine en deux ans et demi), le risque d'attaques est considérable », poursuit EFE qui souligne que « pratiquement à chaque démantèlement, les autorités affirment que les présumés terroristes avaient pour cible le tourisme.
L’assaillant de Larache, un marchand ambulant divorcé à deux reprises, avait émigré en Espagne avec ses deux frères, puis était retourné au pays. « Il semble répondre plutôt au profil de loup solitaire, celui d'un homme démuni et peu éduquée, facilement influençable », tel que décrit par les sources locales.
En avril 2011, une bombe laissée dans un café de la célèbre place Jemaâ el Fna à Marrakech avait tué dix-sept personnes, dont quatorze étrangers. « Six ans plus tard, quelque chose de semblable aurait pu se produire à Larache : seule l'inexpérience de l'agresseur a empêché son exécution », estime EFE.