Non, l’annulation en 1963 du sacrifice de l’Aïd El Kébir n’est pas due à la Guerre des Sables

Dès le lendemain de l’intervention télévisée d’Ahmed Toufiq, le 26 février dernier, dans laquelle le ministre des Habous et des Affaires islamiques relaye le message royal invitant les Marocains à s’abstenir cette année de pratiquer le rituel du sacrifice, quasiment l’ensemble de la presse nationale s’est attelée à l’exercice du rappel historique. Journaux et médias en ligne dressent le même fil chronologique en détaillant, plus ou moins longuement, pourquoi le défunt souverain du Maroc s’est vu obligé d’interdire ses sujets à sacrifier le mouton avant que son fils et successeur ne l’imite. Il y est expliqué qu’une terrible sécheresse doublée d’une crise économique a eu raison du rituel en 1996, que les mêmes causes, doublées d’une grave agitation sociale ont condamné la bonne tenue de l’Aïd de l’année 1981, et qu’enfin, la Guerre des Sables est responsable de l’annulation en 1963.

Le premier média à exposer cette version des faits est le site d’information Le 360 qui l’explique dans un article publié le 27 mai… 2020, il y’a donc déjà près de cinq ans. A l’époque, face à la menace que fait planer la pandémie de Covid-19 sur l’économie marocaine, le média avait choisi d’anticiper une éventuelle interdiction : « certains pensent que le roi Mohammed VI, en sa qualité de Commandeur des croyants, pourrait annuler la fête du sacrifice à cause des répercussions économiques du Covid-19 ». Et si la prédiction s’est révélée erronée, l’article du 360 a tenu à rappeler les antécédents sous Hassan II y compris celui de 1963 : « La Guerre des Sables provoquée par l’intrusion de l’armée algérienne sur le sol marocain avait provoqué une grave crise économique qui avait poussé le défunt roi à user de ses prérogatives pour appeler les Marocains à s’abstenir d'effectuer ce rite annuel ». Le 360 reprendra cette même assertion en février dernier. Dernier média en date à y consacrer un grand format, l’hebdomadaire TelQuel, en a même fait la couverture de sa dernière livraison (numéro 1125 du 14 au 20 mars 2025). Là encore, le conflit algéro-marocain est avancé pour justifier le cas de l’année 1963.