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Législatives 2016Après les élections, quelles coalitions possibles ?

08.10.2016 à 23 H 54 • Mis à jour le 09.10.2016 à 00 H 54 • Temps de lecture : 9 minutes
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Avec quels partis le PJD peut-il s’allier pour créer une coalition majoritaire à la Première chambre suite aux élections de vendredi ? Le Desk s’est prêté à l’exercice en alliant calcul de probabilités et réalités politiques du moment

Les électeurs marocains se sont présentés vendredi aux bureaux de vote pour élire leurs députés. Le parti arrivé en tête doit maintenant créer sa majorité parlementaire et constituer son gouvernement en conséquence. Abdelilah Benkirane, chef de la coalition sortante et du premier parti en nombre de sièges, aura à constituer une nouvelle majorité avec des partis dont le poids au parlement a significativement changé entre 2011 et 2016. Ses chances de reconduction de la coalition sortante sont bonnes, en tout cas meilleures que celles d’une coalition hétéroclite et plus instable, potentiellement dirigée par le PAM.


Lire aussi notre Grand Angle daté de juillet 2016 : Projection des élections 2016 : PJD en tête, le PAM passe devant l’Istiqlal


Le paysage politique a bien changé en 5 ans : dans une réédition des résultats des dernières élections communales et régionales, le PJD et le PAM s’adjugent plus de la moitié des sièges à la chambre des représentants, alors que l’abaissement du seuil électoral de 6 % à 3 % a lourdement pénalisé le RNI, l’USFP et l’Istiqlal. La Koutla historique en particulier accuse de lourdes pertes qui hypothèquent le futur des deux partis, et ce dans un contexte de participation stagnante - le nombre de votants est passé de 6,1 millions en 2011 à 6,7 millions en 2016. Le PAM a répliqué sa performance de 2015, doublant son nombre de sièges détenus depuis novembre 2011. Au final, le PJD obtient 125 sièges contre 102 pour le parti d'Ilyas El Omari.


Sources : ministère de l’Intérieur, MAP, Chambre des Représentants.

 

Une coalition plus difficile à trouver pour le PJD ?

Une coalition majoritaire doit détenir 198 sièges pour s’assurer la motion de confiance à la chambre des représentants. Les résultats des élections donnent aux partis des représentations différentes au parlement : certains ont des groupes parlementaires larges et influents, d’autres ont parfois une poignée de députés, un nombre insuffisant pour se constituer en groupe. De ce fait, les possibilités de coalition deviennent complexes, et le poids d’un parti dans une coalition majoritaire potentielle n’a aucun lien avec sa taille.


En 2011, le PJD était arrivé premier avec 107 sièges, soit un déficit de 91 sièges à combler pour obtenir la majorité absolue. La fragmentation du nombre de sièges remportés par les ‘grands’ partis - ceux ayant obtenus plus de 3 % de voix au scrutin national - fait que les probabilités de création d’un ménage à trois entre le PJD et deux autres partis étaient relativement faibles : seulement 28.6 % des coalitions possibles. Une coalition à quatre partis (PJD inclus) augmentait sensiblement ses chances à 88 %. Au-delà, le PJD était assuré de trouver une coalition majoritaire potentielle, mais au prix d’une moindre homogénéité. Cette importante augmentation de probabilité est le fait du MP et du PPS - malgré la taille de leurs groupes parlementaires respectifs, le fait qu’ils ont plus de chance de figurer dans une majorité gouvernementale leur confère un pouvoir de négociation non négligeable. Le résultat est que le PJD a été contraint de former une coalition avec trois partis plutôt que deux, même si l’arithmétique de coalition était d’apparence en sa faveur.


Pour 2016, le PJD améliore substantiellement son score électoral et augmente le nombre de sièges locaux de 83 à 99. Il confirme encore plus sa position dominante dans le champ politique, passant au total de 107 à 125 sièges. Sans pour autant devenir hégémonique : il lui reste 73 sièges à pourvoir pour obtenir une majorité absolue, qu’il va devoir assurer en créant une coalition avec les autres partis. En comparaison avec 2011, le PJD a plus de chances de réussir à constituer sa majorité, ayant travaillé avec autant de partis que le MP, le PPS, le RNI et l’Istiqlal dans deux coalitions différentes depuis janvier 2012. Une alliance avec l’Istiqlal est certainement en cohérence avec le référentiel conservateur partagé entre les deux partis, doublé également d’une présence du parti d’Allal El Fassi qui serait rassurante - ce dernier disposant d’une solide expérience de gestion après tant d’années passées au gouvernement – mais aussi des velléités de son actuel leader Hamid Chabat de peser sur la scène politique. Malgré tout, la tâche du PJD sera compliquée par d’éventuelles pressions externes et par les rivalités internes chez ses partenaires potentiels, où les ambitions personnelles peuvent mettre en échec la chorégraphie délicate des négociations post-électorales.


