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RévélationsLes dessous de l’affaire Ziani, «agent de la DGED», éventés en Espagne

12.06.2019 à 03 H 35 • Mis à jour le 12.06.2019 à 03 H 37 • Temps de lecture : 6 minutes
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Noureddine Ziani, expulsé d’Espagne en 2013 pour « atteinte à la sécurité intérieure », était depuis quatre ans un des principaux protagonistes, comme Abdellah Boussouf, SG du CCME, d’une sombre affaire mêlant espionnage, financements occultes de mosquées et détournements de fonds reçus du Renseignement extérieur marocain. Les conclusions de l’enquête judiciaire explosive menée par un tribunal catalan ont fuité dans la presse...

L’affaire datant de 2015 est sujette à une enquête au long cours diligentée à Barcelone par le tribunal d’Igualada. Ses conclusions, dont certains pans avaient commencé à fuiter depuis quelques mois, viennent d’être éventées par le quotidien madrilène El Mundo qui, dans son édition du 11 juin, en dévoile l'essentiel des replis.


Il s'agit, à la manière d'un mauvais thriller, de détournement de fonds alloués par le Maroc à la gestion de lieux de culte musulmans en Catalogne dont certains protagonistes ont été identifiés par l’Espagne comme faisant partie du vaste réseau d’espions relevant de la DGED, le service de contre-espionnage dirigé par Yassine Mansouri et dont certaines activités ont été décrites dans un ouvrage récemment publié par un informateur du CNI, le service secret espagnol.


Yassine Mansouri, chef des services de renseignement extérieurs (DGED). AIC PRESS


A l'origine, un audit financier aux conclusions alarmantes

Tout débute donc il y a quatre ans lorsque la direction rénovée de l’Union des centres culturels islamiques de Catalogne (UCCIC), fondée en 2010 par Noureddine Ziani, ancien dirigeant d’une association salafiste à Vilanova del Camí depuis 1999, expulsé d’Espagne en 2013 suite à des accusations « d’entrisme et de mise en danger de la sécurité intérieure espagnole » pour le compte de la DGED, diligente un audit de ses comptes, notamment pour tracer la destination des fonds reçus de Rabat. Le constat de l’UCCIC est si alarmant que son nouveau président, Mimoun Jalich, enclenche après quelques mois d’épluchage des livres de comptabilité de l’association (de 2012 à 2015), une procédure judiciaire dénonçant une « fraude caractérisée sur les subventions », l’argent « n'ayant pas été utilisé pour les objectifs fixés dans leurs statuts ».

 

En ligne de mire, Ziani lui-même et son épouse Atiqa Bouhouria Meliani appelés à comparaître d’abord pour être au centre d’un dispositif élaboré depuis le Maroc autour d’un réseau d’agences de voyage plus ou moins fictives destinées à servir de couverture à des transferts de fonds occultes vers l’Espagne.


Atiqa Bouhouria (épouse de Ziani), Naziha El Montaser (épouse du secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger) et Naima Lamalmi (épouse du chef de la DGED à Rabat). EL MUNDO


La lessiveuse sur laquelle la justice espagnole enquête a été mise en place, côté espagnol en 2013 par la création d’Aya Travel Tours par Atiqa Bouhouria et deux comparses : Naima Lamalmi, détentrice d’une clinique dentaire au Maroc et Naziha El Montaser, enseignante. Les enquêteurs découvriront assez rapidement que la première est mariée à Mohamed Belahrech, un référent de la DGED qui pilote la dissémination des agents marocains dans les mosquées en Europe et notamment auprès des imams installés en Espagne , et que la seconde n’est autre que l’épouse d'Abdellah Boussouf, secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), chargé quant à lui de gérer les flux financiers vers les contacts recrutés par la DGED au sein des cercles des marocains résidents à l’étranger.


« Ils ont vécu comme des rois avec l'argent du Maroc... »

Les complices ont vécu « comme des rois avec l'argent que le Maroc envoie en Espagne pour prévenir le jihadisme », commente El Mundo qui énumère les sommes faramineuses détournées : les trois femmes ont reçu sur leurs comptes personnels près de 240 000 euros de 2011 à 2013, sans aucun justificatif probant…D’autres comptes ouverts auprès de diverses banques ont montré des soldes créditeurs dépassant le million d’euros, sans compter des chèques forgés pour capter des fonds destinés à des mosquées et des retraits espèces sur guichets automatiques effectués sans aucune précaution pour couvrir l’escroquerie massive… « Ils ont tout fait d'une manière très maladroite, ils se croyaient impunis ».


Abdellah Boufous, SG du CCME. DR


Point focal de l’investigation judiciaire : Ziani, Belahrech et Boussouf sont tous trois associés à Rabat dans Elysée Travels, une agence de tourisme (aujourd'hui inactive) placée en amont d’une mécanique tournant à plein régime pour « détourner et blanchir » l’argent octroyé par les services marocains, assure l’accusation. Preuve en est la quantité de virements transférés sur les comptes personnels du couple Ziani et d’autres ordonnés sur celui de Aya Travel Tours.


El Mundo lie cette affaire à l’historique des financements occultes dont bénéficient depuis des années mosquées à la solde de Rabat et agents secrets missionnés en terre ibérique. Le quotidien madrilène déterre ainsi le cas de Mustapha El Mouahidi, officier de la DGED sous couverture consulaire à Barcelone, qui jusqu'en 2009, date de son retour au Maroc, a mis en place un toile d’informateurs en Catalogne et dans d’autres régions espagnoles, dont Ziani qui avait en charge de coordonner l’action propagandiste de 70 mosquées dans la région de Barcelone.


La mission de Ziani lui aurait ainsi permis de disposer de plus de 2 millions d’euros perçus des fonds du ministère des Habous et des Affaires islamiques, dont l’essentiel aurait été détourné sur ses comptes personnels, ainsi que ceux de son épouse. Une partie de cet argent, révèle l’enquête, a aussi servi à arroser d’autres officines religieuses et certains de leurs indics payés cash pour de menus services de surveillance et de cafardage. L’enquête égrène leurs noms, et on y retrouve un politique encarté à l’USFP vivant à Melilla et un temps chargé d'une médiation pour tenter d'étouffer l'affaire, selon nos sources, ou un autre proche des indépendantistes catalans…


A l’origine du démantèlement du réseau Ziani, Mimoun Jalfi, aurait été pressé par Mohamed Belahrech, toujours selon l’investigation du tribunal d’Igualada, à retirer sa plainte aux conséquences pour le moins néfastes pour toute l’architecture mise en place par la DGED. S’il a en effet cédé dans ce sens, l’action de la justice espagnole ne s’est pas éteinte pour autant, et a fini par fuiter dans El Mundo, journal réputé pour son tropisme envers le Parti populaire, lui-même historiquement peu amène à l’endroit du Maroc…


Ce qui aujourd’hui est évidemment interprété par certains comme une machination de la droite espagnole contre les intérêts du Maroc, comme le clame à cors et à cris Boussouf ou Belahrach dans leurs déclarations à El Mundo et Yabiladi. Le site Nador City, lié à la famille de Naziha El Montaser et réputé proche du CCME a déjà pris les devants pour dénoncer un complot ourdi par l'Espagne...


Lire aussi dans la même veine : La DGED manipulée par ses propres relais médiatiques ?

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