Mohamed Benyahia, membre du comité de pilotage de la COP 22, décrypte les enjeux de l’évènement planétaire
Très discret, venu presque incognito, Mohamed Benyahia, membre du comité de pilotage de la COP 22 et du ministère délégué chargé de l’Environnement, a assisté le week-end dernier au Moroccan Solar Festival à Ouarzazate. Veste rouge, lunette de soleil et casquette kaki, il a fait le tour des stands du « village solaire » lors d’une visite organisée pour l’occasion. Entre deux exposants venus sensibiliser et promouvoir le développement durable à travers leurs « inventions ». L’environnement est un sujet qui tient à cœur à ce spécialiste et ce, depuis son plus jeune âge comme il le dit. « Je suis originaire de l’Atlas et quand j’étais enfant, je me rappelle encore avoir fait des bonhommes de neige ou avoir déblayer la neige avec une pelle devant la porte d’entrée de la maison de mes parents, raconte-t-il. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, ce n’est plus possible. La neige ne tient plus comme avant, c’est de la poudreuse ». Arrivé dès la création du ministère de l’Environnement, Benyahia qui a été impliqué dans le processus de négociations de la COP 21, pourrait parler pendant des heures des enjeux et des problématiques que se jouent autour mais aussi de ce qui se passent actuellement en coulisse.
Le volet financier, encore et toujours le dossier le plus problématique des négociations
Après le temps des réjouissements de l’Accord de Paris qui rentrera en vigueur le 4 novembre prochain, vient désormais le temps des discussions autour de la feuille de route à tracer pour attendre les 100 milliards de dollars par an promis jusqu’en 2020. Une orientation qui aujourd’hui ne fait pas encore l’unanimité. Elle est débattue actuellement dans les négociations et va se poursuivre lors de la COP 22, le 7 et 18 novembre à Marrakech. Cette feuille de route, comme l’explique sur son site, le ministère de l’Environnement français, « s’appuie sur un travail d’analyse et de projection réalisé par l’OCDE ». Mais, ce rapport est contesté par certains pays. D’où les négociations en cours. Pour le gouvernement français qui tient encore la présidence de la COP jusqu’au 7 novembre, il a permis d’« établir qu’au moins 67 milliards de dollars de financements publics (…) seront disponibles d’ici 2020 » mais aussi « que, si les effets de mobilisation de la finance climat privée (…) sont identiques à ceux de 2013-2014, plus de 90 milliards de dollars de finance climat, publique et privée, devraient être mobilisés au total ». Mais, personne ne peut encore prédire exactement combien le secteur privé va mettre sur la table… Un flou qui pose problème. Le secteur injecte, à lui seul, des sommes importantes dans le financement vert c’est-à-dire dans cette économie qui table sur la transition énergétique pour un monde sobre en carbone. Une contribution pas si désintéressée que ça puisque les énergies conventionnelles sont de plus en plus pénalisées en raison de leur impacts environnementaux.
Autre objet de contestation : la place de l’adaptation
L’atténuation c’est-à-dire les mesures de réduction des émissions de gaz sont la priorité pour les pays industrialisés. L’adaptation (au réchauffement climatique) serait donc le parent pauvre de ces négociations, en tout cas, pour l’heure. Le problème, comme le détaillé Tosi Mpanu Mpanu qui préside le groupe des pays les moins avancés (PMA) au Monde en mai dernier, « le texte de Paris a fait le constat que l’adaptation était un sujet majeur, mais il n’a pas clarifié les choses ». Et le journal de rappeler que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) affirmait dans l’un de ses rapports que l’adaptation reste une équation financièrement difficile à résoudre. Une question qu’il est impératif d’éclaircir selon l’ONG Oxfam « si l’on veut offrir de la visibilité aux Etats vulnérables ». En clair, rien n’est encore gagné pour lutter contre le réchauffement climatique même si de nombreux gouvernements se félicitent des avancées prises ces derniers temps.
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