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AbusQuand la solidarité des Marocains pour les sinistrés devient une terre fertile pour la spéculation

14.09.2023 à 22 H 40 • Mis à jour le 15.09.2023 à 13 H 27 • Temps de lecture : 6 minutes
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La mobilisation massive des Marocains pour venir en aide aux populations touchées par le séisme dévastateur d'Al Haouz s’est accompagnée d’une prolifération des pratiques « non-éthiques » de certains fournisseurs et distributeurs de denrées de première nécessité et de matériels de survie. Des associations de défense des droits des consommateurs appellent à une action de l’Etat

Le pays compte toujours ses morts suite au séisme d’Al Haouz, alors que nombre de citoyens et d’acteurs associatifs s’organisent pour venir en aide aux populations sinistrées. Cependant, cette solidarité populaire en temps de crise s’est avérée une terre fertile pour les pratiques de certains fournisseurs et distributeurs de denrées de première nécessité et de matériels de survie, dont l’esprit mercantiliste prévaut contre toute empathie.


La mobilisation en masse pour acheminer de l’aide vers les populations des zones touchées par le séisme a tiré vers le haut la demande sur certains produits de première nécessité. Or, face à la catastrophe naturelle, au lieu de soutenir l’effort national au profit de ces victimes, certains producteurs, distributeurs et  ont choisi d’appliquer la loi du marché. Résultat direct : une flambée des prix de ces produits.


Des prix qui ont « quasiment doublé »

Associations et particuliers se sont retrouvés face à une situation « déplorable », alors que les prix de certains produits ont continué d’augmenter au cours des derniers jours. « Nous avons reçu plusieurs réclamations concernant des augmentations de prix injustifiées, voire non éthiques  », dénoncent d’un ton uni Ouadie Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC) et Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine président de la fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC).


Des denrées de première nécessité destinées aux sinistrés. Crédit: Le Desk


Les réclamations, remontées notamment par des acteurs associatifs, mais également par des citoyens voulant contribuer aux efforts de soutien aux victimes du séisme d’Al Haouz, ont concerné plusieurs régions du royaume, même celles loin des zones touchées. En plus de Marrakech, nos deux interlocuteurs citent Rabat ou encore El Jadida.

 

Ce qui est encore plus « choquant », d’après eux, est que ces hausses des prix concernent principalement des produits de première nécessité, « dont ceux alimentaires, mais également d’autres comme le lait en poudre ou encore les couches pour bébés  », précise Kherrati, notant que d’après les données dont dispose son organisation, certains prix « ont quasiment doublé  ».


Un autre produit ayant connu la hausse de prix la plus fulgurante sont les tentes, ajoute pour sa part Madih. « Le prix d’une tente de 5m x 5m, vendue en temps normaux à 2 500 voire 3 000 dirhams est passé à 5 000 dirhams actuellement », s’indigne aussi le président de la FNAC. Cette augmentation des prix, note notre source, a été constatée au niveau de certains fabricants eux-même.


« S’enrichir au détriment des populations sinistrées »

Bien que a hausse des prix soit un phénomène courant dans certaines situations de crise favorisant la prolifération des pratiques portant atteinte aux droits des consommateurs, les abus constatés ces derniers temps font preuve pour le moindre de « manque d’humanisme ». Au-delà des droits des consommateurs, cette spéculation, alerte Madih, ne fait « que rajouter à la souffrance des victimes du séisme  ».


Le préjudice de ces manœuvres, s’inquiète encore le président de la FNAC, risque de se traduire par une baisse des quantités et volumes des aides acheminées aux zones sinistrées. « Si elle se pérennise et se généralise, cette augmentation des prix limitera la capacité des gens à aider ces victimes. Dans plusieurs cas, les citoyens, dont les moyens restent limités, seront obligés de diminuer les quantités achetées, et donc au lieu d’aider deux familles, le même budget ne permettra d’en subvenir qu’aux besoins d’une seule », en déduit-il.


Même son de cloche auprès de Kherrati qui regrette que « ce sont les victimes du séisme qui seront pénalisées ». Bien que dans un marché libéral les prix peuvent parfois fluctuer de manière inattendue, selon la loi de l’offre et de la demande, le président de la FMDC insiste qu’« il est illogique qu’on voit un produit doubler son prix du jour au lendemain, alors qu’il s’agit d’une hausse de la demande, on le sait très bien, induite par la mobilisation des citoyens pour aider leurs frères et sœurs sinistrés par le tremblement de terre ».


Des denrées alimentaires destinées aux populations touchées par le séisme. Crédit : DR

  

Contrer les pratiques « non-éthiques »

Les considérations éthiques, s’avère-t-il, ne sont pas suffisantes pour freiner l’avidité de certains, même dans un contexte de catastrophe naturelle. Le législateur l’avait d’ailleurs prédit, en mettant en place des dispositions réglementaires « claires », visant à contrer ce genre de pratiques, soulignent les deux défenseurs des droits des consommateurs.


Certes, le marché marocain étant un marché libéral, les prix sont fixés par les producteurs et distributeurs eux-mêmes, en fonction de la situation du marché. Néanmoins, dans une situation de crise ou de catastrophe naturelle, une action étatique sur des prix devient nécessaire. « L’article 4 de la loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence stipule que l’État peut intervenir afin de limiter la hausse des prix dans certaines situations de crise, comme c’est le cas actuellement », explique Kherrati.


Un appel également porté par Madih, qui regrette « que bien que la loi encadre très bien cette intervention pour limiter la hausse des prix, même au niveau régional, aucune action n’a pour le moment été entreprise par les autorités pour contrer ces pratiques  ».


Et d’insister : « Sur le plan réglementaire, les autorités locales doivent intervenir. On n’est pas dans une situation de libre concurrence. Actuellement, le consommateur est en situation de faiblesse, vu le besoin urgent des aides, ce qui permet au distributeur d’imposer le prix qu’il veut ».


Pour le moment, en l’absence d’une mobilisation des autorités, les citoyens ne peuvent que dénoncer les abus qu’ils constatent. « Les consommateurs peuvent soit contacter directement les autorités compétentes, soit passer par les associations spécialisées, en vue d’organiser une action groupée par la suite », étaye Madih. Une campagne de sensibilisation dans ce sens étant déjà lancée par la FNAC, assure-t-il.


Une autre alternative pouvant permettre de contrôler les prix, ajoute le président de la FNAC, serait la centralisation de l’aide. En plus d’éviter l’anarchie, ainsi que certains dérapages, comme le détournement de ces aides contre lesquelles des sanctions tombent déjà doublée d’une sérieuse mise en garde du Parquet , « la canalisation de ces aides au travers des associations reconnues pour leur utilité publique et sérieux permettra de réaliser des achats groupés selon les normes, coupant ainsi l’herbe sous le pied de ces spéculateurs », estime-t-il.

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