Le bloc notes de la rédaction
Le livre-choc sur « le mystère Bouteflika » qui dérange Alger
Mohamed Benchicou, écrivain, journaliste et ancien directeur-fondateur du quotidien algérien d’opposition Le Matin, suspendu en 2004, et lui-même incarcéré pendant deux ans, est l’auteur de nombreux essais politiques, d’un journal de ses années de prison et d’une pièce de théâtre, publiés en France (notamment chez Riveneuve) et en Algérie. Il revient, toujours chez Riveneuve avec un livre-choc sur « le mystère Bouteflika », alors que le président algérien vient d’avoir le support de son parti, le FLN, pour briguer un cinquième mandat.
« En 2018, à l’ère du numérique et d’internet, un peuple ignore par qui il est dirigé. Il y a bien un président aux commandes depuis dix-neuf ans, mais il est handicapé, ne se déplace qu’en fauteuil roulant, ne peut plus parler ni soutenir une conversation, le corps rigide, les membres totalement inertes… », peut-on lire sur le texte de présentation de l’ouvrage qui donne déjà une idée sur son ton incisif.
« Oui, il y a bien un président, mais un président qui ne reçoit personne, qui ne s’adresse plus au peuple depuis sept années, un président qu’on cache, qu’on ne sort que dans les grandes occasions, le temps de quelques photos, histoire de prouver qu’il est encore en vie », ajoute le texte
« Dans cette contrée, les institutions sont bloquées, la machine étatique est en panne, le pays isolé. Les chefs d’État étrangers évitent de s’y rendre, ceux qui font le déplacement repartent le plus souvent sans avoir rencontré le chef de l’État, le Conseil des ministres ne se tient plus, les ambassades étrangères ne savent à qui remettre les lettres de créance… », poursuit ce document fort avec des analyses et des révélations sur un des derniers chefs d'Etat de la génération des indépendances africaines, incapable de quitter le pouvoir. Un sujet brûlant aussi : la continuité de l'Etat dans un pays majeur qui inquiète les chancelleries du monde occidental et où les trois quarts de la population à moins de 30 ans.
« Cet homme n’est pas un roi ce pays n’est pas une monarchie, on dit même que ce n’est pas une dictature. Alors comment expliquer le mystère Bouteflika ? », s’interroge l’auteur, parmi les meilleurs observateurs de l’Algérie et du pouvoir des caciques en place, qui se livre à une véritable radioscopie d’un chef d’État autant que d’un pays que d’aucuns qualifient de « trou noir ».
Le livre, souligne-t-il au HuffPost, est « un récit de la déchéance algérienne, d’un président qui promettait en 1999 d’abolir la corruption, de moderniser la pratique politique, de réhabiliter la transparence, d’effacer le chômage et de rendre la dignité à l’Algérien et qui a fait tout le contraire ! Au lieu d’inscrire son action dans la continuité d’un État pérenne, ou du moins d’essayer, au lieu de promouvoir l’initiative, libérer les énergies, renforcer la transparence, il a consolidé le pouvoir absolu, étouffé l’expression démocratique, découragé les initiatives, accru la censure, généralisé l’esprit de lucre, aboli la concertation. ».
Alors que « le mystère Bouteflika » était présenté en avant-première au Salon du Livre à Paris, la presse algérienne demeure très majoritairement silencieuse sur sa sortie. Un signe que l'ouvrage dérange au plus haut point le palais de la Mouradia. « Même des quotidiens qui se permettaient certains élans de liberté, il y a quelques années, comme El Watan, Liberté et Le Soir d’Algérie, ont fait l’impasse totale sur la parution de ce livre », écrit un site Kabyle...
Le mystère Bouteflika : radioscopie d'un chef d'Etat, par Mohamed Benchicou. Ed. Riveneune, Paris, 240 p., 20 €
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