SocialAhmed Reda Chami : 23% des Marocains toujours sans couverture maladie universelle
Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Ahmed Reda Chami, a averti mercredi que 23,2 % des Marocains (8,5 millions) ne bénéficient toujours pas de la couverture sanitaire universelle mise en place par le gouvernement il y a trois ans.
Le responsable a fait cette annonce lors de la présentation d'une étude du CESE sur les réalisations et les défis de la Couverture Maladie Obligatoire (AMO), que le Maroc a lancée en 2021 pour que tous ses citoyens aient accès aux soins de santé.
Cette couverture vise à garantir que tous les Marocains puissent bénéficier des soins de santé dans les centres publics et privés, même si - sauf dans le cas où ils ne disposent pas de ressources - il ne s'agit pas d'une couverture totale, mais partielle, puisque les bénéficiaires doivent payer une partie des coûts du traitement.
Chami a souligné que malgré les réalisations, telles que l'augmentation du nombre de personnes y ayant accès de 60 % en 2020 à 86,5 % aujourd'hui, plusieurs défis subsistent.
Il a expliqué que parmi les non-bénéficiaires, environ 5 millions ne sont pas inscrits au système de santé, tandis que 3,5 millions sont inscrits mais ne peuvent bénéficier d'aucune couverture parce qu'ils ne cotisent pas, entre autres raisons, dont la situation dite de « droits fermés ». A cela s’ajoute la faible adhésion au principe de l'AMO : 52 % des personnes non couvertes ne sont pas prédisposées à y souscrire. En outre, la faiblesse de la couverture complémentaire pose problème vu que seuls 8 % des assurés en bénéficiant.
Un système encore fragile
Le responsable a regretté que les citoyens ayant des ressources doivent assumer jusqu'à 50 % des dépenses de santé , un chiffre élevé, selon lui, comparé aux 25 % recommandés par l'Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale.
Cette situation, dit-il, conduit certains assurés à renoncer à demander des soins de base pour des raisons économiques. Chami a souligné la fragilité financière du système, car il doute qu'il soit viable dans le temps si l'on compare les revenus des cotisations avec les dépenses de santé, ce qui affectera les délais de remboursement et le paiement des prestataires de services de santé.
De même, il a indiqué qu'actuellement la majorité des Marocains préfèrent se faire soigner dans des centres de santé privés, en raison de la faiblesse du secteur public, ce qui augmente de façon exponentielle les dépenses des caisses publiques. Pour améliorer la situation, le CESE propose dans son étude des mesures telles que l'obligation de s'inscrire au système de santé et la diversification des sources de financement.
Il recommande également d'augmenter le pourcentage des dépenses de santé couvertes par le système public, notamment pour la détection précoce des maladies, et de renforcer la régulation des prix des médicaments, en favorisant la production nationale de génériques.
Dans son avis d'auto-saisine, le CESE propose, entre autres, de mettre à l'étude des réformes législatives, réglementaires et techniques pour rendre l'assurance-maladie plus accessible et efficace. L’idée d’une mise en place d'un identifiant national de sécurité sociale immatriculant tous les résidents au Maroc, avec une déclaration obligatoire et une mise à jour régulière confiée à l'Agence nationale des registres a été avancée sous condition d’une une révision de la loi régissant l'AMO.
Un régime national de base géré par un organisme public
D’autres pistes ont été défrichées comme la création d’un régime national universel obligatoire de base, géré par un organisme public dédié à cette branche de sécurité sociale, un cadre normalisé pour créer des régimes de couverture complémentaires, gérés par des mutuelles ou des dispositifs d'assurance pour les entreprises ou les particuliers, la séparation de la gestion des recettes et des soins, la suppression de la notion des « droits fermés » pour généraliser l'immatriculation et le recouvrement des cotisations.
Il est recommandé aussi d'intégrer les régimes dérogatoires dans le système d'assurance maladie obligatoire de base pour unifier les régimes existants dans un cadre équitable et de développer le tiers-secteur en le qualifiant d'utilité publique sanitaire et sociale. La mesure assurerait aux mutuelles de gérer, en sociétés filiales à but non lucratif, des structures de soins de proximité et l'établissement d'un cadre légal garantissant la pérennité de l'offre de soins en nature de la CNSS pour tous les assurés et leurs ayants droit, avec envisage le CESE, une extension du réseau de polycliniques.
Il est aussi souligné de la nécessité de mettre en place des comptes satellites de la protection sociale pour le suivi informatisé de l'évaluation des politiques sociales, ainsi que la revue des comptes de l'AMO dans le cadre de la loi de Finances.
S’ajoute à cela une batterie de mesure de nature à renforcer la déontologie et l’éthique qui fait défaut dans le secteur, à savoir l'intégrité des pratiques de facturation, le droit à l'information et au consentement éclairé et l'obligation d'affichage des droits des patients dans tous les établissements de soins. Comme il est recommandé de renforcer la gouvernance et la redevabilité des instances de gestion ou encore la mise sur pied d’un Haut-Conseil de l'AMO.
Enfin, la gestion de l’AMO de base serait confiée à un organisme public unifié. Sur la question du dialogue autour de chantier nodal de l’Etat social, le CESE appelle aussi à la tenue régulière d’Assises nationales de la protection sociale.
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