n°872.De Sensyo à Marbio: les raisons inavouables d’une rebaptisation
« Des changements afin de se mettre au diapason de la dynamique globale ». C’est en ces termes creux que la société-projet Sensyo Pharmatech a tenté dans l’urgence dans l’après-midi du 18 mai, de justifier son changement de dénomination.
La raison ? Le Desk annonçait en exclusivité au matin du même jour que l’entreprise présentée au roi Mohammed VI en pleine crise de Covid-19, sous l’appellation Sensyo Pharmatech, censée offrir au pays la souveraineté stratégique en terme de production de vaccins, changeait de nom pour Maroc Biotechnologies (Marbio).
Pourquoi une telle précipitation à communiquer après la révélation matinale du Desk ?
Il faut tirer le fil de cette saga pour comprendre les raisons qui ont poussé les communicants de Sensyo (rebaptisée Marbio) à lancer un overflow médiatique auquel se sont conformés la plupart des médias dont Medias24, Le360, ou encore Le Matin.
Après les couacs à l’allumage, l’entreprise était confrontée à un enjeu de taille : comment relancer le projet, alors même que ses fondations avaient été ébranlées par les turpitudes révélées par notre enquête publiée en deux volets (ici et là) à l’été 2022.
En réalité, aucune justification n’a véritablement été avancée pour expliquer les raisons de ce changement abrupt, décidé en septembre dernier et n’ayant reçu l’aval du Conseil d’administration de Sensyo Pharmatech que courant avril.
Le Desk avait pressenti ce changement dès septembre 2022 en exposant ces motivations que la communication de crise tente aujourd’hui d’occulter.
Sensyo, copycat d’un projet de l’IPM
Associé au projet dès son origine, Samir Machhour, qui officie en Corée du Sud auprès de Samsung Biologics, était aux premières loges du lancement du projet de fabrication de vaccins à Benslimane. Annoncé en pleine pandémie de Covid-19, le chantier ne pouvait qu’être bien accueilli.
Sauf que l’association de Machhour a pâtit d’absence manifeste de due diligence : Sur son pedigree, son poids réel dans l’industrie mondiale du vaccin et surtout sur ses affaires privées à l’international.
Nos enquêtes, à revers de la communication officielle autour du personnage présenté comme « M. vaccins » du Maroc, ont relevé que les promesses de Machhour, au fil de ses sorties médiatiques et notamment lors de la présentation du projet d’usine au Souverain, étaient entachées de fausses informations, que ce soit sur le calendrier de production des vaccins que sur les supposés partenaires internationaux devant assurer un transfert de savoir-faire.
Outre ceci, on relevait aussi un point crucial : Sensyo Pharmatech n’est que le copycat d’un vieux projet de l’Institut Pasteur du Maroc (IPM) rangé dans un tiroir depuis 2018.
Sans pour autant lier l’IPM au projet Sensyo présenté au Roi Mohammed VI, Samir Machhour ne s’était pas gêné de reprendre les éléments essentiels développés par l’étude préliminaire consacrée depuis 2015 à la réalisation de l’unité de fabrication devant être pilotée par les services de l’établissement public de santé.
Affaires secrètes en Suisse
Mais le plus choquant aux yeux du milieu de la pharmaceutique et de certains partenaires institutionnels impliqués dans le projet Sensyo concerne les affaires parallèles menées par Machhour en Suisse.
Le Desk avait révélé dans ce sens l’existence d’une sorte d’entité miroir à Sensyo Pharmatech : Bio Investment Group (BIG), discrètement logée dans le canton de Zoug et dont les bénéficiaires finaux sont cachés. A travers un site internet vitrine que Machhour a rapidement désactivé suite à nos révélations, il apparaissait au titre d’associé aux côtés d’un certain nombre de personnalités étrangères. BIG se prévalait ainsi d’assurer le conseil aux gouvernements pour le déploiement d’unités de fabrication de vaccins dans leurs pays dans le but de pouvoir prétendre à la souveraineté sanitaire.
De plus, BIG détient aussi la société Maroc Vax. Cette dernière a été utilisée pour l’importation au Maroc de vaccins auprès d’un laboratoire chinois qui procurait aussi à BIG une licence de transfert de technologie.
Derrière BIG, on retrouvait également une autre société, cette fois-ci directement et historiquement liée à Samir Machhour : le cabinet Sensyo, qu’il avait créé il y a de cela plusieurs années au Canada pour gérer un...salon de beauté, puis au Delaware et enfin en France.
« Avant vos révélations, nous ne connaissions pas l’inspiration qui a guidé le choix du nom de Sensyo. La proposition a émané de Samir Machhour. Le fait que cette appellation soit venue de ses affaires privées antérieures a beaucoup déplu en haut lieu. La décision est donc venue d’en finir », nous expliquait alors une source impliquée dans le projet Sensyo.
C’est donc pour ces raisons inavouables (et rien d'autre) que le changement de nom vient d’être acté.
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