LégislationMoudawana: les principaux points de la réforme en cours

Conformément aux orientations du roi Mohammed VI, qui a appelé lors de la séance de travail organisée le 23 décembre à communiquer auprès de l'opinion publique sur la révision en cours du Code de la famille, un point de presse s'est tenu ce mardi pour présenter les principaux axes de cette réforme.
Au total, 139 propositions d'amendements, portant sur les sept livres du code, ont été présentées par l'Instance chargée de la révision de la Moudawana, a fait savoir le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, lors de cette conférence.
Mariage et divorce : principaux points
La réforme du Code de la famille s’articule autour de 10 axes principaux, selon Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice. Parmi celles-ci, la possibilité de documenter la demande en mariage, tout en considérant l'acte de mariage comme étant l’unique moyen de prouver le lien marital. Des cas exceptionnels seront cependant déterminés. En outre, des garanties seront prises pour le mariage impliquant des citoyens en situation de handicap, alors que les procédures formelles et administratives de mariage seront en général simplifiées, a indiqué le ministre.
Le deuxième point porte sur la possibilité pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE) de contracter un mariage sans présence de deux témoins de confession musulmane, au cas où cette condition ne peut pas être remplie. Troisièmement, il s’agit de fixer l'âge légal du mariage, pour les deux sexes, à 18 ans, avec une seule exception, accompagnée de plusieurs conditions, et où cet âge sera fixé à 17 ans. « Ces conditions garantiront que l’application de cette exception ne se fera qu’exceptionnellement », a souligné le ministre.
S’agissant de la polygamie, une mesure introduira l’obligation de l’expression explicite du consentement de la première épouse, lors de la conclusion de l'acte de mariage. Si elle s'y oppose et que c'est consigné, son futur époux ne pourra pas prendre une deuxième épouse. En l'absence d'une telle condition, la justification objective de la polygamie sera limitée aux cas de stérilité de la première épouse ou d’une maladie l'empêchant de s'acquitter du devoir conjugal. Dans d’autres cas, « ayant le même caractère objectif et rare », cela dépendra de l’autorisation du juge.
En outre une instance non judiciaire sera mise en place pour la réconciliation et l'intermédiation en cas de divorce, à l'exception du divorce à l'amiable. La mission de cette instance consistera exclusivement à « essayer de réconcilier les époux, sinon de les amener à un terrain d'entente quant aux conséquences du divorce », explique Ouahbi.
Le divorce à l'amiable fera l'objet d'un contrat direct entre les époux, sans obligation de passer par une procédure judiciaire. Les types de divorce et de répudiation sera par ailleurs réduit, « étant donné que le divorce pour discorde couvre une grande partie de ceux-ci ». Pour les procédures de divorce en justice, leur délai sera limité à six mois.
Parmi les principales mesures aussi, un nouveau cadre pour la gestion de la richesse acquise au cours du mariage. Dans ce sens, il sera question de valoriser le travail ménager de la femme, en le considérant une contribution au développement les biens du couple, qui devra être prise en considération pour l’évaluation des biens acquis ensemble. Il est aussi prévu le recours aux technologies dans les affaires de divorce avec la possibilité de recours aux procurations, sauf pour la réconciliation et la médiation.
Garde, tutelle et pension des enfants
La garde des enfants est un droit acquis et partagé entre les époux, au cours du mariage. En cas d’accord, ils gardent ensemble ce droit après le divorce. Des garanties seront mises en place pour le droit à un toit pour les enfants et des mesures seront prises pour les visites ou le voyage avec les enfants.
Un changement majeur concerne le maintien da la femme divorcée de la garde de ses enfants en cas de remariage.
En outre, des critères de référence seront mis en place pour l'évaluation du montant de la Nafaqa (pension alimentaire). Des mesures seront aussi prises pour accélérer les procédures de notification et d'exécution des jugements. La tutelle judiciaire des enfants sera par ailleurs partagée entre les deux époux même après le divorce. En en cas de divergences, le juge de la famille tranchera dans cette affaire.
Par ailleurs, des procédures judiciaires seront définies pour accorder l’émancipation au mineur et renforcer la protection juridique de leurs biens. La justice aura un droit de regard sur les agissements de leurs tuteurs. Au décès de l'un des époux, le survivant aura le droit de garder le domicile conjugal, selon des règles qui seront définies par la loi.
« Des solutions alternatives »
Comme rapporté précédemment, sur les 17 questions qui lui ont été soumises, le Conseil des Oulémas a émis un avis conforme pour 10 d'entre elles. Cependant, sur d’autres questions, le Conseil des Oulémas a préféré « proposer des solutions alternatives conformes à la Charia et qui répondent aux attentes de la réforme. Il serait donc préférable de retenir ces solutions », a rappelé lors de ce point de presse le ministre des Habous et des Affaires islamiques et président du conseil, Ahmed Toufiq.
Dans ce cadre, il s’agit de la filiation de l’enfant né en dehors du cadre du mariage, auquel le conseil a apporté une solution en proposant d’incomber la responsabilité de l’enfant aux deux parents, qui devront le prendre en charge, sans pour autant qu’il ne soit affilié au père biologique. « La filiation dans ce cas va à l’encontre de la Charia et de la Constitution, et conduirait à la destruction de l’institution de la famille », a noté le ministre.
La deuxième solution alternative concerne l’héritage et plus précisément le point du testament au profit des héritiers légaux. Au lieu d’introduire cette possibilité, sans imposer l’autorisation des autres héritiers, le conseil a proposé d’opter pour la donation, sans que le transfert de la propriété effective du bien en question ne soit obligée. La même solution est proposée pour une troisième question épineuse : la règle du Taâssib (héritage par agnation). Alors que l'Instance en charge de la révision du Code de la famille avait proposé d’annuler cette règle, le Conseil des Oulémas propose également d’opter pour le don, au cas où les parents défunts, ou l'un d'autre eux ne sont succédées que par des filles.
Deux autres questions, auxquelles le conseil a proposé des solutions alternatives, concernent l’héritage. En ce qui concerne la succession entre les époux de différentes confessions, le conseil a présenté deux propositions : la succession à travers le testament ou la donation en faveur de l’autre époux- en incluant dans la loi sur l’héritage une nouvelle disposition « mentionnant explicitement cette possibilité dans l’article 323, juste après l’interdiction » - ou l’introduction du Tanzil, pour instituer l’un des époux héritier. La première proposition a été retenue en fin de compte.
La deuxième réponse proposée par le conseil, concerne l’héritage en cas de la Kafala. Elle comporte deux possibilités : la succession entre le Kafil (tuteur) et le Makfoul (enfant pris en charge ou adopté selon la charia islamique), au cas où il n’y a pas d’autres héritiers légitimes et que l’État renonce aux biens en question, ou la succession via testament ou don.
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