n°219.La politique énergétique algérienne sans boussole
Le premier ministre algérien Ahmed Ouyahia a demandé à la Sonatrach de reprendre l’exploration des hydrocarbures de schiste, suspendue depuis 2016. Pourtant, il y a quelques mois, le gouvernement s’était engagé dans une toute autre direction en choisissant de développer les énergies renouvelables.
En avril 2017, il y a donc à peine six mois, le ministre de l’Énergie de l’époque, Noureddine Boutarfa, affirmait que l’Algérie n’avait « pas besoin à court terme d’exploiter ses réserves en gaz de schiste du fait qu’elle possède d’autres ressources naturelles, notamment le gaz ».
Dans le même temps, le ministre expliquait qu’il fallait encourager le développement des énergies renouvelables afin de s’extraire de la dépendance aux énergies fossiles et assurer la sécurité énergétique du pays. Il était d’ailleurs question du lancement d’un appel d’offres pour produire près de 5000 mégawatts d’électricité solaire, mais rien n’a finalement été acté en ce sens. Après avoir vanté les mérites des énergies propres, le gouvernement fait donc machine-arrière.
Machine-arrière
Mais, en s’engageant aujourd’hui sur la voie du schiste, l’Exécutif ne pourra ignorer le désaccord de la population qui s’inquiète des conséquences possibles sur l’environnement. L’annonce de la reprise de l’exploration risque de réveiller les tensions à In Salah dans le sud du pays. En 2015, puis en 2016, les habitants avaient manifesté contre les travaux d’exploration du gaz de schiste menés par la Sonatrach dans la région.
Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que le risque émanant de manifestations, même locales, ne peut être pris à la légère. Dans un contexte économique difficile où le gouvernement ne peut plus se permettre d’acheter la paix sociale à coups de subventions, il serait donc risqué de ne pas écouter la colère des riverains, et de minimiser ses conséquences.
Contradictions
Le choix de l’Algérie a également de quoi surprendre dans la mesure où elle scrute les moindres signes d’une remontée des cours de l’or noir (qui ont brusquement chuté lorsque les États-Unis ont inondé le marché avec leur pétrole de schiste).
Il n’est donc pas évident de suivre la cohérence de l’Algérie en matière énergétique qui a longuement plaidé pour un accord de réduction de la production Opep mais qui souhaiterait aujourd’hui inonder le marché avec des hydrocarbures (gaz et pétrole) non conventionnels.
De plus, ce projet d’exploration des réserves -extrêmement onéreux et sans garantie de résultat– contraste également avec la volonté du gouvernement de réduire la dépense publique et les investissements. D’autant plus que le pays peine à attirer les capitaux internationaux.
Croissance de la demande en Algérie
Mais le gouvernement a-t-il le choix ? Le problème c’est que le pays, mono-exportateur, est aujourd’hui prisonnier d’une situation où il doit à la fois maintenir les exportations d’hydrocarbures à un niveau élevé pour financer son économie, et trouver un plan viable pour assurer sa sécurité énergétique dans les années à venir.
Avec une population qui passera en 2030 à 50 millions de personnes contre 41 millions aujourd’hui, les besoins en énergie sont croissants. Et, dans un contexte où la production nationale diminue et la demande augmente (accentuée d’ailleurs par des équipements ménagers importés particulièrement énergivores…), le pays pourrait se retrouver importateur s’il ne met pas rapidement en place un plan énergétique viable.
L’Algérie tente-t-elle de copier les Saoudiens ?
Une hausse de la demande interne à laquelle est d’ailleurs confrontée l’Arabie saoudite, autre pays pétrolier. Il n’est d’ailleurs pas à exclure que l’Algérie, sans vision sur le long terme, cherche à imiter la politique énergétique du Royaume. Engagé dans un plan de diversification de ses revenus et faisant face à une demande énergétique intérieure de plus en plus forte (qui menace les capacités d’exportation), le Royaume saoudien veut aussi tirer profit de ses réserves d’hydrocarbures non-conventionnels.
Selon l’agence Reuters, la compagnie nationale pétrolière Saudi Aramco devrait achever très prochainement des installations dans le nord-ouest du Royaume lui permettant de produire du gaz de schiste. Si officiellement il s’agit de diversifier les sources de revenus, et d’assurer sa sécurité énergétique intérieure, on ne peut évidemment exclure que l’objectif numéro 1 soit de se positionner face au schiste américain et de récupérer des parts de marché.
Mais Riyad n’a pas pour autant abandonné ses projets dans le solaire : le Royaume a d’ailleurs lancé mardi 3 octobre un projet d’énergie solaire de 300 mégawatts. « L’appel d’offre représente une étape significative pour le Programme national d’énergie renouvelable, et un pas important sur la voie de la diversification de l’énergie », a ainsi indiqué le ministre saoudien de l’Énergie Khaled al-Faleh.
Le Royaume prépare également l’introduction en Bourse de la compagnie nationale de pétrole logiquement prévue pour 2018. Il s’agit de son projet phare du plan de diversification économique « Vision 2030 » présenté en avril 2016.
Il y a quelques jours, Abdelmoumen Ould Kaddour, PDG de la Sonatrach, a annoncé le lancement de « SH 2030 », le nouveau projet de l’entreprise nationale d’hydrocarbures. Mais, pour l’heure, aucun détail sur cette nouvelle stratégie n’a été donné.
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