CESEChami préconise de renforcer la résilience socio-économique des ménages pour prévenir la mendicité
Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Ahmed Réda Chami a appelé, mercredi à Rabat, au renforcement de la résilience socio-économique des ménages par la réduction du chômage pour prévenir la mendicité.
S'exprimant lors d'un atelier de restitution sur le thème « pour une société cohésive exempte de mendicité », Chami a passé en revue les recommandations du Conseil, notant à cet égard la nécessité de prévenir la mendicité par le renforcement de la résilience socio-économique des ménages et la réduction du chômage, la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales et spatiales, l'amélioration de l'accès aux soins, ainsi que l'amélioration de l'accès à l'éducation, à la formation et à l'emploi.
Le président du Conseil a également souligné la nécessité d'éliminer toute forme de mendicité des enfants, en renforçant les dispositifs territoriaux de protection de l'enfance en structuration, organisation, moyens humains et matériels et veiller à leur généralisation au niveau national, outre le renforcement de la répression à l'égard des exploiteurs et trafiquants d'enfants qu'ils soient parents ou étrangers à l'enfant.
Il recommande aussi de protéger les personnes vulnérables contre l’exploitation à des fins de mendicité, de punir sévèrement les actes délictuels et criminels sous couvert de mendicité, conformément au Code pénal, particulièrement à l’égard des exploiteurs des femmes, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, appelant à renforcer les politiques de protection et de soutien aux personnes en situation de handicap et âgées.
Il s'agit également de renforcer les mesures d’accompagnement et d’intégration socio-économique des populations migrantes exposées à la pratique de la mendicité par besoin ou dans le cadre de bandes organisées. Il est aussi important de réhabiliter et réinsérer les personnes en situation de mendicité, a noté Chami, appelant à réviser le dispositif juridique et à mettre fin à la pénalisation de la mendicité face à la difficulté de déterminer la capacité de la personne à subvenir à ses besoins étant donné que les infractions criminelles qu'elles soient individuelles ou collectives associées à cette activité sont déjà prises en compte dans de nombreuses dispositions du code pénal.
Des pistes d'actions proposées par le CESE
Dans ce sens, il a relevé que la contribution du CESE propose des pistes d’actions susceptibles de contenir, voire résorber, ce phénomène dans notre société, tout en veillant à la conciliation du respect de la Constitution notamment, des droits économiques et sociaux des personnes en situation de mendicité, sans discrimination ni stigmatisation d'une part, et du respect de l’ordre et de la sécurité publics, d’autre part.
Chami a toutefois relevé l'absence d’études et de données actualisées sur la mendicité au Maroc, ce qui constitue une contrainte majeure devant l’élaboration d’une action publique capable de lutter efficacement contre ce phénomène, notant que les constats individuels et collectifs dans ce sens révèlent l’accroissement et la prégnance du phénomène de mendicité, notamment après la pandémie du Covid-19 et ses répercussions sur l'économie, l'emploi et le pouvoir d'achat.
Il a cité des facteurs de risque liés aux parcours individuels et plus largement aux environnements socio-économiques ou culturels, souvent interdépendants, qui rendent les personnes vulnérables à des degrés divers, expliquant ainsi l’hétérogénéité des profils des mendiant(e)s.
Le président du CESE a énuméré, entre autres facteurs favorisant la mendicité, la pauvreté, les difficultés d’accès au marché du travail, le veuvage, particulièrement des femmes, le divorce, l’abandon familial, le bas niveau d’éducation et de formation, le déclin de la société solidaire, l’état sanitaire (état de santé – physique et mentale, handicap), ainsi qu’une prédisposition culturelle des citoyens à faire preuve de charité.
Face au défi persistant de la mendicité, le dispositif national actuel de lutte contre la mendicité s’avère peu efficace, a estimé Chami, précisant qu'en termes de prévention, les programmes sociaux de lutte contre la pauvreté et la précarité, vu leur nature fragmentée, leurs approches de ciblage et leurs modalités de mise en œuvre, ne parviennent pas à compenser de manière suffisante et pérenne, les effets néfastes de la pauvreté sur les populations les plus démunies, qui demeurent souvent hors de leur champ d’intervention.
Il a évoqué, dans ce cadre, la réforme du système de protection sociale et le grand défi que ce chantier est appelé à relever, en matière de sa gouvernance et de son ciblage, notamment en ce qui concerne la généralisation de l'assurance maladie obligatoire et les aides sociales directes, pour lutter contre les différentes sources de vulnérabilité sociale, y compris les facteurs pouvant amener à la mendicité.
