Protection socialeAides sociales directes: bénéficiaires, budget, contributeurs, les détails d’un programme à 25 MMDH
Le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présenté ce lundi devant les deux chambres du Parlement les détails du programme des aides sociales directes. Ce chantier qui représente la deuxième étape de la généralisation de la protection sociale, et dont le programme de déploiement a été présenté jeudi devant le roi Mohammed VI, dans le cadre de la présentation des orientations générales du Projet de loi de finances (PLF) 2024, sera bel et bien lancé avant la fin de l’année en cours, a confirmé le chef du gouvernement.
Les familles concernées, soit 60 % des ménages non couverts actuellement par les régimes de sécurité sociale, toucheront donc ces aides dès le 30 décembre. Ces subventions permettront de soutenir, d’une part, les familles qui ont des enfants, et ce depuis leur naissance jusqu'à l'âge de 21 ans, afin de subvenir à leurs besoins, notamment en matière de soins médicaux et de scolarisation, a expliqué Akhannouch.
Elles cibleront aussi les familles qui n'ont pas d'enfant, ou dont l'âge est supérieur à 21 ans, et qui se trouvent en situation de pauvreté ou de précarité. Ces aides permettront d’améliorer leur niveau de vie, de soutenir leur pouvoir d’achat, et de les protéger contre les changements de conjoncture.
Jusqu’à 1 000 DH par famille
Ce programme, permettra de mettre en place « un bouclier social, où le soutien minimum ne soit pas inférieur à 500 dirhams pour chaque famille ciblée, quelle qu’en soit la composition », a affirmé le chef de l'Éxecutif, soulignant que ce montant pourrait atteindre jusqu’à 1 000 dirhams par mois, en tenant compte de la composition de chaque famille, notamment du nombre des enfants en charge.
Selon le chef du gouvernement, ce programme se déclinera en trois mesures. La première implique un soutien social direct aux familles avec enfants, par le biais d'une allocation mensuelle par enfant. Ainsi, de la naissance jusqu'à l'âge de 5 ans, chaque enfant recevra une allocation alimentaire d'une valeur de 200 DH par mois. Ce montant passera à 250 DH en 2025, puis sera porté à 300 DH par mois à partir de 2026. Les familles ayant des enfants en âge de scolarité continueront à percevoir cette allocation jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 21 ans. De plus, les familles ayant plus de trois enfants bénéficieront d'une allocation mensuelle estimée à 36 DH pour le quatrième, le cinquième et le sixième enfant.
Par ailleurs, une allocation de 300 DH par mois sera versée aux familles ayant un enfant souffrant d’un handicap. Ce montant passera à 400 dirhams en 2026, a précisé Akhannouch.
Une aide sera aussi consacrée aux femmes veuves ayant des enfants en charge. D’après le chef du gouvernement, l'État continuera d'octroyer 350 DH par mois pour chaque enfant jusqu'à fin 2024, puis 375 DH par mois pour chaque enfant en 2025, pour atteindre 400 dirhams par mois pour chaque enfant à partir de 2026.
Afin de pérenniser les effets positifs du programme Tayssir et d'encourager la poursuite de la scolarité, la valeur de l'aide allouée aux familles avec enfant sera réduite en cas d'abandon scolaire, a averti le chef de l’Exécutif.
La deuxième mesure consiste en une aide aux familles n'ayant pas d'enfants ou ayant des enfants âgés de plus de 21 ans, notamment celles en charge de personnes âgées. Celles-ci bénéficieront d'une allocation forfaitaire d'un montant de 500 DH par mois à partir de fin décembre 2023.
La troisième mesure est la prime à la naissance, qui est une aide forfaitaire versée à chaque famille à l'occasion de la naissance de son premier et deuxième enfants. Cette prime est estimée à 2 000 DH pour la première naissance et 1 000 dirhams pour la deuxième.
Un budget de 40 MMDH par an
La mise en œuvre de ce chantier nécessitera un budget de 25 milliards de dirhams (MMDH) en 2024, a fait savoir Akhannouch. Ensuite, le budget annuel consacré aux aides directes s’élèvera à 29 MMDH à partir de 2026. Ce budget, a précisé Akhannouch, s'ajoute aux 10 MMDH mobilisés par l’Etat dans le cadre de la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) au profit des familles pauvres. Au total, c’est un budget annuel d’environ 40 MMDH qui sera mobilisé pour financer les deux chantiers à l’horizon 2026.
Pour financer ces deux chantiers, « le gouvernement a pris un certain nombre de mesures nécessaires », a fait savoir le chef de l’Exécutif. Ainsi, 20 MMDH seront tirés sur trois ans des ressources propres de l’État, alors que 6 MMDH seront financés par les recettes fiscales liées à la contribution sociale de solidarité versée par les entreprises, en complément des recettes fiscales provenant de l'activation de la contribution de compensation pour les biens et avoirs établis à l'étranger.
De plus, 15 MMDH seront mobilisés à travers la rationalisation, la mutualisation et la réorientation des dotations financières allouées à un ensemble de programmes d'appui antérieurs, dont notamment la Caisse de compensation. Au titre de l’année 2024 uniquement, 9 MMDH seront puisés des réserves du Fonds d’appui à la cohésion sociale.
Enfin, 12 MMDH seront progressivement mobilisés d'ici à l'année 2026, après un trimestre à compter du début du décaissement des subventions directes. Cela sera réalisé par le biais de la réforme progressive de la Caisse de compensation, conformément aux dispositions de la loi-cadre sur la protection sociale.
La compensation, une réforme inévitable
Le chantier de la généralisation de la protection sociale coûtera donc des budgets colossaux, laissant l’Etat confronté à un choix crucial : la suppression du régime de la compensation. Comme l’explique Akhannouch, « Le budget de l’État ne sera pas en mesure de financer les aides sociales directes tout en supportant l’intégralité du coût du système de compensation ».
Ce choix est justifié par un autre facteur : « compte tenu de la faible équité sociale assurée par le système de soutien actuel en termes de ciblage des classes pauvres et vulnérables », argue le chef du gouvernement. Ce problème, notons-le, sera résolu avec la généralisation du registre social unifié (RSU), qui fut un prérequis pour le lancement des aides sociales directes.
La marge résultant de la réduction des dépenses de la compensation servira donc à compléter le financement du programme d’aides sociales directes. Cette réduction « progressive, partielle et limitée dans le temps entre 2024 et 2026 », précise Akhannouch, prendra la forme d’ « un plafonnement, et non d’une libération », afin de permettre aux familles qui nécessitent réellement ce soutien d’en bénéficier.
Bien qu’Akhannouch promette que « le soutien direct accordé dépassera de loin la valeur de la réduction de la compensation », les contours de cette réforme font encore l’objet de concertations élargies entre le gouvernement, les partis politiques, les syndicats et les autres partenaires sociaux et économiques.
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