GouvernanceSaluant l’expérience de la Région TTA, le CESE recommande la généralisation de l’approche Nexus

Réunissant ministres, secrétaires généraux, directeurs de différents services, élus locaux et régionaux, ainsi que des experts et des représentants des organisations internationales, cette première journée du Forum WEFE (water, energy, food, ecosystems – eau, énergie, alimentation, écosystèmes) Nexus à Tanger a été l’occasion de présenter et discuter le tout récent avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Intitulé « Nexus eau-énergie-alimentation- écosystèmes (EEAE) : Optimiser les ressources naturelles, maximiser les synergies et réduire les risques intersectoriels au Maroc », cet avis établit un diagnostic des défis qui persistent dans la gestion de ces secteurs stratégiques, ainsi que les opportunités offertes par cette approche novatrice, déjà mise en place par le Conseil de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima (TTA).
La région a d’ailleurs vu son projet WEFE Nexus salué ce 5 février par l’Open Government Partnership (OGP) International, qui a considéré cette initiative comme étant innovante et transformative. Un constat que vient également confirmer le CESE, qui a auditionné plusieurs régions dans la cadre de l’élaboration de son avis, et selon qui la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima est « la plus avancée au niveau de la réflexion mais aussi au niveau de l’application », comme a déclaré Moncef Ziani, membre du CESE.
« Une solution prometteuse »
Selon le CESE, cette approche constitue une « une solution prometteuse pour une gestion intégrée et durable ». Et pour cause : cette approche introduit un nombre de principes permettant une convergence et des synergies entre différentes secteurs et initiatives, en intégrant les quatre composantes au sein d’un seul projet. Parmi ces principes, note Ziani, la vision systémique, qui permet de « dépasser les silos sectoriels et adopter une perspective holistique pour comprendre les interactions complexes entre les secteurs EEAE », la gestion des tradeoffs (arbitrages ou concessions nécessaires dans la gestion des ressources) pour « évaluer et atténuer les impacts négatifs des actions dans un secteur sur les autres secteurs ».
En plus, cette approche permet de rechercher de nouvelles opportunités et ainsi « identifier et exploiter les complémentarités et les synergies entre ces secteurs afin d’optimiser l'utilisation des ressources et générer des avantages mutuels ». Au global, il s’agit d’une transformation des systèmes de gouvernance des secteurs EEAE. Cela, à travers « la coordination efficace favorisant la collaboration et la communication entre les parties prenantes et la convergence et l’intégration des cadres juridiques et des politiques publiques liés au secteurs Nexus », explique Ziani.
Plus concrètement, cette approche permet de dépasser le mode de gestion où la coordination est absente, avec des décisions prises à l'échelle de chaque secteur séparément, ou un mode caractérisé par une faible coordination, où l’information et la consultation entre les secteurs ne se fait que pour réduire les conflits. L’approche Nexus se fonde ainsi sur une coordination pour atteindre des objectifs stratégiques communs et une participation de différents acteurs sectoriels dès le début du processus permettant d’ « exploiter les complémentarités et les synergies ».
Pour le Maroc, indique l’avis du CESE, l’approche Nexus WEFE met en évidence les interactions entre les sécurités de ressources et la durabilité des écosystèmes tout en offrant de réelles opportunités de collaboration et de synergie entre les secteurs concernés. Par ailleurs, elle fournit un cadre « précieux » pour l’élaboration de partenariats « éclairées et fondées sur des preuves tangibles » accélérant ainsi la transition vers la décarbonation, la durabilité et la circularité. Encore plus, cette approche « permet de réduire la vulnérabilité aux impacts négatifs du CC et de renforcer la résilience des écosystèmes, de l’économie et des populations », souligne la même source.
Qu’est-ce qui bloque au Maroc ?
