ReportageA Casablanca, réfugiés et migrants bénéficient de consultations médicales gratuites
Séverine vient d’entrer par la petite porte de la commune urbaine de Roches noires. Depuis un an, cette Camerounaise qui travaille dans un centre d’appel de Casablanca vit au Maroc, en attente de papiers. Anglophone et francophone, elle a été frappée de plein fouet par la crise qui secoue son pays depuis 2016. Après la mort de deux membres de sa famille, assassinés par des sécessionnistes anglophones, elle prend la décision de tout quitter, en quête d’un endroit où refaire sa vie.
« Je suis passée par la route, c’était le seul moyen, puis je connaissais un peu le chemin vers le Nigéria » dit-elle, tenant dans sa main le papier qui lui a été délivré en arrivant ici, son numéro de passage, « au centre d’appel, nous avons reçu un message pour nous prévenir que l’on pouvait bénéficier de consultations gratuites aujourd’hui, alors je suis venue ». A ses côtés, deux de ses collègues du centre d’appel, Cris, originaire de Côte d’Ivoire et Hervé, du Congo Brazzaville.
« Pas acceptés dans des centres de santé, parce que noirs »
« On a déjà entendu plein d’histoires de noirs qui n’ont pas été acceptés dans des centres de santé ici à Casablanca, parce que noirs » entame Cris, 28 ans, « nous devons généralement aller dans les cliniques privées car là, il faut payer et dans ce cas on peut y accéder ».
Lors d’une conférence organisée la veille par l’association Bank de Solidarité, le docteur Abderrahmane Benmamoun, médecin consultant, dressait également un portrait mitigé de l’accueil de santé pour les réfugiés et migrants au Maroc.
Selon une étude qu’il a réalisée en 2013 aidé de l’un de ses confrères espagnols, un migrant sur deux avait pu consulter un médecin en 2013. Trop peu encore. Pour Cris, le problème est plus large que la santé, « ici c’est pareil pour louer un appartement, si tu es noir, c’est impossible à Tanger, ici à Casablanca le prix sera juste plus cher que si l’appartement était loué par un marocain ».
Une des médecins de l’ONG appelle alors le numéro de Séverine. Sous une tente, elle est accueillie en premier lieu par un médecin généraliste, qui lui pose des questions sur son état de santé, ses problèmes du quotidien. Puis, à l’aune des éléments qu’il obtient, il la redirige alors vers des spécialistes, en l’occurrence les biologistes et le dépistage.
« Ils ont tout cassé (…) un jeune homme, est mort »
Séverine était encore à Tanger il y a quelques mois, mais elle raconte comment un matin, la police est entrée pour arrêter tout le monde, « ils ont tout cassé chez nous, mon voisin, un jeune homme, est mort dans la cohue » détaille-t-elle, se remémorant la scène. Tous ont été menottés puis emmenés dans des bus, qui les ont conduit jusqu’à Tiznit, où elle n’est pas restée longtemps, « maintenant que je suis à Casa et que je suis en formation, c’est beaucoup plus tranquille ».
Garée près du bâtiment, la caravane de l’Association marocaine pour la lutte contre le sida (ALCS) procède aux dépistages des IST et du sida. Aujourd’hui, entre trente et quarante tests ont été offerts aux migrants. Cette association dispose comme celle ci de cinq unités mobiles, habituées à tourner dans tout le Maroc. Au bout d’une quinzaine de minutes, Séverine en sort, sourire aux lèvres : rien à signaler. Le généraliste lui a tout de même prescrit quelques médicaments.
Au centre du hall de la maison de la commune, la pharmacie a été installée. Jean-Marie qui travail depuis plusieurs années à organiser ces journées de consultations, « c’est un travail de groupe avant tout, plusieurs associations se sont réunies et ont permis de mettre ça en place, c’est une réussite ». Pour réunir ces médicaments, « nous avons fait le tour des hôpitaux » ajoute, derrière le comptoir, Jean-Max, pharmacien. Il a principalement distribué aujourd’hui des antalgiques, des antibiotiques et des anti-inflammatoires, « tous les besoins de base en terme médical ».
Chapeau vissé sur la tête, Séverine repart après quelques heures passées ici avec des médicaments et les résultats de ses consultations. Sur les yeux des bénévoles, c’est la satisfaction que l’on lit avant tout. « On a réussi à faire tout ça avec aussi peu de moyens », se félicite pour sa part Jean-Max, rangeant dans les cartons les médicaments restants.
Dans quelques semaines, en décembre, c’est à Rabat puis à Marrakech et Tanger que ces journées auront lieu, organisées toujours par cette association, qui entend bien développer ce programme.
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