LitigePotasse à Khemisset : Emmerson se finance pour aller au CIRDI contre le Maroc
La société britannique Emmerson Plc, engagée dans le projet d’exploitation de potasse à Khemisset, déclare dans un communiqué diffusé ce 6 décembre avoir levé 0,85 million de livres sterling (M£), soit un peu plus d’1 million de dollars (M $), via l’émission d’environ 130,77 millions nouvelles actions ordinaires et 43,6 millions de bons de souscription dans l’objectif de « soutenir la société dans l'examen de ses différentes options concernant le différend avec le gouvernement marocain ».
Cette collecte de fonds à laquelle ont participé les administrateurs d’Emmerson, dont Hayden Locke, Robert Wrixon et Graham Clarke, menée par Shard Capital Partners LLP, fait ainsi référence à sa notification le 1er novembre au gouvernement marocain de l'existence d'un différend d'investissement. L'entreprise avait dans ce contexte indiqué avoir engagé le cabinet d'avocats Boes Schiller Flexner afin d'examiner les voies de recours pour faire valoir les droits d'Emmerson. Pour celle-ci, « le différend résulte de diverses violations par le gouvernement et ses agents de l'accord entre le gouvernement du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord, et le Maroc, en matière de promotion et de protection des investissements, signé le 30 octobre 1990 et entré en vigueur le 14 février 2002 ».
Pour rappel, le 14 octobre dernier, Emmerson se voyait recevoir une recommandation défavorable pour son projet potasse à Khemisset. C'est le verdict de la Commission régionale unifiée de l'investissement, qui examinait l'évaluation environnementale et sociale du projet de potasse.
Pour Emmerson, se fondant sur l'accord signé entre les deux pays, il était possible ainsi de recourir à l'arbitrage au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) dépendant de la Banque mondiale. L'accord « n'exige pas que le Maroc soit informé de l'intention d'Emmerson de soumettre une réclamation à l'arbitrage et, par conséquent, la société n'a aucune obligation d'attendre une période de temps spécifique avant de commencer l'arbitrage », faisait-on savoir.
Des spécialistes du financement de contentieux sollicités
« Le gouvernement du Royaume du Maroc n'a pas répondu à notre avis de litige. En conséquence, en collaboration avec notre équipe juridique spécialisée en arbitrage, Boies Schiller Flexner, nous avons présenté notre dossier aux bailleurs de fonds de demandes d'arbitrage potentielles et avons suscité un intérêt considérable », précise ce 6 décembre Graham Clarke, président d’Emmerson.
« Comme nous l'attendions, le bien-fondé de notre dossier est extrêmement bien présenté par ces experts en contentieux, et nous avons pour objectif de conclure notre accord de financement dès que possible. Compte tenu du manque total d'engagement, nous prévoyons de demander un arbitrage via le CIRDI », ajoute la même source.
Pour la soutenir dans son arbitrage en cours, Emmerson a collaboré avec plusieurs groupes liés à la réclamation réussie de GreenX contre la Pologne objet d’une indemnisation de près de 252 M£, pour « l'aider d'un point de vue commercial et sur diverses questions stratégiques ».
« Un noyau d'investisseurs, qui ont été impliqués dans la récente victoire arbitrale de GreenX contre le gouvernement polonais, prennent position dans cette levée de fonds. Ces investisseurs connaissent bien l'arbitrage international et ont beaucoup travaillé avec notre conseiller juridique. Ils partagent notre point de vue sur la solidité de notre dossier », développe Emmerson dans sa communication.
Dans le détail, la minière explique qu’il est prévu que le produit net de la levée de fonds soit principalement utilisé pour « les frais généraux et administratifs, y compris les frais de licenciement, les frais de cotation de base, les honoraires juridiques liés au litige avec le Royaume du Maroc et la rémunération de base des principaux témoins de notre arbitrage prévu ».
Un contrat avec Hexagon Group en suspens
En mars dernier, la Commission ministérielle de pilotage a invité la société à mettre à jour son EIES pour intégrer les optimisations découlant des changements de procédé KMP, qui incluent une réduction significative de la consommation d'eau et la suppression de la nécessité d'éliminer des saumures usagées et de le soumettre à nouveau à l’examen de la CRUI. Le mois suivant Emmerson a finalisé ces mises à jour et soumis à nouveau ce qu'elle espère être la dernière version de l'EIES.
En juin, la société a conclu un protocole d'accord non contraignant et non exclusif avec Hexagon Group AG pour l'approvisionnement de certains des nouveaux produits fertilisants issus de KMP. Selon ces termes, Hexagon accepterait jusqu'à 300 000 tonnes métriques de produits à base de struvite et 50 000 tonnes par an de produits à base de vivianite, livrables depuis les ports de Casablanca, Jorf Lasfar ou Safi. Suite au dépôt d'une demande de brevet pour les nouveaux procédés KMP au Royaume-Uni en septembre 2023, Emmerson a également déposé une demande au Maroc au cours du deuxième trimestre 2024.
Alors que la compagnie continue à cumuler les pertes en raison du blocage de son projet de potasse à Khemisset, l'obtention de l'approbation gouvernementale demeurait la priorité pour Emmerson, qui espérait décrocher les autorisations nécessaires avant la fin de l'année.
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