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n°583.Oxfam au Maroc: La souffrance étouffée des femmes en confinement

13.04.2020 à 15 H 25 • Mis à jour le 13.04.2020 à 15 H 25 • Temps de lecture : 5 minutes
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Si le Coronavirus touche sans distinction toutes les classes sociales, nous ne sommes malheureusement pas tous égaux face à la maladie et aux conséquences des mesures de lutte contre sa propagation. La pandémie du Covid- 19 nous met face à nos choix de développement social, économique, politique et met en avant les profondes inégalités qui traversent nos sociétés. Pour Oxfam au Maroc, distanciation sociale ne doit pas signifier différenciation sociale !

Parmi les conséquences sociales engendrées par la pandémie et par les mesures de lutte contre la propagation du virus, en particulier le confinement, Oxfam au Maroc et l’ensemble des acteurs intervenant dans ce domaine pointent les injustices liées aux inégalités de genre dont les principales victimes sont les femmes et les filles.


Le confinement : quand protection peut rimer avec prison ?

Le confinement est certes une excellente mesure qui a pour but de protéger les personnes de la propagation de l’épidémie, mais il est aussi devenu synonyme de « prison » pour les femmes victimes de violences domestiques qui se retrouvent enfermées avec leur agresseur.


En plus de ces violences intolérables, ces femmes sont privées, de toute interaction sociale avec leur famille, leurs proches et ne peuvent chercher ou recevoir de l’aide auprès des organisations de défenses des droits des femmes, des centres d’écoute ou des cellules des violences de la police.


Malika, agente de maintenance à Rabat nous confie : « Je travaillais de 9h à 17h chaque jour chez une famille, ce travail me permettait d’éviter de le croiser pendant quelques heures durant les journées. Aujourd’hui, avec le confinement, j’ai perdu mon travail, et je suis obligée de supporter ses insultes et agressions physiques tout au long de la journée ».


Les organisations de défense des droits des femmes confirment que le taux des violences domestiques a augmenté durant cette période de confinement. Toutefois, le Maroc, comme c’est le cas pour d’autre pays, n’a toujours pas réussi à documenter l’impact du Covid-19 sur les femmes victimes de violences conjugales, ni proposer des alternatives pour y répondre concrètement. Il conviendrait donc de collecter des données ventilées par sexe et par âge sur les impacts socio-économiques directs et indirects du Covid-19 sur la population et dans différents secteurs.


Ces situations extrêmes de cohabitation forcée permettant la commission de violences physiques et psychologiques en toute impunité , souvent devant des enfants impuissants et traumatisés, exigent de notre pays l’absolue nécessité de reconnaitre les violences conjugales comme un acte punissable par la loi marocaine, pouvant aller jusqu’à qualifier un crime.


L’Etat doit :


- Continuer à exploiter les canaux de communication formels et informels ainsi que les nouvelles technologies, afin de sensibiliser sur la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles

- Appuyer les services d’aide psychologiques pour les citoyen.ne.s dans le besoin

- Appuyer les organisations de la société civile et soutenir leurs initiatives, qui malgré cette période d’isolement social, continuent à intervenir pour soutenir et protéger les victimes.


Qui est responsable de ces violences ?

L’étude « Les violences faites aux femmes au Maroc : entre patriarcat et limites institutionnelles », de Oxfam au Maroc en partenariat avec le RSSI, a démontré que La prédominance des normes sociales patriarcales dans la société marocaine est un facteur qui favorise les violences envers les femmes et les filles.


Une grande partie des jeunes hommes et femmes questionné.e.s dans le cadre de cette étude invoquent des valeurs patriarcales dans leur « normalisation » des violences subies dans un cadre conjugal ou dans l’espace public. Ces normes sociales ont attribué des rôles et responsabilités pour les femmes et pour les hommes au sein de la famille et de la société, une division du travail à l’intérieur et l’extérieur des foyers.


Les violences basées sur le genre puisent donc leurs racines dans la culture patriarcale qui reproduit et légitime des croyances machistes, tout en étant conscients que les normes sociales constituent un facteur important mais pas exclusif de ces violences.


Avec le confinement, les femmes assurent le travail de soin non rémunéré 3 fois plus que les hommes. Cela implique par exemple de prendre soin de personnes âgées, malades ou en situation d’handicap. En outre, les femmes peuvent avoir des responsabilités supplémentaires, l’enseignement à distance et la garde des enfants, s’ajoute à cela les tâches ménagères, préparer à manger, et enfin, assurer son travail, si elle a une activité professionnelle.


Ceci peut avoir des conséquences graves sur les familles monoparentales ainsi que sur les familles vulnérables, sur la santé mentale des femmes, une limite pour leur épanouissement et un frein pour l’évolution de leurs carrières professionnelles.



Masculinité positive : le partage des tâches ménagère n’est pas « hchouma »

« Je n’avais pas l’habitude de prendre soin des enfants ni encore moins de cuisiner, mais les circonstances m’y ont obligé. Je suis toujours un homme, la seule chose qui a changé en moi, c’est qu’après le confinement, je veillerai à partager les tâches domestiques avec ikram, car je comprends maintenant l’importance de s’entre-aider » nous confie Yassine, marié à Ikram, qui est pharmacienne.



Une campagne de sensibilisation sur les masculinités positives a été lancée le lundi 06 avril par la Fédération de la Ligue des Droits des Femmes, rappelant la responsabilité de chacun.e face à la situation actuelle, l’importance de lutter contre les violences faites aux femmes durant cette période de confinement, et enfin, le partage de la responsabilité des enfants et des tâches ménagères quotidiennement.


Certes le confinement est un frein social dans l’exercice de certaines libertés individuelles mais aussi une opportunité de vivre le quotidien des femmes et de remettre en cause certaines pratiques injustes et inégalitaires. Ainsi, le gouvernement serait inspiré de communiquer sur l’importance d’une division de travail équitable dans les foyers et d’appuyer toutes les initiatives de la société civile pour promouvoir les masculinités positives et lutter contre les violences domestiques durant cette période de confinement.


Par ailleurs, le gouvernement doit aussi poursuivre et renforcer sa politique socio-économique pour la protection des femmes vulnérables contre la pauvreté, surtout les travailleuses du secteur informel. Enfin, il est impératif que ces différentes mesures soient inclusives, en garantissant notamment l’accès aux services de lutte contre les violences aux femmes migrantes et aux réfugiées.

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