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Compte-renduProcès du Hirak: tortures et exactions, le réquisitoire de Human Rights Watch

30.11.2018 à 08 H 01 • Mis à jour le 30.11.2018 à 08 H 01 • Temps de lecture : 5 minutes
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Dans une publication mise en ligne ce vendredi 30 novembre, l’organisation revient sur les différentes exactions ayant émaillé l’arrestation, le jugement puis la condamnation des militants rifains. Selon ce que rapporte la publication de HRW, plusieurs accusations de torture ont été émises par le groupe de militants sans qu’aucune enquête n’ait été ouverte par le parquet

Human Rights Watch critique avec sévérité le déroulement du procès des militants du Hirak d'Al Hoceima. Dans une publication mise en ligne ce vendredi 30 novembre, l’organisation revient sur les différentes exactions ayant émaillé l’arrestation, le jugement puis la condamnation des militants rifains. Selon ce que rapporte la publication de HRW, plusieurs accusations de torture ont été émises par le groupe de militants sans qu’aucune enquête n’ait été ouverte par le parquet. « La Cour d’appel de Casablanca, qui doit rejuger des manifestants et activistes du Rif, devrait tenir compte d’éléments prouvant que la police avait torturé des accusés », précise l'organisation, faisant référence au procès en appel qui s’est ouvert le 14 novembre dernier.

 

Traitements douteux des militants rifains

Mis en cause par HRW, les différents comportements des éléments de la Brigade nationale de la police judiciaire à Casablanca. Selon l’organisation, 50 des 53 accusés rifains « ont déclaré que durant leurs interrogatoires au siège de la BNPJ, des policiers avaient fait pression sur eux, d’une façon ou d’une autre, afin de leur faire signer des aveux auto-incriminants sans même lire leur contenu », pour ajouter que « parmi ces accusés, 21 ont déclaré que les policiers avaient menacé soit de les violer, soit de violer leurs épouses ou leurs filles mineures », rapporte HRW. La même source, citant une avocate de la défense, ajoute que 17 d’entre eux confient « avoir subi des violences physiques lors de leur interrogatoire – notamment qu’on les avait giflés, battus, qu’on leur avait donné des coups de poing au visage alors qu’ils étaient menottés, ou encore introduit des serpillères sales dans la bouche ».


Plusieurs violations flagrantes des droits des accusés qui les auraient poussé à avouer « avoir commis des actes de violence à l’égard des policiers, mis le feu à des véhicules de police et à une résidence de policiers à Imzouren (près d’El Hoceima), et organisé des manifestations non autorisées », rapporte HRW, précisant toutefois que « tous se sont rétractés, que ce soit devant le juge d’instruction ou plus tard, pendant le procès », explique l'organisation.


Face à ces accusations, le tribunal, dans son jugement écrit HRW « a estimé que les allégations de torture des accusés n’étaient pas « pas sérieuses » et étaient « infondées », et que par conséquent la requête d’invalidation de leurs aveux, présentée par la défense, devait être rejetée », énonce HRW en rappelant que le tribunal s’est fondé sur 22 examens médicaux demandés par le juge d’instruction réalisés en juin 2017 mais aussi sur des examens réalisés par le médecin de la prison civile d’Oukacha à Casablanca.


Les examens médicaux du CNDH ignorés

Cela étant, HRW remarque que les examens médicaux pris en compte par le juge sont différents de ceux établis par les médecins mandatés par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). Des rapports de médecine légale qui font état de « mauvais traitements » subis par les militants rifains, mentionnant également l’état psychologique des personnes examinées.


D’ailleurs, preuve de l’insuffisance des examens médicaux établis par le tribunal, le cas de celui de Jamal El Abbasi, médecin légiste mandaté par le tribunal. Celui-ci aurait bien remarqué des marques de violences sur les corps de trois détenus, dont Nasser Zefzafi, le leader du Hirak. « Mais le médecin n’a pas établi de lien entre ces marques et les violences policières illégales que les trois hommes disent avoir subies ». Le jugement n’a aussi pas pris en compte les remarques du médecin en question.


Quant aux médecins mandatés par le CNDH, dont Hicham Benyaïch et Abdallah Dami, l'ONG internationale remarque qu'ils ont bien « trouvé des traces de violence sur neuf hommes, qui selon eux concordaient à divers degrés avec les violences policières qu'ils ont déclaré avoir subi ». Les deux médecins font également état de plusieurs troubles psychologiques, dont notamment un stress aigu et une détresse psychologique qui sont partagés par plusieurs détenus.

 

Plusieurs violations des droits des accusés

Cas par cas, la publication de Human Rights Watch revient sur le traitement subis par les militants, dont notamment Rabie Al Ablaq , parmi plusieurs autres. Celui aurait été forcé à brandir un drapeau marocain et à déclamer « vive le roi ! ». Celui-ci aurait également eu droit à des gifles de la part d’éléments de la police en plus d’une serpillère sale introduite dans sa bouche, et a aussi été menacé d’être violé. Le médecin mandaté par le CNDH constate que Al Ablaq « était au moment de l’examen « angoissé, avec des pleurs incessants » et que ses allégations de mauvais traitements étaient « globalement crédibles par leur concordance et leur cohérence ».


D’autres droits de la défense auraient notamment été allègrement violés par le tribunal, à commencer par le refus de laisser les accusés consulter les preuves à charge, note HRW. « Le jugement indique que le tribunal de première instance de Casablanca a également fondé ses verdicts de culpabilité sur des dizaines de vidéos et d’enregistrements d’écoutes téléphoniques », ajoutant « que quelques vidéos et enregistrements ont d’ailleurs été diffusés pendant les audiences » Des preuves qui, malgré les multiples requêtes émises par la défense, n’ont pas été communiqués par le tribunal accusés, selon Mohamed Messaoudi un des avocats de la défense cité par Human Rights Watch.


Autre refus du tribunal, celui de citer des témoins-clés de la défense. Ceux-ci concernent les cas de deux militants rifains condamnés, Bilal Ahabad et Samir Ighid dont la présence physique à d’autres évènements pouvaient servir d’alibi aux faits qu’on leur reproche. « Les avocats de la défense ont demandé au tribunal de convoquer les proches d’Ighid et les amis d’Ahabad comme témoins. Le tribunal a rejeté les deux requêtes sans explication, et ne les a pas mentionnées dans son jugement écrit », précise la note de Human Rights Watch. La même chose concerne également Zakaria Adahchour condamné à 15 ans de prison ferme.


Autant d’exactions commises durant le procès des militants rifains, selon HRW, dont la plupart ont été condamnés en juin dernier à des peines de prison ferme comprises entre 20 et 2 ans. Différents agissements qui ne garantissent pas, selon HRW, le droit à un procès équitable, tel que garanti par les traités de l’ONU et africains, conclut l’organisation.

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