Ilyas El Omari au QG du parti du tracteur à l’annonce des résultats partiels indiquant sa position de sérieux challenger. Mais dans l’éventualité d’un choix alternatif au PJD pour former une coalition gouvernementale, le PAM a moins de choix : sa configuration la plus probable à 85,2% est composée de quatre alliés : l’Istiqlal, le RNI, le MP et le PPS. MOHAMED DRISSI KAMILI / LE DESK


L’option PAM : une alternative crédible

Le PAM se pose en alternative crédible pour former une coalition si le PJD s’avère être incapable d’emporter l’adhésion d’une majorité de parlementaires. Si la constitution de juillet 2011 contraint le monarque à choisir le chef du gouvernement dans les rangs du parti arrivé premier dans son article 47 (en nombre de sièges, même si ce détail n’est pas mentionné) elle est muette sur les autres cas de figure, par exemple si le chef du gouvernement désigné échoue à convaincre suffisamment de partis pour créer une coalition majoritaire. Abdelilah Benkirane s’est déjà dit favorable dans ce cas à la tenue de nouvelles élections. Mais il est plus probable que le monarque charge alors le second parti en nombre de sièges de créer une coalition, reléguant le premier à l’opposition.


En 2012, Lloyd Shapley a reçu avec Alvin Roth le prix Nobel d’économie pour ses travaux en Théorie des Jeux. Shapley en particulier, a contribué à mettre en avant le concept de “pivot de coalition”, c’est-à-dire le joueur qui permet à une coalition de devenir majoritaire, et ce quelque soit son poids intrinsèque. L’application de l’indice de Shapley montre ainsi que c’est le triumvirat UC-MP-PPS qui détient la clef de voûte d’un nombre important de configurations de coalitions majoritaires. Le PAM et le PJD sont donc dans une sorte de course contre la montre pour convaincre les 6 autres principaux partis de les soutenir pour former un gouvernement.



Le tableau ci-dessus représente les probabilités qu’un parti donné participe à la création d’une majorité gouvernementale menée par le PJD : dans une configuration à deux alliés, l’Istiqlal a plus de 66 % de chances d’y figurer, contre 63 % par exemple pour le MP. Dans une configuration à 3 alliés, le PPS a près d’une chance sur trois d’y figurer, la probabilité la plus importante de ses pairs, et une illustration du poids qu’il détient lorsque le PJD cherche à étendre ses alliances. Le PJD a ainsi une longueur d’avance sur son rival : il peut former une coalition avec l’Istiqlal et le MP et arriver à obtenir sa majorité absolue. S’il souhaite augmenter la taille de sa coalition, le PPS est le candidat idéal, reprenant ainsi la majorité gouvernementale initiale de janvier 2012.



Le PAM quant à lui fait face à des choix plus restreints, et donc des probabilités de composition de majorité plus faibles : dans une configuration à deux alliés, l’Istiqlal et le RNI ne figurent que dans 36 % des coalitions possibles. Les chances de partis comme l’USFP ou le MP sont nettement meilleures lorsque la majorité est étendue à 3 partis. Le PPS encore une fois a, en théorie, le plus de chance de compléter une majorité PAM lorsque celle-ci englobe 4 partis alliés. Le chassé-croisé entre Nabil Benabdallah et le palais devrait rendre cette alliance improbable, bien que le PAM puisse arguer du fait que cela isolerait un peu plus le PJD, qui ne compterait pas laisser la nouvelle majorité gouverner sans lui tendre des embuscades régulières lors du vote de lois importantes, comme celle sur le budget. Le PPS associé au PAM constituerait donc une police d’assurance visant à priver le PJD d’alliés fidèles.


Les calculs de combinaisons possibles de coalitions gouvernementales donnent ainsi les résultats suivants pour le PJD et le PAM comme leaders de coalitions majoritaires :


Sources : ministère de l'Intérieur, MAP, calculs de l'auteur


Les coalitions du PJD les plus récurrentes à 87 % sont celles composées des partis suivants dans l’ordre : Istiqlal ou RNI, MP et PPS. La plus probable, à 44,7 % est celle que le PJD a conduit de janvier 2012 à octobre 2013, avec l’Istiqlal, le MP et le PPS. Du fait d’une importance relativement moindre du RNI dans la constitution des majorités, une coalition où ce dernier remplace l’Istiqlal obtient une probabilité de 42,8 %. Dans la pratique, la distance prise par le RNI vis-à-vis du parti de Benkirane lors de la campagne électorale appuie ces résultats statistiques.


Le PAM quant à lui a moins de choix - sa configuration la plus probable à 85.2 % est composée de quatre alliés : Istiqlal, RNI, MP et PPS. Statistiquement, ce dernier est préféré à l’UC ou l’USFP, étant donné la récurrence de son poids déterminant dans la constitution d’une majorité parmi toutes les combinaisons possibles. Néanmoins, l’USFP en particulier a très tôt manifesté son appétence pour une alliance avec le PAM, tout comme l’UC qui n’a pas manqué de manifester son enthousiasme quant à l’opportunité de rejoindre la majorité après 30 ans d’opposition.


Consultez aussi : notre Chaîne Législatives 2016, notre Spécial Soirée électorale, et notre Replay Campagne en régions


Le Palais comme les partis politiques ont un choix clair : laisser le PJD créer sa majorité gouvernementale – même au prix de négociations coûteuses en termes de postes ministériels pour le parti de la lampe - ou bien refuser à Benkirane un second mandat à la Primature et charger le PAM de former un nouveau gouvernement. Ce dernier pourrait fédérer suffisamment de partis pour créer sa majorité, mais elle serait plus hétéroclite et affaiblie face à une opposition beaucoup plus homogène, dirigée par un PJD furieux de se voir « dénier » sa victoire électorale.

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