Israël-HamasMohammed VI interpellé par des Israéliens alors que des Marocains sont toujours bloqués à Gaza

La guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée il y a 44 jours par une attaque du mouvement islamiste, au pouvoir depuis 2007, sur les localités et villes israéliennes autour de Gaza, se poursuit, faisant des pertes tragiquement élevées. À ce jour, on déplore près de 15 000 morts palestiniens, dont 5 000 enfants et 3 300 femmes, ainsi que 1 200 décès du côté israélien.
Dans ce contexte, le « Forum israélien des familles des otages et des disparus », une organisation mise sur pied pour apporter une aide logistique aux proches des otages israéliens, a récemment adressé une lettre au Roi Mohammed VI. Le fac-similé daté du 3 novembre a été rendu public sur X (anciennement Twitter) par David Govrin, chef du bureau de liaison israélien à Rabat, sollicitant son intervention pour la libération des otages détenus par le Hamas dans la bande de Gaza
Un appel de la part des familles des otages
Les familles des otages israéliens, dont plusieurs ressortissants marocains, font cet appel au roi, soulignant « la situation critique » de leurs proches depuis le samedi 7 octobre 2023. Actuellement, « 242 otages sont retenus dans des conditions préoccupantes, suscitant une inquiétude majeure », lit-on dans cette lettre.
Les familles des otages, qui ont salué « l’engagement constant du Roi », en tant que président du Comité Al-Qods, « en faveur de la paix et de la stabilité », sollicitent avec « espoir » son intervention pour contribuer à ramener leurs proches en toute sécurité. Ils soutiennent « un échange complet et équilibré de tous les otages et prisonniers des deux côtés », espérant que « la sagesse et le leadership du roi seront un moteur de changement positif ».
يتوجه منتدى الرهائن والعائلات المفقودة بنداء مخلص لجلالة الملك محمد السادس.من خلال هذه الرسالة يتوسلون بكل احترام لتدخل جلالته لإطلاق سراح 242 من أحبائهم المحتجزين منذ 7 اكتوبر من طرف حركة حماس مشيرين إلى تضامن المغرب مع الوحدة العائلية والتقاليد الإسلامية واليهودية في المملكة ! pic.twitter.com/ha4TAkeeBn
— Dr. David Govrin (@DavidGovrin) November 18, 2023
« Le regroupement de nos familles ne soulagera pas seulement nos souffrances, mais contribuera également à renforcer la paix et la réconciliation dans la région », lit-on dans cette lettre.
La missive fait également référence à une déclaration de Feu Hassan II, soulignant que les Juifs marocains, lorsqu'ils quittent le Maroc, « deviennent des ambassadeurs ». Les familles des otages appellent le Roi Mohammed VI à être « l'ambassadeur de la paix dans la région », soulignant que son soutien sera « une lueur d'espoir et un réconfort pour tous ».
Des Marocains toujours bloqués à Gaza
Dans le même contexte de guerre, de nombreux ressortissants marocains demeurent actuellement bloqués au niveau du poste-frontière de Rafah, reliant la bande de Gaza à l'Égypte. Selon les informations relayées par la presse, l'ambassade du Maroc à Ramallah a récemment annoncé l'amorce du processus d'évacuation des citoyens marocains de Gaza.
Sur les 614 Marocains ayant exprimé le souhait d'être évacués de cette région en proie aux hostilités, seuls 112 ont réussi à traverser la frontière palestino-égyptienne via le poste de Rafah le 13 novembre dernier. Les autres se sont vus dans l'incapacité de franchir cette ligne de démarcation en raison de l'absence d'un représentant de l'ambassade pour faciliter les démarches administratives, selon les mêmes sources.
L'ambassade a avancé des difficultés de communication à Gaza, attribuées aux coupures d'électricité, ainsi que le strict contrôle exercé par les autorités israéliennes et égyptiennes au niveau du poste frontalier, justifiant ainsi ces retards. Selon la presse, l'ambassade demeure engagée dans la coordination de ses efforts avec le bureau de liaison marocain en Israël et l'ambassade du Maroc en Égypte pour évacuer les Marocains bloqués dans la Bande de Gaza.
