Résultats En litige avec le Maroc, Emmerson enregistre une perte record de 25,7 millions de dollars

Le projet Khémisset, longtemps présenté comme un levier stratégique pour la production de chlorure de potassium à faible coût destiné aux marchés européens et brésilien, ne figure plus dans les comptes d’Emmerson. En octobre 2024, la société a été informée du rejet définitif de son Étude d’impact environnemental et social (ESIA), après plusieurs années de dialogue technique et réglementaire avec les autorités marocaines. L’événement a déclenché une charge de dépréciation de 21,1 millions de dollars (M $), venant alourdir une structure financière déjà fragilisée.
Dans son rapport financier publié ce 30 juin, Emmerson précise que ce rejet a marqué la fin de toute possibilité d’obtenir un permis environnemental, malgré l’introduction d’un nouveau procédé industriel breveté, baptisé « Khemisset Multi-mineral Process » (KMP), censé répondre aux préoccupations soulevées par l’administration marocaine. Ce procédé promettait, selon l’entreprise cotée à l’Alternative Investment Market (AIM) de Londres, une réduction de 50 % de la consommation d’eau brute et l’élimination du recours à l’injection profonde des rejets salins.
À la suite de cette impasse réglementaire, la société a décidé de notifier au gouvernement marocain, en novembre 2024, l’existence d’un différend d’investissement. Elle fonde sa démarche sur le traité bilatéral de protection des investissements signé entre le Royaume-Uni et le Maroc, en vigueur depuis février 2002. Pour défendre ses intérêts, Emmerson avait retenu le cabinet Boies Schiller Flexner LLP, spécialisé dans l’arbitrage international.
Le 1er mai, une requête d’arbitrage a été formellement déposée auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), basé à Washington. L’entreprise y réclame une compensation intégrale pour le préjudice subi, qu’elle évalue à 2,2 milliards de dollars (MM $), soit la valeur nette actualisée post-impôt du projet avant sa dépréciation.
Litige en cours, finances sous tension
Pour assurer la viabilité de ses activités dans ce contexte, Emmerson a obtenu en janvier 2025 un financement dédié de 11 M $ auprès d’un fonds spécialisé dans les contentieux d’investissement. Cette manne doit permettre à la fois de couvrir les frais juridiques engagés dans l’arbitrage et de financer les opérations courantes, désormais réduites au strict minimum.
Malgré la perte de valeur de son principal actif, la société est parvenue à lever 2,5 M $ en avril 2024 auprès de ses investisseurs stratégiques – Global Sustainable Minerals et Gold Quay Capital –, puis 1,1 M $ supplémentaire en décembre, à travers une émission de titres souscrite notamment par le grand public. Au 31 décembre 2024, sa trésorerie s’élevait à 923 000 dollars.
Dans son message aux actionnaires, Graham Clarke, CEO d’Emmerson, reconnaît que l’échec du processus d’autorisation environnementale a entraîné un changement radical de stratégie. Le développement minier est désormais suspendu et l’entreprise se concentre sur la valorisation de sa technologie KMP, protégée par un portefeuille de brevets. Il dit rester confiant dans l’issue de l’arbitrage engagé contre le Maroc, tout en soulignant que des options alternatives, notamment un règlement amiable, ne sont pas exclues.
Pour l’heure, Emmerson continue de réduire ses coûts d’exploitation, limite les engagements financiers futurs et tente de maintenir l’adhésion de ses actionnaires en leur proposant une exposition à un litige potentiellement rémunérateur. Mais l’avenir de la société reste étroitement lié à l’issue de cette procédure, qui pourrait soit relancer sa stratégie, soit accélérer une redéfinition de son modèle économique.
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