Les principales recommandations du CESE pour une société cohésive exempte de mendicité
- Le CESE estime qu’une résorption efficace du phénomène de mendicité nécessite une mise en œuvre, cohérente et coordonnée, d’un ensemble de mesures, avec la double finalité de garantir le respect de la Constitution, notamment les droits économiques et sociaux des personnes pratiquant la mendicité, sans aucune forme de discrimination ni de stigmatisation, et d’assurer le maintien de l’ordre et la sécurité publics.
Ces mesures sont structurées autour de quatre axes complémentaires.
Axe 1 : Éliminer toute forme de mendicité des enfants
- Renforcer les dispositifs territoriaux de protection de l’enfance (UPE) en structuration, organisation, moyens humains et matériels et veiller à leur généralisation au niveau national.
- Renforcer la répression à l’égard des exploiteurs et trafiquants d’enfants qu’ils soient parents ou étrangers à l’enfant
Axe 2 : Assurer la protection des personnes vulnérables contre l’exploitation à des fins mendicité
- Punir sévèrement les actes délictuels et criminels sous couvert de mendicité, conformément au Code pénal, particulièrement à l’égard des exploiteurs des femmes, personnes âgées et des personnes en situation de handicap. - Renforcer les politiques de protection et de soutien aux personnes en situation de handicap et âgées.
- Renforcer les mesures d’accompagnement et d’intégration socio-économique des populations migrantes exposées à la pratique de la mendicité par besoin ou dans le cadre de bandes organisées.
Axe 3 : Réhabiliter et réinsérer les personnes en situation de mendicité
- Réviser le dispositif juridique :
- Mettre fin à la pénalisation de la mendicité face à la difficulté de déterminer la capacité de la personne à subvenir à ses besoins et étant donné que les infractions criminelles, qu'elles soient individuelles ou collectives, associées à cette activité, sont déjà prises en compte dans de nombreuses dispositions du code pénal.
- Confier la gestion des problématiques liées aux perturbations engendrées par les personnes qui mendient, à la circulation, aux activités commerciales ou pouvant porter atteinte à la tranquillité des citoyens, à la police administrative communale, conformément à la loi organique n°113-14 relative aux communes.
- Renforcer les politiques d’assistance sociale, à travers l’identification des vulnérabilités des ménages, à travers les données collectées dans le registre social unifié (RSU). - La définition de critères socio-économiques équitables d’inclusion dans les programmes.
- La définition de la nature monétaire et/ou services de l’assistance à apporter.
- La restructuration et le renforcement des moyens des centres sociaux ainsi que la mise en place de services d’assistance répondant aux besoins et adaptés à chaque catégorie de profil.
- Améliorer la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques en se référant aux recommandations formulées par le CESE en la matière dans son étude sur « la santé mentale et les causes de suicide au Maroc ».
- Développer des activités génératrices de revenus et offrir des alternatives à la mendicité en se référant aux recommandations formulées par le CESE en la matière dans ses avis intitulés « une approche intégrée pour résorber l’économie informelle au Maroc » et « intégration économique et sociale des marchands ambulants ».
Axe 4 : Prévenir la mendicité
- Renforcer la résilience socio-économique des ménages par la réduction du chômage, la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales et spatiales, l’amélioration de l’accès aux soins, l’amélioration de l’accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi.
- Réviser les dispositions de la Moudawana pouvant favoriser la précarité des femmes veuves ou divorcées.
- Sensibiliser et inciter les donateurs à privilégier le don aux associations et fonds de solidarité qui rendent compte de manière transparente de l’utilisation des dons.
- Promouvoir la culture de l’effort et du travail en tant que source de revenus, mais aussi en tant que moyen d’insertion et de promotion sociale dans la société à travers le système éducatif, les médias, le discours religieux et les ménages.
- Faire de la réduction des inégalités et de la promotion du travail décent et de la justice sociale une des priorités de toutes politiques économiques et fiscales.
- Par ailleurs, il est préconisé de mettre en place, par le département en charge des affaires sociales, des mécanismes de suivi et d’évaluation de ce phénomène qui permettraient d'approfondir la connaissance du phénomène au Maroc du point de vue sociologique et statistique, en collaboration avec les départements ministériels concernés, les universités et la société civile.
- Saisir l’opportunité de l’organisation du RGP (recensement général de la population) prévu pour 2024, pour mener des études nationales et territoriales spécifiques à la mendicité et au vagabondage en collaboration avec le HCP.
- Rendre compte au Chef du Gouvernement de l’évolution du phénomène et des mesures adoptés pour y faire face.
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