Ces citoyens marocains, qui ont entrepris le périple jusqu'au poste-frontière de Rafah au péril de leur vie, aspirent à échapper aux attaques incessantes de l'armée israélienne. Selon les autorités du Hamas, ces attaques ont jusqu'à présent anéanti 60 % du territoire de Gaza. En plus de la destruction massive par Tsahal, ce territoire palestinien connaît également un blocus total suite à la décision du gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou de couper l'électricité et l'eau, et d'empêcher tous les approvisionnements en carburant et en alimentation à l’enclave.
« Nous appelons le Roi Mohammed VI à donner ses ordres pour faciliter notre évacuation. Nous risquons nos vies pour atteindre le passage, et certains d'entre nous ont effectivement perdu la leur », a déclaré Fayza El Makousi, une Marocaine bloquée à Gaza, à Hespress. Et d'ajouter : « Nous avons été victimes de massacres sous les bombardements, et nous espérons tous que le Roi, après Dieu Tout-Puissant, sauvera ceux qui restent parmi nous ».
Une autre missive israélienne pressante
Le Roi a également été interpellé par une lettre de l'Association des originaires du Maroc en Israël, basée à Tel Aviv et présidée par Shimon Ohayon, ancien membre de la Knesset pour Israël Beitenou (parti laïc nationaliste de droite) et professeur à l'université Bar-Ilan, natif de Marrakech. Dans sa lettre, Ohayon sollicite l'« empathie » et le « soutien » du Roi face à l'attaque du Hamas, qu'il décrit comme ayant « le seul but d'assassiner et d'éliminer les juifs ».
L'ultranationaliste, également président du Centre Aharon pour la promotion de la culture et de la tradition Séférade, insinue de manière faussement interrogative que se placer du côté du Hamas équivaut à soutenir des « meurtriers assoiffés de sang ».
« Nous avons devant nous une organisation terroriste contre laquelle le monde entier doit lutter. La voie du Hamas est-elle celle de l'Islam ? Le Royaume du Maroc peut-il se placer du côté de ces meurtriers assoiffés de sang ? », s'interroge-t-il dans la lettre largement diffusée sur les réseaux sociaux.
Il poursuit en argumentant que « les juifs n'ont qu'un seul pays au monde où ils peuvent vivre selon leur patrimoine et leur culture et veiller à leur sécurité ». Il souligne les actions du Hamas, affirmant qu'elles démontrent sa détermination à enseigner la haine et l'assassinat des juifs dès le plus jeune âge.
Ohayon, qui avait comme son parti acclamé la normalisation maroco-israélienne et participé à nombre de rencontres universitaires entre les deux pays, insinue également que ne pas se positionner en faveur d'Israël revient à cautionner les méthodes « sanguinaires » du Hamas. Il se demande si « le Royaume du Maghreb peut-il accepter et cautionner de telles méthodes éducatives, basées sur l'assassinat et la persécution des Juifs ? ».
Le président de l'Association des originaires du Maroc en Israël évoque ensuite les Accords d'Abraham et souligne les relations excellentes entre juifs et musulmans au Maroc, mettant en avant le « vivre-ensemble en toute fraternité » entre les deux communautés.
Il exprime sa reconnaissance aux efforts déployés par le Maroc qui a inclus dans son système éducatif, l'enseignement de l'histoire juive au Maroc, préservé les cimetières juifs, et la rebaptisation de certaines artères du Mellah de Marrakech de leur nom juif d’origine. Ohayon témoigne aussi de « l'accueil chaleureux des Marocains envers les Israéliens originaires du Maroc » et souligne « les collaborations académiques, les festivals de musique, ainsi que le développement des relations touristiques et commerciales entre les deux pays », auxquelles il a lui-même participé.