Si l’approche WEFE Nexus a été prônée par le Roi Mohammed VI dans plusieurs de ses discours, appelant à « introduire plus de cohérence, de complémentarité et d'harmonie entre les politiques publiques et à en suivre la mise en œuvre », que plusieurs stratégies reflètent cette vision et qu’une multitude d'initiatives sont « alignées implicitement et explicitement » sur les principes du Nexus, des freins entravent toujours son intégration dans les gouvernances sectorielles.
Le CESE identifie ainsi sept principaux freins : Le caractère en silos et peu inclusif de plusieurs processus décisionnels, les limites de l'approche sectorielle face aux risques et au manque à gagner, l’insuffisance de l’intégration de l'approche Nexus dans les processus décisionnels, le caractère restreint des initiatives publiques « en nombre et en ampleur », les résultats en deçà des enjeux, ambitions et investissements engagés, en plus des dispositifs juridiques et institutionnels et politiques publiques peu adaptés avec le Nexus et enfin l’insuffisance des informations à caractère intersectoriel.
Au vu de ces limites, le Maroc a été « un élève moyen, voire moyen plus », commente Moncef Ziani. Selon les résultats de l’Indice WEFE Nexus au titre de l’année 2023, présentés par le membre du CESE, le Maroc a obtenu une note globale de 48,9 % se classant ainsi 126ème à l’échelle mondiale. Cependant, souligne Ziani, ces résultats sont à prendre avec précaution. « Nous avons formulé un ensemble de critiques au consortium des instituts qui éditent cet indice, pour les notifier que les critères d’évaluation ne sont pas adaptés au Maroc », a-t-il fait savoir.
Ce que recommande le CESE pour une gouvernance intégrée des secteurs EEAE
Les recommandations du CESE sont structurées autour de cinq axes, dont le premier concerne la promotion de la planification stratégique et innovante en créant des mécanismes de coordination intersectorielle Nexus aux niveaux central et régional. Pour ce faire, il faut assurer une coordination interministérielle au niveau central, mettre en place des groupes de travail thématiques et puis une coordination interinstitutionnelle au niveau régional, souligne l’avis.
Pour le deuxième axe, qui porte sur le renforcement des cadres juridiques et des politiques publiques, le conseil préconise d’évaluer et réviser ces cadres pour intégrer les principes Nexus et assurer leur cohérence, d’harmoniser les politiques sectorielles pour une gestion efficace des ressources, ainsi que de réorganiser des secteurs EEAE et création d'instances de régulation spécifiques.
Troisièmement, le CESE souligne l’importance de la promotion de la planification stratégique et innovante. Pour cela, le même conseil propose d’analyser les interdépendances entre les secteurs EEAE pour dépasser la planification en silo, d’inclure l’ensemble des acteurs et des parties prenantes pour des solutions adaptées, mais aussi instaurer des mécanismes d’évaluation et de suivi pour ajuster les politiques publiques en fonction des évolutions.
Pour renforcer et diversifier les mécanismes de financement pour la mise en œuvre du Nexus, un autre axe mis en avant par le CESE, ce dernier propose d’intégrer le Nexus dans la planification budgétaire pluriannuelle avec des budgets spécifiques pour les projets intersectoriels, de mettre en place d’incitations et des partenariats public-privé (PPP), à travers des subventions, incitations fiscales et cadre juridique favorable pour les projets Nexus, en plus d’un soutien aux communautés locales avec formations et accès aux financements.
Enfin, le CESE recommande de renforcer les capacités des acteurs pour la mise en œuvre de l’approche Nexus. Des programmes de formation continue pour les responsables, techniciens et gestionnaires et d’autres pour la promotion de la recherche et de l’innovation. Un système d’information centralisé pour collecter et analyser les données pour orienter la prise de décision et évaluer les progrès, mais aussi l’intégration des concepts Nexus dans les programmes éducatifs et stratégies de communication ciblées, pourrait aussi contribuer à surmonter les freins qui persistent au niveau de la gouvernance WEFE.
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