n°992.Quel avenir pour le gaming au Maroc ?
À l’occasion des deuxièmes Assises des Industries Culturelles et Créatives qui ont commencé mercredi à Rabat, Jed Melnik, le directeur de création de Disruptive Games, un studio américain de développement de jeux vidéo, était présent pour évoquer le secteur du gaming, émergent dans l’industrie culturelle.
Interrogé par Le Desk sur l’avenir de ce secteur, selon lui, le Maroc a toutes ses chances de devenir une figure majeure du gaming. « Le Maroc a déjà une industrie technologique. Des grandes compagnies comme Microsoft sont présentes, des ingénieurs et des codeurs sont aussi là. Il faut maintenant lier cet art, le divertissement et la culture des jeux vidéos, avec la technologie présente. Il y a aussi déjà de nombreux studios de cinéma. Tous ces aspects font que le Maroc serait parfait pour devenir un centre de gaming ». Originaire de la filière artistique, Jed Melnik insiste sur la valorisation de cet aspect créatif. « En réussissant à mettre en valeur les artistes, à les faire émerger et connaître, on réussit une grosse différence ».
La plus value marocaine dans le gaming
Depuis quelques années, le Maroc s’implique dans l’émergence de cette industrie. Il y a d’abord la création de la Fédération Royale Marocaine des Jeux Électroniques (FRMJE) en 2020. Puis la Confédération Africaine des Sports Digitaux, créée en 2023, qui a installé son siège au Maroc. « Les premiers championnats d’Afrique ont été organisés à Casablanca en août dernier, et ça démontre la capacité du Maroc à être un leader au niveau du gaming. Et il y a les projets comme Rabat Gaming City, l'organisation de tournois majeurs, au niveau mondial et continental au Maroc, ainsi que les différents partenariats qu'on peut avoir avec nos amis africains, dans une stratégie sud-sud, pour faire du Maroc un acteur majeur », explique Soufiane El Filali, porte-parole de la FRMJE.
La Fédération et le gouvernement progressent conjointement, grâce aux apports du gouvernement et aux infrastructures. « Au niveau de la connectivité, des serveurs, on est bien avancés. Et il y a aussi la volonté de faire du Maroc un producteur de gaming, au-delà de la consommation, pour avoir des champions nationaux et start-up nationales qui émergent de cette industrie-là ».
Selon Statista, les revenus de ce nouveau marché marocain devraient atteindre jusqu’à 227,3 millions de dollars à la fin de l’année, et le nombre de gamers pourrait atteindre 20 % de la population marocaine d’ici 2027. « Les partenariats des ministères, notamment des Sports et de la Jeunesse, Culture et Communication, portent un intérêt particulier à cette industrie. Car c’est un secteur capable de créer des emplois. Tous ces acteurs-là sont aujourd'hui main dans la main pour faire du Maroc, un leader dans le gaming », affirme Soufiane El Filali.
Preuve de cette synergie, le lancement imminent de la Cité du gaming qui doit voir le jour à Rabat, et dont le pilotage a été confié à Rabat Région Emergence.
Tout est là, sauf que cependant pour Jed Melnik, il faut rester prudent à ne répéter les mêmes erreurs que d’autres pays. « Des pays donnent trop d’importance à l’aspect technologique, qui empiète sur la partie artistique. En Inde par exemple, beaucoup d’investisseurs souhaitaient créer des studios bas de gamme. Ils avaient les compétences d’ingénierie, mais ils n’avaient pas cette culture artistique, plus précisément du gaming, qui est, je pense, nécessaire », précise-t-il.
La jeunesse aux manettes
Pour réussir à implanter la culture gaming au Maroc, la FRMJE souhaite insister sur l’accessibilité à tous. « On veut développer l'inclusion à travers le gaming. Permettre à tous les Marocains, quelle que soit leur région, d'avoir des conditions optimales pour pratiquer cette nouvelle discipline. Il y a justement le projet avec le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, d’équiper ses centres de jeunesse dans toutes les régions du Maroc - on en est à peu près à 89 aujourd’hui - ce qui permet à des associations locales d’organiser des activités parallèles, des tournois, des formations à ces jeunes pour vulgariser ces nouvelles technologies et permettre à des talents d'émerger. On va aussi essayer de généraliser cette activité pour que ça ne soit plus tabou, et avec ces formations, ces tournois, permettre au meilleur de représenter leur pays, le Maroc ».
Une fois cette accessibilité acquise, les talents pourront être connus et mis en valeur, notamment avec la possibilité de travail à distance selon Jed Melnik. « Notre entreprise fonctionne complètement à distance. On a des employés en Colombie, au Canada, en Europe. C’est un gros bénéfice pour nous car on peut travailler avec des personnes très talentueux, n’importe où dans le monde ».
L’avenir du gaming mise sur ces nouvelles générations. « On a une génération qui est de plus en plus intéressée par le gaming, et tout ce qui s’y rattache, surtout les métiers en relation avec cette industrie, notamment le développement informatique, le design, les réseaux sociaux, l'organisation de tournois… » Car l’âge moyen des pratiquants dans ce secteur est très jeune. « Il y a des pratiquants plus âgés, mais les professionnels ont entre 16 et 25 ans, car les capacités cognitives sont au maximum. Mais la passion du gaming reste, et beaucoup se convertissent derrière comme coach, commentateur ou organisateur de tournois ». Le gaming est une source d’emploi car il peut aussi être utilisé pour les recrutements. « Aujourd’hui beaucoup d'entreprises recrutent via le gaming. Au-delà de l’entretien classique, on va jouer plusieurs minutes, pour juger les capacités à se concentrer, à communiquer avec les autres… Ces nouvelles méthodes ne sont pas encore rentrées au Maroc aujourd'hui, mais à l'étranger le gaming commence à aller encore plus loin ».
L’enseignement supérieur réalise l’intérêt des jeunes pour le gaming, et toute l’ampleur de ce secteur. « Des universités étaient présentes au Morocco Gaming Expo, d’autres nous ont sollicitées pour organiser des tournois et d’autres activités autour du gaming, donc je pense qu’ils réalisent la dimension du secteur gaming. L’idéal maintenant, ce serait de créer des cursus spécialisés, pour ouvrir de nouveaux horizons autour du gaming », conclut le porte-parole de la Fédération.
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