Après son argumentaire étalé sur trois pages, Ohayon exprime le regret de voir des manifestations de soutien « justifiant les actes du Hamas » au lieu de « le désavouer, s'écarter, et le condamner ». Il souligne in fine que la guerre contre le Hamas « concerne également le Maroc, les pays du monde libre, ainsi que tous les pays modérés et éclairés », car selon lui, « le Hamas ne s'arrêtera pas qu'avec nous ».
Les deux missives israéliennes adressées au roi Mohammed VI et largement diffusées sur les réseaux sociaux, notamment par le chef du bureau de liaison israélien à Rabat, visent à l’évidence à exercer une forme de pression sur Rabat. Mais le Roi Mohammed VI aura plutôt réagi promptement à la situation désastreuse qui prévaut à Gaza en condamnant les attaques perpétrées par l'armée israélienne qui touchent principalement les civils, notamment les enfants.
Une « désescalade urgente et concrète »
Le Roi Mohammed VI a exprimé, dans un discours lu par Aziz Akhannouch à l’occasion de la tenue du Sommet Extraordinaire arabo-islamique le 11 novembre à Riyad, sa « profonde préoccupation » face à la situation dans la Bande de Gaza, marquée par des « affrontements armés et des milliers de morts parmi la population civile ». Il a souligné « la violation flagrante des lois internationales et des valeurs humaines ».
« Bien que des voix de la sagesse se soient élevées pour appeler à la désescalade et à l'apaisement, l'artillerie et les missiles israéliens continuent de prendre pour cible les civils désarmés, y compris les enfants, les femmes et les personnes âgées. Ne furent épargnés ni lieux de culte, ni hôpitaux, ni camps, qu'ils soient totalement ou partiellement détruits », a déploré le Souverain.
Le Roi a appelé à une « désescalade urgente et concrète », mettant fin aux « agressions militaires » et aboutissant à « un cessez-le-feu durable ». Il a insisté sur la nécessité de « garantir la protection des civils conformément au droit international, d'assurer un acheminement fluide des aides humanitaires à Gaza, et de promouvoir une perspective politique pour la question palestinienne basée sur la solution à deux États ».
Face à « une crise exacerbée par l'agression israélienne et le mutisme international », le Roi a exhorté la communauté internationale à agir « pour préserver l'avenir de la région et de ses habitants ». Il a souligné quatre postulats incontournables, incluant « la nécessité d'une paix réelle garantissant les droits palestiniens et la création d'un État palestinien indépendant ».
Mohammed VI a rappelé son engagement en tant que président du comité d'Al Qods, « travaillant à la sauvegarde de la ville Sainte et à la préservation de son statut historique et juridique ». Il a souligné que « la sauvegarde d'Al Qods est un patrimoine commun de l'humanité et un symbole des valeurs du respect mutuel, rejetant toute tentative de la déformer ».
Rappelons que la diplomatie marocaine a condamné, le 15 novembre, les agissements d’Israël dans la Bande de Gaza, notamment le bombardement du siège de la Commission qatarie pour la reconstruction de Gaza, en violation des règles du droit international et du droit international humanitaire.
« Il existe, bien évidemment, une forte préoccupation face à ce qui se passe, particulièrement les pertes humaines parmi les civils en raison des agissements d’Israël dans la Bande de Gaza, dont le dernier en date est le bombardement du siège de la Commission qatarie pour la reconstruction de Gaza, que le Royaume du Maroc dénonce », a affirmé Bourita lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue hongrois, Peter Szijjarto, à l’issue de leurs entretiens.
Bourita a ajouté que la mort d’un grand nombre de civils est « inacceptable, quelle que soit la partie qui est derrière » ces actes, notant que le Maroc « condamne clairement que les forces israéliennes continuent à tuer les enfants et les femmes à Gaza ».
Bourita a également souligné que « l'instauration d’une perspective politique à même de relancer la solution à deux Etats est la voie pour parvenir à un règlement juste et global de la question palestinienne ».