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PropagandeDes centaines de faux comptes servant de relais à Chouf TV supprimés par Facebook

04.03.2021 à 11 H 16 • Mis à jour le 04.03.2021 à 13 H 38 • Temps de lecture : 8 minutes
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Dans son dernier rapport de février 2021 sur les violations de son « règlement en matière de comportement inauthentique coordonné (CIC) », Facebook rapporte avoir supprimé des centaines de faux comptes marocains de sa plateforme et des dizaines d’Instagram. Leurs utilisateurs s’en servaient pour relayer en masse des contenus « pro-gouvernement » diffusés notamment par Chouf TV

Le Maroc est concerné par la suppression de 385 comptes sur Facebook, six pages et 40 comptes Instagram, révèle le réseau social Facebook dans son rapport de février 2021 pointant les violations de son « règlement en matière de comportement inauthentique coordonné (CIC) ». (an anglais Coordinated Inauthentic Behaviour).


Dans une vidéo publiée sur le blog de Facebook, Nathaniel Gleicher, chef de la politique de cyber-sécurité du réseau social, explique que « l’on parle de comportement inauthentique coordonné quand des groupes de pages ou de personnes travaillent ensemble pour tromper les autres sur ce qu’ils sont ou ce qu’ils font ».


« Les personnes derrière ce réseau utilisaient de faux comptes – dont certains avaient déjà été détectés et désactivés par nos systèmes automatisés – pour publier en même temps sur plusieurs groupes afin de rendre leur contenu plus populaire qu’il ne l’était », souligne Facebook. Le réseau social ajoute qu’« ils ont fréquemment utilisé ces comptes  pour commenter sur des articles pro-gouvernement sur plusieurs médias dont Chouf TV ».


Dans son rapport, Facebook fournit des détails supplémentaires quant à l’activité reprochée à ce réseau, en affirmant que « les personnes derrière cette activité ont posté des memes et d’autres contenus principalement en arabe et en français concernant l’actualité au Maroc, y compris des éloges à la gestion de la pandémie de coronavirus par le gouvernement, ses initiatives diplomatiques, les forces de l’ordre marocaines, le roi Mohammed VI et le directeur de la Direction générale de la surveillance du territoire. Ils ont également fréquemment publié des critiques envers l’opposition au roi, les organisations de droits de l’Homme et les dissidents ».



Les auteurs du rapport révèlent avoir « découvert ce réseau après avoir étudié des renseignements sur une petite portion de cette activité dans la région fournie par Amnesty International ». Selon la même source, environ 150 000 comptes étaient abonnés à une ou plusieurs de ces six pages supprimées, et à peu près 2 500 personnes suivaient un ou plusieurs de ces 40 comptes Instagram.


Chouf TV en ligne de mire…

En ligne de mire donc du réseau social, l’activité du média numérique Chouf TV fondé par Driss Chahtane, par ailleurs également à la tête de l’hebdomadaire Al Michaâl. Depuis plus d’un an et demi, Chouf TV s’est distingué, à l’instar d’autres médias similaires, en s’en prenant de manière régulière à des activistes et militants des droits humains, des voix dissidentes au pouvoir et certains journalistes souvent pris pour cibles alors que des procédures judiciaires ont été engagées contre eux.


Driss Chatane, patron de Chouf TV


Dans une chronique tenue de manière hebdomadaire par le patron du média, sous le pseudonyme de « Abou Wail Al Arrifi » (référence faite à son fils et à ses origines), Chouf TV se présente comme étant le porte-voix d'un ultra-nationalisme débridé : question du Sahara, rapports avec l’Algérie, ou encore et surtout attaques particulièrement agressives et répétées contre des figures publiques réputées pour être critiques à l’endroit du pouvoir : les journalistes Omar Radi et Soulaiman Raissouni, les activistes Fouad Abdelmoumni et Maâti Monjib, l’avocat Mohamed Ziane, entre autres. Aujourd'hui, Radi, Raissouni et Monjib sont derrière les barreaux dans diverses affaires pour des accusations variées (sécurité nationale, viol, blanchiment d’argent…) tandis que Abdelmoumni et Ziane sont victimes de revenge porn, le premier ayant indiqué par voie de presse avoir fait l’objet d’un chantage sexuel après avoir été filmé dans son intimité et le second a vu des images de lui dénudé rendues publiques.

 

Dans toutes ces affaires, Chouf TV est associé par la publication d’informations confidentielles, de vidéos ou d’images intimes ou encore sur le sort qui sera réservé par la justice aux personnes visées. Le chronique de « Abou Wail Al Riffi » trouve de plus souvent écho auprès d’autres médias semi-officiels, à l’image du groupe de Ahmed Charai ou encore du 360  dirigé par Aziz Daki.


Afin d’asseoir la légitimité de chacune de ses chroniques, Driss Chahtane n’hésite pas à rappeler l’audience de ses précédentes, plus 30 millions de vues, revendique-t-il. C'est le cas par exemple de cette dernière chronique publiée à la fin du mois de février, où il est précisé que plus de 10 millions de personnes ont lu la précédente tribune, qu'elle a reçue 13 900 likes et 13 000 commentaires. Systématiquement et dès publication de la chronique, des commentaires vantant le chroniqueur, les appareils sécuritaires et leurs chefs, ou s'en prenant directement aux cibles des critiques du chroniqueur, les accusant de trahison ou de haine contre leur pays font florès sur Facebook.


Des campagnes de diffamation déjà dénoncées par les principales organisations internationales de défense des droits humains, à l'image de Human Rights Watch ou encore Amnesty International. Au Maroc, 110 journalistes s'étaient par ailleurs unis pour signer une lettre adressée aux autorités du pays et dénonçant les médias de diffamation. 


Le Maroc plusieurs fois cité par les rapports Facebook

Dans son rapport pour décembre 2020 rendu public début janvier dernier, Facebook avait annoncé avoir supprimé 255 comptes, 93 pages, 17 groupes et 60 comptes Instagram pour leur implication dans « un comportement inauthentique coordonné par un gouvernement étranger ». Ce réseau apparu au Maroc « ciblait le Maroc et l’Algérie », indique-t-on. D’après les auteurs du rapport, « certains de ces faux comptes ont opéré des changements de noms significatifs, dont des commutations entre des noms masculins et féminins ».


Mieux, l’une des pages supprimées s’était faite passer pour une page régionale du Huffington Post, sous le titre « Huffpost Taounatepress ». Cette dernière avait par exemple publié le 25 novembre dernier un message selon lequel « les Émirats arabes unis ont interdit l’entrée sur son territoire aux citoyens algériens car lors des dernières années plusieurs terroristes sont venus d’Algérie, et le gouvernement est incapable de contrôler les groupes terroristes dans les profondeurs du désert algérien ». Ce texte était accompagné d’une photo d’une rencontre entre les ministres algérien et émirati des Affaires étrangères, Abdullah Ben Zayed et Sabri Boukadoum.


Les méthodes utilisées sont les mêmes que pour le réseau démantelé en février : publications en arabe et en français sur les thèmes d’actualité de la région, commentaires soutenant le roi du Maroc et ses services de sécurité, mais aussi les protestations en Algérie, les progrès du Maroc dans lutte contre la pandémie et le développement du vaccin. « Ils critiquaient également les journalistes indépendants, Amnesty International et sa couverture des abus des droits de l’Homme au Maroc, les protestations au Maroc, le parti de la Justice et du développement, le gouvernement algérien, le Front Polisario et ses revendications sur le Sahara », renchérit Facebook.


Le volume « saisi » par le réseau social est assez conséquent : environ 1,7 million de comptes suivaient une ou plusieurs de ces pages et au moins un groupe comptait 11 000 adhérents. Facebook révèle aussi qu’autour de 19 000 dollars (170 000 dirhams) ont été dépensés en promotion des publications sur Facebook et Instagram, réglés en devise (dollars américains).


Deux mois plus tôt, ce sont 31 comptes Facebook, 25 pages et deux comptes Instagram qui ont été supprimés pour le même motif, dans le cadre du démantèlement d’« un réseau opéré par des individus en Égypte, en Turquie et au Maroc et ciblant l’Égypte, la Libye, la Tunisie, le Yémen, la Somalie et l’Arabie Saoudite ». Concrètement, « les personnes derrière cette activité publiaient essentiellement en Arabe des éloges au Qatar et la Turquie, des critiques envers l’Arabie Saoudite, les Emirats, le gouvernement égyptien, la présence saoudienne et émiratie au Yémen et les actions émiraties en Tunisie »fait savoir Facebook, qui révèle avoir pu trouver « des liens impliquant des individus associés aux Frères Musulmans ».

 

Une boîte de « marketing digital » basée à Rabat identifiée

Dans leur rapport sur le mois de décembre 2020, les spécialistes de Facebook affirment avoir établi « des liens » entre au moins un cluster de ce réseau et Qualitia Systems, « une firme de marketing établie au Maroc, également connue sous le nom de Marketing Digital Maroc », et ce « malgré les tentatives des personnes derrière cette activité de dissimuler leurs identités et leur coordination ».


Statuts de Qualitia Systems

 

D’après nos recherches, cette société a été créée en septembre 2015 à Rabat avant d’être liquidée en février 2018. Les statuts de la société obtenus par Le Desk montrent qu’elle avait pour objet social « éditeur de logiciel », « ingénierie informatique  », « étude et conseil informatique », ou encore « commercialisation du matériel informatique », « installation réseau » et « audit des systèmes d’information ».


Extrait des statuts de Qualitia Systems

 

L’un de ses fondateurs et actionnaire principal, Abdelaziz Belakbir, se présente sur un annuaire de professionnels comme compétent dans les domaines de « l’étude, conception informatique, la maintenance, la gestion de projet », avec comme expérience professionnelle « l’étude et la réalisation de grands projets pour le secteur public et privé avec un portfolio riche ». Fait troublant, il ne demeure que très peu de traces de cette société, de ses activités et de son promoteur sur Internet…

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